La Femme Surréaliste

La Femme Surréaliste

Un délire de mots et d’images !

Cela ressemble à un une douce affabulation, et cela ne l’est (sans doute) pas : la volonté, non aboutie, pour les Marx Brothers et Dali de faire un film ensemble ! Une ébauche de scénario qui se termine ici dans une bande dessinée délirante !

La Femme Surréaliste © nouveau monde graphic

Tout commence à la fin des années trente.

Salvador Dali, la moustache encore « normale », est pris de passion pour les films des Marx Brothers. Il est vrai que ces films ressemblent fort à une espèce de diarrhée verbale et cinématographique qui n’a pas grand-chose à voir avec les codes en vigueur dans l’industrie du cinéma. De là à imaginer des ponts possibles entre ces vedettes burlesques (mais habillées) et un peintre qui s’impose de plus en plus, il n’y a qu’un pas que Harpo et Dali franchissent, mais que les studios, eux, ne franchiront pas !

La Femme Surréaliste © nouveau monde graphic

Trois quarts de siècle plus tard, Josh Frank, qui se définit comme un « archéologue de la pop culture », décide, après la lecture d’un article datant de 1937, de se lancer à la recherche des prémices de ce film, d’un possible scénario. Le résultat, après plusieurs années, c’est cette BD !

Je ne vais pas énumérer ici toutes les péripéties qui ont mené jusqu’à ces quelque 224 pages plus que surprenantes, et je vous conseille de lire, plutôt, tout le dossier qui accompagne cet album.

Je vais donc, simplement, chroniquer cette lecture qui, je l’avoue, me laisse désarçonné.

La Femme Surréaliste © nouveau monde graphic

Parlons, d’abord, du dessin. Manuela Pertega a énormément de talent, et elle s’est totalement immergée dans ce délire visuel, littéraire et décousu, usant d’un style qui fait parfois penser à une forme d’automatisme graphique, parfois à la bd « pop art » de la fin des années 60 (Lichtenstein, par exemple, mais aussi Pellaert et sa survireuse). Tantôt presque réaliste, tantôt totalement caricatural, passant d’un découpage en gaufrier à un éclatement des pages, le dessin utilisé alors presque comme un calligramme d’Apollinaire, l’art de cette artiste colle parfaitement au but de ce livre : celui d’une expérience « extra-corporelle » !…

La Femme Surréaliste © nouveau monde graphic

Parlons ensuite du scénario, du récit, de l’histoire racontée.

La thématique est simple. Un homme riche, un entrepreneur, un homme d’affaire, est fiancé à une femme qui le trompe ignominieusement. Et il va tomber éperdument amoureux d’une femme mystérieuse, « la femme surréaliste », dont chaque apparition est un événement.

Comme dans les comédies des Marx Brothers, il y a d’une part un personnage à la fois central et effacé qui revêt une réalité sérieuse, et d’autre part les folies organisées des complices farfelus qui ont marqué l’histoire du cinéma.

La Femme Surréaliste © nouveau monde graphic

Et donc, tout le récit est totalement ivre, sans queue ni tête, avec des dialogues qui sont aussi des références à plusieurs films (réels) des Marx Brothers.

Chaque page consacrée à la femme surréaliste, aux autres femmes aussi, se caractérise par une influence surréaliste, certes, psychanalytique aussi, les coulées liquides étant, pour Freud et ses suivants, d’évidentes références à la sexualité… Donc à la liberté de la chair… Donc à l’inutilité de la rentabilité face au désir…

La femme surréaliste est une tricheuse, est-il dit quelque part… Mais comme « tout a été vu et revu, rien de neuf sous le soleil et sous le tapis non plus », cette tricherie se fait fondamentale dans tout ce qu’est la féminité. Et donc la masculinité, celle-ci, surréalistiquement parlant, ne pouvant se définir et se révéler qu’en miroir de la femme avec ou sans F majuscule !

Marx Brothers et Dali © tumblr

Ce livre, je le disais, est décousu, comme le sont les poèmes surréalistes purs et durs. On n’est pas dans le jeu des cadavres exquis, mais on s’en rapproche, incontestablement. Le langage, comme la femme

surréaliste, est tricheur… Tout comme le dessin qui ne fait pas que rendre hommage à Dali, tout comme le texte, tout comme la musique qui, grâce à la présence de Harpo, reste toujours présente.

