Faut Pas Prendre Les Cons Pour Des Gens 04

Faut Pas Prendre Les Cons Pour Des Gens 04

Quatrième volume pour une série qui rit jaune, qui ricane noir en épinglant quelques réalités de cette société dans laquelle nous vivons…

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Emmanuel Reuzé a l’œil vif, lucide, cruel aussi. Au scénario, avec l’aide de Jorge Bernstein et de Vincent Haudiquet, il nous concocte ici quelque 52 gags qui devraient ne pas même nous faire sourire, et qui pourtant nous font du bien en nous ouvrant un peu plus les yeux en même temps.

Au dessin, on ne peut que reconnaître la qualité de son trait réaliste, dans un style que l’on peut également qualifier de « sans émotion »… De figé, même, comme l’est le monde qu’il nous raconte…

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Figé, oui, puisqu’Emmanuel Reuzé dessine de manière très paresseuse, pourrait-on dire. Les scènes qu’il nous montre se résument, graphiquement parlant, à la répétition de deux dessins totalement identiques. C’est du dessin répétitif, qui amène le gag, justement, au moment où la scène dessinée se modifie. Il faut s’y faire… D’autres que Reuzé s’y sont essayés et, ma foi, ils ne parviennent pas, à mon très humble avis, à atteindre leur but : faire sourire, avec une certaine honte, au moment précis décidé par le dessinateur. Chez les « suiveurs » de Reuzé et ses complices, la narration n’a jamais la puissance de celle qu’on trouve ici. Cet aspect répétitif et figé se révèle donc, avec ces « cons », un vrai style narratif…

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Je parlais de « gags »… Et c’est bien de cela qu’il s’agit… Mais on est très éloigné, dans la finesse du ton et de l’observation, de la provocation gratuite. C’est dans les méandres de l’humour cher à Desproges, Sempé, Serre, voire même Topor, mais avec un style, je le disais, personnel et abouti, que Reuzé emporte ses lecteurs. Avec lui, oui, on peut rire de tout, puisque c’est de nous et de ce que nous acceptons au quotidien qu’il nous parle !

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Parce que ce sont, véritablement, des sujets de société qui sont mis en scène de manière minimaliste dans cet album et ses trois précédents. La médecine et sa pauvreté… Le prix du pain… Internet et ses « tuteurs »… le racisme quotidien… La télé… Le suicide… la « bonne pensée »… Le sport à tout prix… Les réseaux sociaux et les médias… Les pauvres et les riches, avec par exemple un huissier faisant une saisie sur salaire à un sdf mendiant… Toutes ces réalités que nous subissons (ou pire, que nous acceptons en silence) et qui rythment nos heures et nos jours, voilà ce qui vibre en chaque page de cet album et qui, de ce fait, nous oblige peut-être, qui sait, espérons-le en tout cas, à être moins cons et un peu plus humains…

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L’humour de Reuzé et ses acolytes est cruel, méchant sans jamais être bête, lucide, efficace aussi dans la construction de chaque page, dans la façon dont le « gag » est amené.

Et même si je ne suis pas fan de ces pages dans lesquelles on voit se répéter le même dessin, en une espèce de copier-coller qui ressemble moins, finalement, à de la bande dessinée qu’à du dessin de presse, force m’est de reconnaître que cet album est une vraie réussite… Et que je ne peux que vous conseiller sa lecture, aussi sombre soit-elle parfois… Les cons sont de moins en moins des gens, mais Reuzé et ses amis sont loin d’être des cons !….

Jacques et Josiane Schraûwen

Faut Pas Prendre Les Cons Pour Des Gens 04 (Dessin : Emmanuel Reuzé – scénario ; Emmanuel Reuzé, Jorge Bernstein et Vincent Haudiquet – éditeur : Fluide Glacial – novembre 2023 – 55 pages)

Brian Bones, Détective Privé : 5. Facel Vega

Brian Bones, Détective Privé : 5. Facel Vega

A l’heure où Angoulème, comme à son habitude, couronne essentiellement de la bande dessinée ancrée dans des modes ou des habitudes très, très « contemporaines », se plonger dans un album qui n’a d’autre prétention que de permettre de passer un bon moment, cela fait du bien !…

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Brian Bones est un détective privé, donc… Américain ! Mais ne vous attendez pas à la voir tapi dans un bureau poussiéreux et sombre, avec à la main gauche une cigarette et dans la main droit un verre de bourbon. C’est quelqu’un de très clean, en fait, travaillant essentiellement pour une compagnie d’assurance, et ayant trois passions dans la vie : les voitures, ses enquêtes et les femmes ! Dans le désordre… Et de manière aléatoire d’album en album…

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Et cela fait cinq albums que ce jeune homme bien de sa personne résout des affaires dans lesquelles, à chaque fois, une voiture est la vraie héroïne… Dans le cas de ce cinquième album, il s’agit d’une Facel Vega, voiture puissante ayant ses fans à travers le monde. Au début de cette histoire, notre détective est en plein repos, dans une maison qui lui a été prêtée du côté de la riviera française. Il est invité à une soirée chez un voisin… Un exilé politique de haut rang qui, semble-t-il, est rappelé aux affaires dans son pays africain. Et qui subit, pendant cette soirée mondaine, une tentative d’enlèvement. N’écoutant que son courage et une très accorte garde du corps, Brian se lance dans la sauvegarde de ce politicien sans doute aussi véreux que ceux qui veulent l’assassiner.

