François Walthéry – Une Vie en Dessins

François Walthéry – Une Vie en Dessins

Ni art-book ni monographie, voici un livre qui se promène dans les œuvres originales d’un des  » grands  » de la bande dessinée pour tous les publics ! Un artiste qui est aussi un artisan souriant… Et qui n’a jamais la langue de bois !


Une vie en dessins – © Champaka/Dupuis

Après plus de cinquante ans de carrière, François Walthéry est un des grands témoins de ce qu’on peut appeler l’âge d’or de la bande dessinée belgo-française. C’est dans les années 60 qu’il a fait ses premières armes, en travaillant pour Peyo, l’immortel créateur de Johan et Pirlouit et des Schtroumpfs.

Et aujourd’hui, c’est un très beau livre qui lui est consacré. Qui, plutôt, est consacré à ses dessins, à ses planches, à ses crayonnés. Un livre qui plonge, profondément, dans l’univers qui est le sien, un monde de création, un paysage intime, en quelque sorte, dans lequel s’épanouit un artiste complet.

Ce livre,  » une vie en dessins « , se veut en effet, à partir d’un enfouissement dans une somme iconographique imposante et particulièrement parlante, la description vivante de ce qu’on peut appeler un processus créatif.

Pour François Walthéry, d’ailleurs, vivre et créer sont indissociables depuis toujours !

Eric Verhoest: ce livre
Eric Verhoest: le processus de création
François Walthéry: vivre et créer

François Walthéry et Eric Verhoest © JJ Procureur

Résumer l’œuvre de François Walthéry est chose impossible, tant cet auteur s’est amusé (le mot est bien choisi !) à balader son talent dans bien des directions !

Bien sûr, il y a d’abord et avant tout Natacha, cette hôtesse de l’air qui fut peut-être bien la première des héroïnes sexy à trouver sa place dans un magazine pour la jeunesse ! Sexy, mais féministe en même temps, puisqu’elle est incontestablement la meneuse dans le duo qu’elle forme avec le steward Walter !

Mais avant cela, il y a eu Jacky et Célestin, Benoît Brisefer, Le Vieux Bleu, Rubine, Une femme dans la peau, Le P’tit bout d’chique, et quelques autres albums inspirés par son appartenance souriante à la culture wallonne.

Malgré une réputation de  » lenteur « , distillée sans doute en grande partie par Delporte auprès des lecteurs du journal de Spirou, François Walthéry semble, tout au contraire, ne jamais s’être arrêté de dessiner.

Et même si l’Aventure, avec un A majuscule, est un des moteurs les plus puissants de toutes les inspirations de Walthéry, il n’a pratiquement jamais refusé de « rendre service », et le nombre de ses illustrations, pour des amis, des associations, des chanteurs, entre autres, remplirait nombre d’albums aussi épais que celui-ci !…


François Walthéry: les illustrations

François Walthéry: l’Aventure

François Walthéry; Sophie Dumont, Jacques Schraûwen – © JJ Procureur

Ce qui caractérise également François Walthéry, c’est son humour… Il serait bruxellois, on parlerait de  » zwanze « … Mais il est wallon… Et il parle de cette spécificité avec, toujours, un large sourire au coin des lèvres comme au profond des mots.

Il est aussi et surtout un Wallon qui se souvient et se souviendra toujours de l’enfant qu’il a été. Un enfant qui n’a jamais participé à un jamboree mais qui a bien été scout. Avec un totem qui lui a été donné pour des raisons, elles aussi, souriantes !


François Walthéry: le vouvoiement

François Walthéry: le scoutisme

Une vie en dessins – © Champaka/Dupuis

François Walthéry a de la mémoire, et il le prouve dans ce livre, au gré de ses nombreux commentaires. Une mémoire qui remet en lumière quelques-uns des maîtres absolus de la bande dessinée, de Jijé à Tillieux, en passant par Franquin et Sirius. C’est qu’il les a côtoyés, tous, et qu’il a appris avec eux le sens des mots  » solidarité  » et  » amitié « . Et, également, « talent »…


François Walthéry: les « grands »

François Walthéry: Sirius

une vie en dessins – © Champaka/Dupuis

On a l’habitude, depuis quelques années, à voir fleurir sur les étals des libraires des monographies ou des art-books consacré à des auteurs de bande dessinée.

Mais Eric Verhoest, éditeur de cette  » vie en dessins « , fait le choix, pour Walthéry comme pour ceux qui vont le suivre dans cette collection, de privilégier le travail au jour le jour, de mettre en évidence les errances du dessin avant qu’il ne se fasse définitif. De définir, donc, un auteur, au travers, d’abord et avant tout, de sa création !