On parle d’amour dans ce livre, bien évidemment, puisque l’amour, sous toutes ses formes, est au centre, même voilé, de toute démarche surréaliste. Mais d’un amour dans lequel les êtres, différents les uns des autres par essence, se disent : « Nous nous ressemblons. Nous voulons changer le monde grâce à notre imagination ».

Marx Brothers et Dali © tumblr

Ce livre est donc un OSNI… Objet Surréaliste Non Identifiable.

Ce livre ivre est un feu d’artifice de mots jouant entre eux sans queue ni tête.

Ce livre enivrant est étonnant, il ne peut et ne veut sans doute que désarçonner. Il y réussit… A ce titre, il est réussi, sans aucun doute possible !

Jacques Schraûwen

La Femme Surréaliste (dessin : Manuela Pertega – texte et scénario : Josh Frank et Tim Heideker – éditeur : nouveau monde graphic – 224 pages – mai 2021)

https://www.nouveau-monde.net/catalogue/la-femme-surrealiste/

A Fake Story

A Fake Story

Entre fiction et réalité, entre vérité et mensonge, une enquête passionnante !

En 1938, Orson Welles, nous dit-on, a provoqué un vent de panique dans tous les Etats-Unis avec une pièce radiophonique consacrée à une invasion de Martiens… Est-ce la réalité ou une « fake news » propagée par la rumeur ?… On en parle, dans ce livre à découvrir !

A Fake Story © Futuropolis

Tout commence, en effet, dans cet album, avec la voix de Orson Welles sur les ondes de CBS mettant en scène, comme un journaliste, « La guerre des mondes » de son presque homonyme H. G. Wells. Les gens écoutent, les gens ont peur, et, dans une petite ville loin de tout, Grovers Mills, un homme tue sa femme, blesse son fils et se suicide pour ne pas tomber entre les mains des envahisseurs.

Il n’en faudrait pas plus, dans cette époque qui voit les différentes radios s’affronter avec de plus en plus de hargne, pour que CBS en soit tenue pour responsable. Et risque, dès lors, de disparaître.

A Fake Story © Futuropolis

Le patron de cette chaîne de radio décide d’envoyer un de ses anciens journalistes, Douglas Burroughs, pour enquêter… Pour vérifier si cet horrible fait divers peut réellement être imputé à la « fiction » de Orson Welles.

Et c’est cette enquête, menée par un homme soucieux de vérité, d’une part, mais s’apprêtant à écrire un roman, d’autre part, qui va nous mener, lecteurs, à nous promener dans les méandres du quotidien, du réel et de ses imaginaires.

A Fake Story © Futuropolis

Parce que, déjà, il faut se rendre compte que le chaîne CBS n’avait en 1938 qu’une audience de 2%… Et que la panique que la rumeur a décrite et continue à décrire n’était pas une réalité ! Il y eut des mouvements épars de peur, d’angoisse, c’est évident… Mais seuls les auditeurs n’ayant pas entendu le tout début de cette émission consacrée à des pièces radiophoniques pouvaient croire en un reportage réel…

Parce que, ensuite, l’être humain est ainsi fait qu’il finit toujours par croire à ses propres mensonges. Et à réussir à y faire croire ceux qui l’entourent… Ne sommes-nous pas toutes et tous des petits Tartarin de Tarascon méconnus ?

Ce livre nous parle donc, vous l’aurez compris, de faux semblants. Mais, ce faisant, le scénariste Laurent Galandon nous offre un récit qui dépasse, et de loin, la seule anecdote historique. S’inspirant de l’unique roman de ce fameux Douglas Burroughs, dans une sorte de mise en abyme vertigineuse, c’est des apparences qu’il nous parle… Et des miroirs déformants qui, sans arrêt, font d’une enquête policière une espèce de labyrinthe dans lequel culpabilité et innocence se mêlent et parfois même se confondent.

A Fake Story © Futuropolis

Des apparences et, également, de réalités qui, de nos jours, éveillent encore de bien tristes échos.

Galandon crée ainsi des personnages qui vivent dans une époque bien précise et qui, de ce fait, subissent au quotidien des réalités qui ne devraient plus être de mise aujourd’hui.

Galandon nous enfouit dans ce qu’on a pu appeler un « racisme ordinaire », par exemple… Et un dessin superbe de la page 34 en raconte bien plus sur ce qu’était ce racisme dans les années trente que tous les beaux discours : un dessin qui montre l’étonnement dans le regard ‘un Noir qui voit un Blanc lui tendre la main !

