La Vie Compliquée de Léa – L’Eléphant

La Vie Compliquée de Léa – L’Eléphant

Deux livres « jeunesse » pour un été souriant et reposé !

Deux livres très différents l’un de l’autre, deux livres qui s’adressent à un public jeune, mais pas seulement !

La Vie Compliquée de Léa – 1. Perdue

(dessin : Ludo Borecki – scénario : Alcante – éditions Kennes)
La Vie Compliquée de Léa 1 © Kennes

C’est une bd pour adolescents, et qui parle d’adolescence. Au départ, il y a des romans de Catherine Girad-Audet, et puis une série télé, et donc aussi une adaptation en bd. Une dizaine d’albums est déjà parue, mais les éditions Kennes ont aujourd’hui eu l’idée de « remaquetter » le premier épisode de cette série. Pour de nouveaux lecteurs, avec une couverture qui reprend les acteurs des épisodes télé.

Et donc, on reprend tout de zéro…

La Vie Compliquée de Léa 1 © Kennes

Au début de cet album, Léa déménage et s’en va pour Montréal, abandonnant Marilou, sa meilleure amie, et Thomas, son premier amour. C’est un déchirement, et ce l’est encore plus quand elle se retrouve dans cette cité qui cache dans ses entrailles une vraie ville souterraine. Elle se sent perdue. Il y a les cours d’anglais, il y a les relations difficiles à nouer. Heureusement, il y a les réseaux sociaux, grâce auxquels elle dialogue avec Marilou et Thomas. Mais voilà… Loin des yeux, tout est possible, et ce sont les premiers moments de jalousie, les vraies disputes. Ce livre, c’est le portrait d’une adolescence comme toutes les adolescences. C’est amusant, c’est tendre, c’est sans mièvrerie. Le scénario d’Alcante est parfaitement rythmé, le dessin de Ludo Borecki ne manque pas de charme. Un dessinateur qui, ici, se trouve loin de l’admirable « Tueur de mamans », mais qui garde toujours son talent ! C’est un bon bouquin, pour les ados, et leurs parents…

L’Eléphant

(texte : Marcel Aymé – dessin : May Angeli – éditeur : les éditions de l’éléphant)
L’éléphant © les éditions de l’éléphant

Il s’agit ici d’un des contes du chat perché, célèbre œuvre de l’immense écrivain qu’était Marcel Aymé. Des contes dans lesquels on voit vivre dans une ferme Delphine et Marinette, avec leurs parents et des tas d’animaux qui parlent, qui dialoguent… Bien plus que de fantastique, c’est de merveilleux qu’il s’agit, d’un réel qui ressemble à des rêves d’enfant.

Le conte illustré dans ce livre, c’est « L’éléphant ». Delphine et Marinette sont seules à la maison. Il pleut, et elles décident de jouer à l’arche de Noé. Elles invitent donc tous les animaux de la ferme à les rejoindre dans la maison ! Mais il faudrait, pensent-elles, un éléphant pour que le jeu soit vraiment intéressant ! Et c’est une petite poule blanche qui accepte de devenir cet éléphant… De le devenir vraiment… Et tout peut alors arriver !

L’éléphant © les éditions de l’éléphant

Ce n’est pas de la bande dessinée, c’est bien le texte originel de Marcel Aymé, illustré par May Angeli. Une dessinatrice tout en douceur, tout en impressions, avec un travail de gravure sur bois extrêmement joli… C’est une histoire charmante, charmeuse, pleine de sourires, de surprises, avec plusieurs niveaux de lecture, avec une vraie réflexion sur l’importance des jeux de l’enfance. Un très, très joli livre à lire, et qui peut être une très bonne porte d’entrée vers la découverte de tous les contes de Marcel Aymé.

Jacques Schraûwen

https://www.les-editions-des-elephants.com/
Alerte 5

Alerte 5

De la SF simple, souriante, intelligente, belge !