Eric Verhoest: cette nouvelle collection
une vie en dessins
une vie en dessins – © JJ Procureur

François Walthéry n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers, même si ces lauriers prennent l’apparence, comme ici, d’un superbe livre qui lui est consacré et dans lequel, de page en page, il se révèle tel qu’il est au quotidien de son travail, de sa passion. Je vous invite donc à découvrir l’album de Natacha, d’après Sirus, sorti de presse il y a peu.

Et vous l’aurez compris, je trouve que cet album-ci, somme imposante de dessins imposants, se doit d’avoir sa place dans la bibliothèque de tous les amoureux du neuvième art, ceux qui savent que les richesse de la bd contemporaine doivent tout à ce que des gens comme Walthéry ont ouvert comme portes il y a cinquante ans…

Jacques Schraûwen

François Walthéry – Une Vie en Dessins (éditeur : Champaka/Dupuis)

Les Femmes En Blanc: 40. Soufflez!

Les Femmes En Blanc: 40. Soufflez!

Quarantième album pour ces infirmières qui font sourire, certes, mais en grimaçant bien souvent ! Une série populaire, dans le meilleur des sens du terme…

les femmes en blanc
les femmes en blanc – © dupuis

Populaire, oui, puisque les petites histoires de ces infirmières s’adressent à tout un chacun, et abordent des thèmes que, finalement, tout le monde connait, tout le monde appréhende aussi : la maladie, la douleur, les soins et, en fait, l’évolution d’une société –la nôtre- dans laquelle les découvertes médicales sont nombreuses et fantastiques, mais dans laquelle, en même temps,  » l’humain  » est de plus en plus oublié, peut-être…

Les auteurs de ces Femmes en blanc ont réussi à ne lasser ni leurs lecteurs ni eux–mêmes grâce à cet aspect presque sociologique (mais toujours souriant, même jaune, ou noir !) de leur BD. Puisque les thèmes qu’ils traitent, en mots et en dessins, suivent l’actualité, et malgré quelques gags récurrents au fil de ces quarante albums, ils assurent une longévité à leur série grâce à la variété des situations qu’ils nous racontent.

Philippe Bercovici: longévité et variété
les femmes en blanc
les femmes en blanc – © Dupuis

Quarante albums, donc, pour deux auteurs complices depuis bien des années.

D’une part, il y a le prolifique Raoul Cauvin, incontestable maître d’œuvre de bien des séries à succès chez Dupuis. Un Cauvin qui, comme je le disais, n’évite pas de temps à autre quelques redites, mais qui ne fatigue jamais ses lecteurs, tout comme lui ne se fatigue pas à chercher ce qui pourra faire sourire, rire, ou même, parfois, réfléchir.

D’autre part, il y a Phiippe Bercovici, un dessinateur dont les premières armes datent des années septante. Un dessinateur qui a confronté son dessin aux scénarios de Cauvin, mais aussi à ceux de Yann ou de Corteggiani.

Philippe Bercovici qui varie les plaisirs, en étant aussi dessinateur de presse.

Un auteur à part entière, puisqu’il se révèle avec  » Les Femmes en Blanc « , avec un trait vif, avec un sens à la fois du mouvement et de l’expression caricaturée, un véritable metteur en scène des idées de Cauvin.


Philippe Bercovici: Raoul Cauvin

Philippe Bercovici: mise en scène
les femmes en blanc
les femmes en blanc – © Dupuis

Je le disais : ce qui fait la longévité de cette série, sans aucun doute, c’est qu’elle ne ronronne pas dans un humour uniquement frontal. Puisant ses sujets dans la réalité, celle de tout un chacun, n’hésitant pas dès lors à parler de la mort, de l’automédication, de la politique de la santé, du manque de moyens humains, de l’évolution de l’accueil dans les hôpitaux, de l’empathie du corps médical qui a toutes les peines à résister aux pressions de la vie et de ses obligations administratives de plus en plus lourdes, s’enfouissant de gag en gag dans ce que tous nous vivons, cette série est celle d’un humour extrêmement proche des gens, des lecteurs…


Philippe Bercovici: humour et réalité
Les Femmes En Blanc: 40. Soufflez!
Les Femmes En Blanc: 40. Soufflez! – © Tous droits réservés

Des lecteurs, oui, qui ne peuvent que se retrouver, se reconnaître, dans pas mal de personnages mis en scène par Bercovici et Cauvin. Parce qu’un des plaisirs de ces quarante albums, c’est, justement, de voir revenir régulièrement des « héros » qui, d’abord silhouettes, occupent une place importante d’album en album. C’est bien notre monde, notre univers, dans ses décors comme dans son humanité, dans son angoisse comme dans ses rires, que nous narrent les auteurs. Et c’est une réussite, souvent, de les voir remettre en avant des patients comme  » le père « , pour qui le monde médical, celui dans lequel travaille sa fille, est d’un total hermétisme.