Galandon nous parle aussi de l’horreur qu’une femme peut vivre parce qu’elle est considérée par d’aucuns comme inférieure, comme n’étant qu’un objet. Là aussi, notre vingt-et-unième siècle prouve que l’âme humaine n’a pas beaucoup évolué !

Ce que j’aime dans ce scénario, c’est que Galandon ne post-juge pas des attitudes avec un regard contemporain. Il nous donne à voir, simplement, ce qu’était le monde, ce qu’étaient les préjugés, ce qui était considéré, alors, et pas seulement aux Etats-Unis, comme étant « normal »… Cela dit, restituer un récit dans une perspective historique précise, ce n’est pas excuser cette discrimination, que du contraire. Et c’est pour éviter ces deux écueils, d’une part le jugement a posteriori et d’autre part la froideur d’un regard sans distance, que Laurent Galandon fait de Douglas Burroughs, le méconnu, un personnage humaniste, convaincu du bien-fondé de sa recherche de vérité. Un témoin subjectif, bien plus qu’un simple observateur !

A Fake Story © Futuropolis

Et, en choisissant de nous raconter une histoire se vivant dans le milieu du journalisme, avec, en trame de fond omniprésente la présence de l’immense génie qu’était Orson Welles, Galandon élargit encore plus son propos. Il nous parle de déontologie journalistique, il nous rappelle que les faits divers construisent aussi l’Histoire d’un pays, et il amorce déjà ce qui fut le début de la multiplication des « fake news », à savoir le pouvoir médiatique pris par la télévision.

Ce livre, ainsi, devient l’illustration d’une société qui passe de l’écrit à l’image, inéluctablement, sans pour autant supprimer l’art de la manipulation… De la propagande, chère à quelques dictatures de triste mémoire !

Tout cela a l’air bien sérieux, mais ce livre est quand même, d’abord et avant tout, un excellent roman noir à l’américaine, entre Chandler et Steinbeck aurais-je envie de dire…

Un livre choral, en quelque sorte, comme souvent avec Galandon qui aime ses personnages, qui a le besoin de leur donner corps, de leur accorder chairs…

Un récit dont le dessin de Jean-Denis Pendanx réussit parfaitement à rendre l’ambiance. Et ce malgré un découpage dans lequel les raccourcis pourraient se révéler perturbants. Son graphisme réussit, malgré les différentes histoires racontées, à nous les rendre toutes lisibles… linéaires, pratiquement…

Et, pour rendre palpable l’atmosphère de ce livre, il y a aussi les couleurs, quelques peu surannées, créant narrativement des séquences presque monochromatiques, qui ont une importance capitale…

Un excellent livre, donc, comme la plupart des œuvres scénarisées par Laurent Galandon. Une adaptation en bd d’un roman qui doit sans doute être réussie, même si ce roman est plus que méconnu…

A Fake Story © Futuropolis

Une belle mise en abyme, aussi… Dont voici un semblant de définition, qui pourrait vous permettre de lire ce livre autrement » : il s’agit d’un procédé littéraire qui place, dans le déroulé d’une œuvre, une autre œuvre du même genre, comme pour créer un écho…

Une mise en abyme, ici, ne serait-elle pas, finalement, un « fake » présent dès la couverture ?…

Jacques Schraûwen

A Fake Story d’après le roman de Douglas Burroughs (dessin : Jean-Denis Pendanx – scénario : Laurent Galandon – éditeur : Futuropolis – 90 pages – novembre 2020)

Willem, Stalner et Maffre

Willem, Stalner et Maffre

Trois suites attendues et réussies: ils conjuguent la bande dessinée avec talent !!!

Troisième volume pour « La fille de l’exposition universelle », deuxième et dernier tome pour « L’oiseau rare », et quatrième aventure de « Stern » : trois séries excellentes, intelligentes, passionnantes…

La Fille De L’Exposition Universelle – Paris 1878

Dessin : Etienne Willem – scénario : Jack Manini – couleurs : Tanja Wenish

Editeur : Bamboo Grandangle – 64 pages – janvier 2021

La Fille de l’Exposition Universelle 3 © GrandAngle

Ce que j’aime dans cette série, d’abord, c’est le plaisir qu’il y a à voir vieillir, d’album en album, les personnages. Des personnages qui vieillissent, oui qui évoluent, d’âge en âge, étant tout sauf monolithiques.