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Dans cet épisode, Brian Bones est plus observateur qu’acteur… Même si ses talents de conducteur sont là pour sauver la situation… En fait, il se trouve quelque peu perdu dans un univers d’espionnage et de politique auquel il ne comprend pas grand-chose, et qui ne correspond en rien à ses capacités ! Par contre, c’est dans une super production bd de cascades, d’effets spéciaux automobiles qu’il se plonge, avec des scènes de poursuites absolument phénoménales ! Mais toujours traitées avec humour ! Et puis, même sans happy end, tout se termine pour lui entre des bras bien accueillants…

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De l’humour, oui, jusque dans certains dialogues qui font penser à une forme à peine déguisée de wallon. Et on sent, dans ce livre, que la complicité entre le dessinateur, Georges Van Linthout, et son scénariste, Rodolphe, est complète, et bon enfant… Un scénariste dont on sent ici tout le plaisir qui est le sien dans la construction de ses scénarios… C’est une série classique, avec des références évidentes aux grands anciens de la bande dessinée, mais c’est surtout une série dans laquelle on peut se plonger sans avoir peur de s’y ennuyer…  Avec cette particularité de savoir que chaque album tourne autour d’un modèle de voiture… Et que, ce faisant, les personnages secondaires finissent par ressembler physiquement à ces bagnoles… C’est d’ailleurs la première question que j’ai posée à Georges Van Linthout dans cette interview que je vous propose d’écouter…

Georges Van Linthout

Je l’ai déjà souvent dit, et je le redirai encore. Aimer le neuvième art, c’est vouloir être éclectique… C’est avoir envie de découvrir, par soi-même, et pas suivant des diktats de quelques penseurs pansus… C’est ne rien renier de ses goûts personnels… C’est pouvoir aimer Catel et la bd populaire, en même temps… Tout comme en littérature, tout compte fait ! J’adore Céline et Léautaud, mais je ne renierai jamais le plaisir que j’ai eu à lire Cesbron ou Exbrayat !

Donc, Brian Bones, de facture classique, fait partie de ces albums dessinés que j’aime et que j’aimerai toujours lire calmement, le sourire aux lèvres…

Jacques et Josiane Schraûwen

Brian Bones, Détective Privé : 5. Facel Vega (dessin : Georges Van Linthout – scénario : Rodolphe – couleur : Stibane – éditeur : Paquet – 2023)

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Comme Un Oiseau Dans Un Bocal – Portraits de Surdoués

Comme Un Oiseau Dans Un Bocal – Portraits de Surdoués

La bande dessinée est un média qui ne souffre pas la routine. Et l’éclectisme, en tant que lecteur, s’avère être un chemin permettant de belles découvertes loin des sentiers battus de l’habitude…

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Être éclectique, dans ses choix, c’est accepter de pouvoir être surpris, oui. Et ce fut bien le cas, pour moi, avec ce livre que l’on peut, en partie, qualifier de « didactique ».

 Même si le dessin se révèle efficace, expressif, onirique aussi, je pense que l’important de ce livre ne se trouve pas là, ni dans la construction du scénario. Lou Lubie a voulu faire un album didactique, en effet, et elle y réussit pleinement…

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On est loin, avec son livre, et tant mieux, des idées qu’on se fait des surdoués ! Ne vous attendez pas à plonger dans quelque chose qui ressemble à la série télé HPI (haut potentiel intellectuel), par ailleurs très agréable à regarder… On se trouve très loin aussi de ces parents qui pensent que leur enfant est un génie en herbe, et le disent et le redisent à tout le monde, jusqu’à l’écoeurement !…

Ce qui nous est dit, en fait, dans cet album, c’est que, tout comme les autistes ne sont pas tous « asperger », tous les surdoués n’occupent pas le haut du pavé ni ne sont spontanément heureux.

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Lou Lubie nous raconte la rencontre de hasard entre deux surdoués : un chef cuisinier, d’une part, mais pas un de ces cuisiniers qui se pensent et se disent, de télé en télé, au top de leur métier… Et d’autre part, une jeune femme qui passe de boulot en boulot. Qui se cherche, peut-être, qui a surtout un mal-être qui influence toute sa vie, ses contacts humains, jusqu’à ses amours.

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A partir de ce canevas, l’auteure se fait donc didactique, mais sans emphase, loin s’en faut, même lorsqu’elle aborde des sujets scientifiques précis, comme le calcul du QI, du quotient intellectuel. Elle est tout aussi simple dans son propos comme dans son dessin « animalier » pour nous parler de la différence entre l’apparence et la réalité, ou encore du perfectionnisme qui n’est pas du tout un « truc de surdoués ».

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Ce livre est aussi une très belle histoire d’apprentissage… Celui de l’Amour et de l’Amitié qui ne sont finalement, pour les hpi comme pour tout le monde, que les deux facettes d’un même sentiment… Et, comme message de ce livre, on peut dire avec l’auteure qu’être hpi n’empêche pas tous les troubles mais ce n’est pas un trouble en soi… Ce livre est un bel hymne, à sa manière, à la différence !

La différence… Vous savez, cette réalité qu’on croise tous les jours mille fois, si on se donne la peine d’ouvrir les yeux… Cette force de vie, aussi, qui peut s’épanouir chez tout le monde à partir du moment où l’enfance se vit librement ouverte…

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N’ôtons pas leur enfance, jamais, à qui que ce soit, arrêtons de traiter en « anormaux » ceux qui sont d’abord et avant tout eux-mêmes, c’est-à-dire foncièrement différents de nous. Et ce livre, ainsi, nous permet, nous adultes, d’ouvrir les yeux sur une vérité qui ne demande de notre part aucune aide, mais une attitude intellectuelle, émotionnelle, toute simple : celle de la tolérance.

Jacques et Josiane Schraûwen

Comme Un Oiseau Dans Un Bocal – Portraits de Surdoués (auteur : Lou Lubie – éditeur : Delcourt – septembre 2023 – 184 pages)