Philippe Bercovici: un monde « normal »

Philippe Bercovici: le personnage du « père »

La bande dessinée, dès ses primes créations, s’est voulue ouverte à tous les publics.

 » Les Femmes en Blanc  » appartiennent à cette vision du divertissement. Un divertissement intelligent, un divertissement qui, comme je le disais, tourne au rire jaune parfois, souvent même.

C’est que l’humour, en fait, ce n’est pas que  » la politesse du désespoir « … C’est aussi et surtout le miroir déformant de nos propres angoisses… Et un miroir déformant, cela fait et fera toujours sourire et rire !

Jacques Schraûwen

Les femmes en blanc : Soufflez ! (dessin : Philippe Bercovici – scénario : Raoul Cauvin – éditeur : Dupuis)

Femmes – 40 Combattantes Pour L’Égalité

Femmes – 40 Combattantes Pour L’Égalité

« Bam ! » : une collection pour adolescents (mais pas seulement !!!!) de chez « Gallimard Jeunesse », des livres didactiques, instructifs, un regard humaniste sur notre monde, des petits ouvrages importants !

Femmes © Gallimard Jeunesse

Le féminisme n’est pas une émanation spontanée de ces dernières années, marquées entre autres par l’affaire Weinstein. Le féminisme, c’est la concrétisation essentielle d’idées égalitaires dans un monde qui ne l’est jamais vraiment. Le féminisme, c’est définir la différence comme une forme d’égalité supérieure, une égalité qui fait de l’humain un possible humaniste.

Le féminisme, c’est un combat qui a commencé il y a bien longtemps, un combat dont les héroïnes, le plus souvent, ne sont pas citées dans les livres d’histoire.

Le féminisme, ce n’est pas la recherche d’une domination, d’un changement de centre de gravité d’une société, que du contraire, mais la volonté d’un droit élémentaire, celui de tout être humain à avoir droits à des droits, tout simplement !

A ce titre, ce livre arrive à son heure, certes, mais il est là aussi pour rappeler que rien, jamais, n’est acquis, lorsqu’il s’agit de liberté, la liberté individuelle, la liberté sociale, la liberté politique.


Femmes © Gallimard Jeunesse

Ce petit livre, écrit dans un langage clair, et s’adressant VRAIMENT à tous les publics, dresse le portrait d’une quarantaine de femmes qui, depuis le dix-septième siècle, ont marqué leur époque par leur présence féminine dans un univers d’hommes. Et tous les domaines de l’existence sont abordés, grâce à cette galerie de personnages qui ont vécu pour l’art, pour l’enseignement, pour le journalisme, pour la puissance des droits de l’homme, pour la littérature, pour la liberté de l’âme et du corps.

Comment ne pas admirer la force, par exemple, de la peintre Gentileschi, qui a à la fois réussi à être une femme dans une corporation qui les refusait, et à faire condamner son violeur par la justice italienne du 17ème siècle ?

Comment ne pas admirer le travail de Flora Tristan, journaliste qui, en pleine révolution industrielle du dix-neuvième siècle a eu le courage de décrire la réalité du monde ouvrier, hommes et femmes perdus dans la même dictature du patronat ?

Comment, bien entendu, ne pas admirer Simone Veil, dont on sait tout ce qu’elle a réussi à changer, politiquement, dans la société qui est nôtre ?

Comment ne pas admirer Angela Davis, icône de la lutte pour les droits civiques des Afro-Américains, mais icône en même temps d’un combat tout aussi ardu, au sein même de son « groupe » révolutionnaire, le combat contre le sexisme le plus banal et le plus méprisable ?


Femmes © Gallimard Jeunesse

Ce n’est pas de la bande dessinée, à proprement parler.

Ce sont des textes succincts, qui réussissent, en petits tableaux, à écrire les grandes lignes de l’existence d’une femme, des textes illustrés, simplement, sans effets spéciaux, par des dessins qui ne cherchent qu’à compléter le « journalisme » du texte, en quelque sorte.

Sans avoir envie de tomber dans l’excès qui pourrait amener à une guerre des sexes bien plus qu’à une revendication légitime d’égalités de droits comme de devoirs, de liberté comme d’engagement, les auteurs de ce livre font un travail qui me semble salutaire. Celui, tout simplement, de faire de la mémoire collective et historique une arme efficace pour que s’humanise l’existence.

Ce livre est à mettre entre toutes les mains, il est à faire lire aux élèves, aux jeunes, eux qui de nos jours perdent tellement facilement le souvenir de ce qui leur a permis d’être ce qu’ils sont…

Jacques Schraûwen

Femmes – 40 Combattantes Pour L’Égalité (texte : Isabelle Motrot – dessin : Véronique Joffre – éditeur : Gallimard Jeunesse)


Femmes © Gallimard Jeunesse