La deuxième raison pour laquelle cette fille de l’exposition me plaît, c’est que chaque album peut se lire seul. Certes, il y a des réminiscences, mais chaque récit est indépendant des autres.

La Fille de l’Exposition Universelle 3 © GrandAngle

La troisième raison, c’est l’osmose parfaite entre un scénario réaliste et légèrement fantastique tout à la fois, et un dessin semi-réaliste qui rend tout parfaitement plausible.

Et donc, nous suivons d’album en album Julie Petit-Clou, d’exposition universelle en exposition universelle.

Nous voici en 1878, et Julie Petit-Clou a 35 ans. Elle exerce toujours, à l’entrée de l’exposition universelle de Paris, son don de voyance. Un don qui va l’emporter dans une aventure échevelée, avec un tueur horrible qui s’échappe, avec des corps décapités, avec de l’amour, avec des coups de feu, des policiers qui font penser parfois aux Dupont et Dupond de chez Tintin.

La Fille de l’Exposition Universelle 3 © GrandAngle

Avec, en fait, plusieurs historiettes, mélangées, qui deviennent un portrait très large d’une époque historique précise. Je disais que le scénario de Manini était fouillé, et c’est bien le cas. On parle, dans ce livre, de socialisme, d’un Mac Mahon falot, d’entreprises (déjà) rachetées par d’autres sans tenir compte des ouvriers, de pollution sans contrôle, de modernité, de spectacle presque ouvert de la morgue. Et de phrénologie, cette pseudo-science qui pensait qu’on pouvait tout savoir du devenir d’un individu en étudiant les reliefs de son crâne… Une théorie reprise, bien plus tard, dans les techniques raciales d’un régime nazi de triste mémoire.

La Fille de l’Exposition Universelle 3 © GrandAngle

Mais il y a aussi, et surtout, de l’aventure, une aventure policière, avec de l’humour, de l’action, des références, des clins d’œil, et une fin à la Agatha Christie, presque… Et également une sorte de morale qui restitue à l’Amour sa place, celle de la seule réalité humaine capable d’embellir le quotidien… Le tout avec le dessin de Willem, un dessin virevoltant, dans la veine d’une certaine manière d’aborder la bd de fantasy comme chez Crisse. Une très belle réussite !

L’Oiseau Rare – 2. La Grande Sarah

Dessin : Eric Stalner – scénario : Cédric Simon – couleurs : Florence Fantini

Editeur : Bamboo Grandangle – 64 pages – janvier 2021

L’Oiseau Rare 2 © GrandAngle

Une histoire en deux tomes… Un regard sur une fin de siècle (le 19ème) qui se fait début d’une nouvelle époque qui n’est pas encore folle.

Paris n’est pas seulement une ville lumière qui éblouit le monde entier. Remodelée par le baron Hausman pour des raisons qui étaient moins urbanistiques, sans doute, que mercantiles, cette cité a chassé dans ses périphéries ceux dont le spectacle ne peut que déranger les bons bourgeois qui se pavanent sur les grands boulevards.

L’Oiseau Rare 2 © GrandAngle

Et c’est dans un de ces lieux de pauvreté, un de ces bidonvilles que Eugénie et sa bande survit, grâce à des petites arnaques, des larcins, grâce aussi à un rêve, celui de pouvoir redonner vie à un cabaret, « l‘oiseau rare », dans l’incendie duquel les parents d’Eugénie sont morts.

Mais dans ce Paris fin de siècle, les rêves sont difficilement réalisables, à cause des Apaches, à cause d’une sorte de libéralisme avant l’heure qui détruit bien des liens sociaux, à cause, déjà, encore, toujours, du pouvoir absolu de l’argent et de son bras armé, la police.

Pourtant, Eugénie croit à son rêve, à tous ses rêves, dont celui de devenir actrice… Comme la grande Sarah Bernhardt, chez qui elle réussit à se faire engager comme domestique. Mais la star est orgueilleuse, elle abuse des pouvoirs que lui donne sa notoriété, et même si, sur scène, elle aime jouer des rôles de « petits et de sans grade », dans la vie, elle est d’une suffisance extrême.