Alerte 5 © Casterman

L’histoire que nous raconte et dessine Max De Radiguès se situe probablement dans un futur très proche. Une fusée habitée décolle de la Nasa, direction la station internationale. Et cette fusée explose. Un attentat, revendiqué par un groupe islamiste. Et donc, immédiatement, c’est l’alerte de niveau 5, le plus élevé, qui est mise en place dans tous les sites et pour toutes les missions en cours. Et parmi ces missions, il y a une base d’exploration martienne, dans laquelle vivent cinq astronautes… Et c’est là que commence le récit de ce petit album. Un thème qui, de but en blanc, s’inscrit dans l’univers de la science-fiction.

Alerte 5 © Casterman
Max De Radiguès : la science-fiction

Et oui ce récit va donc s’axer autour de ces cinq astronautes, trois femmes et deux hommes, qui voient soudain interdites toutes les communications personnelles avec la Terre. Cinq pionniers de la conquête spatiale qui doivent, à cause de cette alerte majeure, utiliser des procédures qui leur ôtent toute liberté individuelle. Et, parmi eux, Amir, d’origine marocaine, que la chef de cette expédition doit interroger, chaque jour, pour avoir la certitude qu’il n’est pas lié à l’attentat…

Alerte 5 © Casterman

On pourrait croire qu’il s’agit d’une science-fiction assez classique, tout compte fait, mais avec des échos actuels. Mais ce n’est pas tout à fait exact !… Parce que, avec Max De Radiguès, les apparences sont parfois trompeuses. Et que sa manière de construire un scénario laisse la porte ouverte pour bien des inattendus.

Max De Radiguès : le scénario

Plus que la narration, ce qui l’intéresse, vraiment, ce sont ses cinq héros quotidiens, obligés de vivre ensemble, obligés de se supporter et de tout faire pour que les rumeurs ne deviennent pas des soupçons. Cinq personnages qui, à leur manière, vivent leur vie de papier avec une certaine forme d’indépendance…

Alerte 5 © Casterman
Max De Radiguès : les personnages

Le style narratif de Max De Radiguès, vous l’aurez compris, est très particulier, original aussi. Et il se caractérise par l’importance que revêt pour lui, le temps. Le temps qui passe, qui fait évoluer ses héros, le temps qui s’étire et qui n’a nul besoin de s’exprimer par des mots… Le temps, oui, qui se fait silence parce que le lecteur se doit, lui aussi, de participer à l’histoire qui se raconte…

Max De Radiguès – les textes…

Le dessin de cet auteur s’inscrit, indéniablement, dans la lignée de la ligne claire. Mais avec un sens très spontané, aussi, que Max De Radiguès qualifie lui-même de naïf. Une spontanéité, dans le dessin comme dans le texte, qui fait que ce livre-ci est aussi un jeu narratif, un jeu de surprises. Mais ne comptez pas sur moi pour vous révéler les jeux narratifs de l’auteur ! Sous des dehors graphiques simples, il s’amuse à construire une histoire prenante, surprenante, parfois souriante, lue et regardée avec plaisir, tout simplement.

Alerte 5 © Casterman
Max De Radiguès : le dessin

Certes, il nous parle de confinement, de besoin de solitude pour exister, de fantasmes, d’envie de fuite… Mais, en même temps, on se trouve dans un récit qui ressemble presque parfois aux romans du Club des Cinq…

Et en finale, ce livre, tout simple, n’a rien de simpliste et se révèle extrêmement agréable à lire !

Jacques Schraûwen

Alerte 5 (auteur : Max De Radiguès – éditeur : Casterman – juin 2021 – 191 pages)

Alerte 5 © Casterman
Black Squaw – 2. Scarface

Black Squaw – 2. Scarface

Et une Henriet s’expose à Bruxelles jusqu’au 31 juillet 2021

Yann et Henriet, un duo d’auteurs passionnés pour une série passionnante ! Et une très agréable exposition dans la galerie Huberty & Breyne, place du Châtelain, à Bruxelles.

