Une chronique à écouter… tout simplement! L’Iris Blanc…
… et Renaissance…
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Jacques et Josiane Schraûwen
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Une chronique à écouter… tout simplement! L’Iris Blanc…
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Jacques et Josiane Schraûwen
Quarantième album des aventures du petit Gaulois super-dopé… Et, pour une fois depuis bien longtemps, une bonne surprise !
Il serait malvenu, sans aucun doute, en parlant des trop nombreux albums de cette série publiés après la mort de René Goscinny, d’oser en comparer les scénarios (à commencer par ceux d’Uderzo lui-même) à ceux de celui qui reste un des maîtres de la bd…
Cela dit, je l’avoue : comme bien des amateurs du neuvième art atteints d’une forme de collectionnite aigüe, j’ai continué inlassablement à acheter chaque nouvel album d’Astérix. Je n’ai pas aimé, j’ose le dire, les tomes dus au seul Uderzo. J’ai encore moins aimé les autres tomes nés de collaborations que j’ai trouvées, pour le moins, saugrenues, pour le plus, inutiles !
J’ai d’ailleurs ici dit tout le mal que je pensais du Griffon ! Et que je pense toujours !
Eh bien, je me dois aujourd’hui de souligner la vraie qualité de cet « iris » !
Certes, le dessin de Didier Conrad n’a pas le souffle qu’avait celui d’Uderzo, et je le trouve même souvent tristounet à cause d’un incontestable manque de décors, eux qui aéraient naturellement, sans artifice, chaque planche. Mais les personnages, eux, restent fidèles (cette fois) à ce qu’ils étaient avec Uderzo.
La vraie bonne surprise vient du scénario. Même si, reconnaissons-le, il s’essouffle et se vide quelque peu de sa consistance initiale… Fabcaro, auteur très prolifique depuis le début de notre vingt-et-unième siècle, n’a pas toujours fait dans la dentelle, mais a toujours privilégié l’humour… Entre autre, l’humour bobo et simpliste avec des albums dans lesquels chaque planche voit un unique dessin se répéter, tandis que le texte, lui, change… De la bd à l’envers qui a vu pas mal de critiques s’extasier… Mais selon un système dont je trouve qu’il tourne très très très rapidement en rond… Et à une forme de paresse graphique!
On peut dire de Fabcaro qu’il est étonnant de le voir aux commandes d’un album classique d’un grand classique de la bd !
En fait, Fabcaro a le sens de l’humour… Et sans doute aime-t-il aussi les défis… Il a donc relevé le gant et nous a concocté un Astérix qui renoue, d’une part, avec la critique acerbe de notre société, et, d’autre part, avec l’humour des mots, cet humour qui était, avec la tendresse, la marque de fabrique de Goscinny.
Bien sûr, il n’a pas la culture latine que Goscinny avait, et qui lui permit de faire des jeux de mots lisibles à plusieurs niveaux. Les amusements de Fabcaro, cependant, retrouvent pleinement l’esprit et le rythme même des éclats de rire que provoquait Goscinny.
Cela fait des années que Fabcaro expérimente les possibles de son talent un peu dans tous les sens, et, ici, il me semble qu’il a trouvé un terrain de jeu où il peut vraiment surprendre ses lecteurs ! Et, sans doute, se surprendre lui-même…
Alors, oui, j’aime cet « Iris blanc »… J’aime les dérives de notre monde qui y sont mises en évidence, avec un humour qui ne s’interdit pas la méchanceté pour être encore plus lucide… J’aime que soit battue en brèche la bonne pensée à la mode, la positivation des discours et des tristes habitudes, le tourisme, l’art, la ville, la politique, la cuisine moderne, les « bobos », oui, aussi… J’aime le dessin qui, s’attachant aux visages, aux physionomies, accompagne avec réussite les calembours du texte… J’aime la couleur de Mébarki qui est totalement fidèle au style de toujours de cette série… Sans doute reste-t-il encore beaucoup de chemin à faire, mais cette fois, la route est bien entamée…
Donc, en conclusion, je dirais qu’Astérix renaît enfin des cendres de Goscinny… Sans vouloir lui ressembler, mais en retrouvant, enfin, simplement, le plaisir de faire sourire, voire même de faire rire…
Jacques et Josiane Schraûwen
L’Iris Blanc (dessin : Didier Conrad – scénario : Fabcaro – couleur : Thierry Mébarki – éditeur : Hachette – octobre 2023 – 48 pages)
Cela fait bien des années que nous suivons les aventures humaines, quotidiennes, d’une série de personnages perdus dans les méandres de la guerre… Voici le moment de les quitter !