Dans le premier tome, on savait qu’Eugénie, humiliée par la grande Sarah, allait vouloir se venger…

L’Oiseau Rare 2 © GrandAngle

Dans ce second tome, c’est à la construction de cette vengeance qu’on assiste…

On pense un peu au film « L’Arnaque », par la construction méticuleuse de cette vengeance… On s’amuse à retrouver une intrigue à la Molière, aussi, dans son fameux « mais qu’allait-il faire dans cette galère »…

Eric Stalner se plonge dans un scénario qui fait entrer le théâtre jusque dans la vie de tous les jours, avec une maîtrise du trait exceptionnelle, avec un sens de la mise en scène, avec un vrai plaisir à dessiner les expressions, mais aussi quelques animaux…

L’Oiseau Rare 2 © GrandAngle

Quant à Cédric Simon, le scénariste, on peut dire qu’il réussit à créer une histoire passionnante, littéraire, passionnée, tout en nous offrant un paysage historique contrasté, tout en faisant preuve d’un engagement souriant pour les petites gens…

De la très bonne bande dessinée intelligente et culturelle, tout en étant socialement et historiquement parfaitement menée ! Grâce, aussi, à une coloriste qui crée bien plus que de la seule ambiance dans ce livre !

Stern – 4. Tout N’Est Qu’Illusion

Dessin : Julien Maffre – scénario : Frédéric Maffre

Editeur : Dargaud – septembre 2020

Stern 4 © Dargaud

Bien sûr, tous les codes habituels du western se retrouvent dans cette série. Mais ils n’y sont, finalement, qu’en toile de fond. Parce que le personnage central des frères Maffre, Elijah Stern, ne correspond en rien à l’iconographique habituelle des westerns. Certes, il est croque-mort… Mais un croque-mort qui, à de très rares exceptions, ne supporte pas la violence. Un croque-mort, surtout, qui fait de sa solitude un lieu invisible où lire, où arrêter de voir le monde tel qu’il est.

Stern, désabusé sans l’être vraiment, ailleurs tout en étant bien présent, est un personnage qui n’a rien d’un héros. Et c’est ce qui le rend terriblement attachant !

Stern 4 © Dargaud

Dans cette série, chaque album peut se lire comme un one-shot, sans aucun problème, et c’est un plaisir…

Dans ce volume 4, nous sommes à La Nouvelle Orléans, en 1883. Stern y arrive, se fait engager comme croque-mort, se laisse séduire étrangement par une jeune femme « bien née » qui se balade dans le cimetière, curieuse de la mort, de toutes les morts, de toutes les manières de l’appréhender.

Grand lecteur de Poe, cet écrivain qui créait des intrigues « fantastiques » qui, finalement, trouvaient pratiquement toujours une explication logique, Stern va accepter de surveiller cette jeune femme attirée par un certain Victor Salem, maître du surnaturel, un surnaturel qui se révèle théâtral, dans la tradition du grand guignol.

Il va donc y avoir, dans cet album, une sorte d’enquête policière. Autour d’un thème qui reste le thème le plus essentiel de toute existence : la mort !

Stern 4 © Dargaud

En face d’elle, on apprend à croire à beaucoup de choses, dit Murray, un croque-mort noir…

En face d’elle, et de la curiosité qu’elle éveille, des curiosités multiples qu’elle crée, on se doit de ne pas tirer de conclusions, ajoutent les protagonistes de ce récit.

Stern 4 © Dargaud

Dans ce cimetière où travaille Stern, on mélange un peu tout, jusque dans la mort. Comme dans la vraie vie… Tout, c’est-à-dire les races, les religions, les pratiques ésotériques…

Si la mort, dans cette série, est omniprésente, dans cet album-ci, elle semble même se complaire à se donner en spectacle. Et, ce faisant, à aborder des thématiques qui se révèlent très contemporaines… Le racisme et l’immigration y sont abordés, par petites touches, tout comme l’art qui ne peut pas grand-chose face aux accidents de la vie »… La culture restant en contre-point de l’existence et de ses dérives…

Depuis ses débuts, cette série me séduit, et, de tome en tome, elle ne faiblit pas, que du contraire… Le dessin se fait muet, parfois, comme pour mieux parler de la solitude de l’humain fade au néant.

Stern 4 © Dargaud

Il est très cinématographique, aussi, et l’utilisation des champs, contre-champs, plongées, zooms, etc., permet au dessinateur de travailler pleinement les expressions des visages lorsque le scénario l’impose, jusque dans le chagrin qui se lit sur les traits de Murray…

Stern ?… Une série qui se doit d’avoir sa place dans votre bédéthèque !

Jacques Schraûwen