Black Squaw 2 © Dupuis

Envolons-nous pour les années 20, envolons-nous vers les nuages avec une héroïne, la belle Bessie… Une femme qui, dans un Texas où règne le Ku Klux Klan, éprouve bien des peines à réaliser son rêve, celui de voler ! Il faut dire qu’elle a la peau sombre, sa mère étant noire, et son père Cherokee… Elle réussit malgré tout à passer son brevet de pilote, en France, et devient, aux Etats-Unis, la pilote préférée d’un truand de haut vol, Scarface, qui donne son titre à ce deuxième tome… Nous sommes en pleine prohibition, et Saint Pierre et Miquelon, accessibles par avion, sont une plaque tournante de l’alcool de contrebande ! L’avion… Une passion pour le dessinateur de cette série, Henriet…

Alain Henriet : Faire « vrai »

Il s’agit donc d’une bonne bd d’aventure, mais pas seulement. Yann, le scénariste, certes passionné d’aviation, aime mêler à ses scénarios des échos sociaux, voire politiques. Avec Black Squaw, il met en avant le racisme, en comparant, par exemple, la situation en Amérique dans la première moitié du vingtième siècle, et celle en France, infiniment plus tolérante, du moins en apparence…

Black Squaw 2 © Dupuis

Et son plaisir à créer des personnages hauts en couleur rencontre, dans cette série, le plaisir d’Alain Henriet, le dessinateur, à donner vie, d’abord et avant tout, aux personnages, moteurs, toujours, de ses mises en scène.

Alain Henriet : les personnages

Mais Yann aborde aussi, par petites touches, et toujours avec un humour presque à l’anglaise, l’importance qu’ont, pour tout humain, les racines, le métissage, il nous parle aussi de la force des rêves de l’enfance, des compromissions qui ne réussissent cependant pas à détruire ces rêves… L’objet qu’est un avion devient ainsi, par la grâce de son scénario, un symbole presque guerrier de liberté…

Black Squaw 2 © Dupuis

Et la liberté, dans ces albums, est affaire de mouvement… De rythmes… De construction graphique qui, de page en page, donne vie aux personnages comme aux décors.

Alain Henriet : le mouvement

Alain Henriet, le dessinateur, a déjà collaboré avec Yann, pour l’excellente série Dent d’Ours… Les femmes qu’il dessine sont guerrières et obstinées. Les enfants ressemblent aux gamins que dessinait Poulbot, les décors sont somptueux, d’une véracité, d’une vie plutôt, qui mérite le détour.

Black Squaw 2 © Dupuis

Et son dessin prend un superbe relief grâce à sa coloriste, Usagi, dont les variations de tons, de lumières et d’ombres est d’une présence indispensable…

Usagi, la coloriste

Et pour mieux découvrir le talent réaliste et classique de ce dessinateur, pourquoi ne vous rendriez-vous pas dans la Galerie Huberty & Breyne, place du Châtelain, à 1050 Bruxelles ? Il y expose des originaux de son excellente série précédente, Dent D’Ours.

Alain Henriet: l’expo
Black Squaw 2 © Dupuis

Une excellente série, donc, due à deux joailliers de la bd qu’on peut appeler classique ! Dans le meilleur des sens… Celui qui permet de raconter des histoires passionnantes sans, pour autant, renier du présent les remous…

Jacques Schraûwen

Black Squaw – 2. Scarface (dessin : Alain Henriet – scénarsio : Yann – couleurs : Usagi – éditeur : Dupuis – 48 pages – avril 2021)

Exposition jusqu’au 31 juillet 2021 dans la galerie Huberty & Breyne à Bruxelles. https://hubertybreyne.com/fr/expositions/presentation/428/black-squaw-et-dent-d-ours

Alain Henriet © Alain Henriet