La guerre se termine… La guerre est finie… Et voici que commencent d’autres horreurs, celles de l’après… Avec un talent et une passion inchangés, Jean-Michel Beuriot et Philippe Richelle nous font entrer, spectateurs immobiles, dans d’autres dérives que celles du nazisme et de la résistance, dans des quotidiens nouveaux pour des personnages, jamais manichéens, qu’ils nous ont fait découvrir et aimer ou détester depuis bien des années…
On pourrait presque croire que cette « fin de série » est comme un abandon de la part de leurs auteurs. Mais il n’en est rien… C’est un peu comme si les auteurs, justement, laissaient enfin leurs partenaires de papier vivre les bonheurs qu’ils méritent.
Neuf albums, oui, pour nous parler, bien autrement que dans les livres d’Histoire, d’une époque de qui semble toujours prête à renaître.
Neuf albums, oui, pour nous plonger, loin de toute caricature, loin même de l’héroïsme dont nous parlent tellement souvent les tristes et inutiles successeurs du pompeux Déroulède !… C’est cela qui fait de cette série, de cette saga plutôt, une œuvre importante : elle s’intéresse à des vraies personnes, elle nous permet d’assister à des quotidiens qui devraient être aujourd’hui inacceptables (mais qui, malheureusement, ne le sont pas), elle nous plonge dans un univers où rien, jamais, n’est tout à fait blanc ou noir…
Je ne vais pas tenter, ici, de vous résumer ce neuvième et ultime tome. Sachez qu’on y recroise bien des êtres qu’on a rencontrés dans les albums précédents. Sachez que des surprises y sont nombreuses et que s’y conjuguent des trahisons, des rencontres, des convictions, des utopies aussi…
Mais, en même temps, c’est un portrait sans faux-semblant qui nous est montré : celui d’une société qui se cherche, et qui, pour ce faire, tombe dans des dérives aussi répugnantes que celles qui furent subies pendant cinq ans de guerre. Ce tome 9 ne résume rien, il nous montre un nouveau marché noir, une justice encore et toujours injuste, des amitiés déçues, des amours impossibles. Le tout sur fond de ruines omniprésentes, celles des bombardements, celles aussi des illusions perdues.
Après l’horreur, la destruction et la mort, le vrai pouvoir revient : celui de l’argent…
Cette série nous parle, en fait, de nous… Tout en réveillant nos mémoires ou, mieux encore, en permettant à des générations différentes de pouvoir, justement, avoir la mémoire, celle qui est essentielle, celle de nos passés, quels qu’ils soient.
Et l’héroïsme n’est jamais que le fruit du hasard, quoi qu’on puisse essayer de nous faire croire aujourd’hui dans tous les médias, dans tous les discours politicards… Ce neuvième tome, plus encore que les huit précédents, est un livre sur ce que j’ai presque envie d’appeler « l’anti-héroïsme », ou le « non-héroïsme » ! C’est un livre qui s’est écrit et dessiné à taille humaine, tout simplement… C’est un album qui ponctue parfaitement la thématique globale de cette saga : vivre sans amour, sans amitié, sans l’enfance qui est promesse de futurs, ce n’est pas vivre… Oui, c’est une série sur l’amour… L’amour et la mort, thèmes éternels de toute existence, au-delà de n’importe quelle idéologie… Et c’est ce qui rend cette série lumineuse !
Le dessin de Jean-Michel Beuriot est, sans aucun doute, classique… Mais il possède une vraie personnalité qui lui permet d’apporter un contrepoint lumineux à l’indicible de la terreur qui est racontée par son complice Philippe Richelle.
Son sens du découpage est essentiel, également, pour la lisibilité sans efforts d’un récit dans lequel, pourtant, se multiplient énormément de personnages qui ne sont jamais uniquement des silhouettes. Et il faut aussi insister sur l’importance de la couleur dans la construction-même de la narration… Dominique Osuch, ainsi, participe pleinement à l’aventure de cette série…
Jacques et Josiane Schraûwen
Amours Fragiles : 9. Crépuscule (dessin : Jean-Michel Beuriot – scénario : Philippe Richelle – couleur : Dominique Osuch – éditeur : Casterman – septembre 2023 – 76 pages)
Et n’hésitez pas à vous rendre, à Bruxelles, dans une très belle exposition, tout en simplicité, des œuvres de cette série !…