Irena – Tome 4 : Je suis fier de toi

Irena – Tome 4 : Je suis fier de toi

Une femme comme toutes les femmes, dans une Pologne déchirée par la guerre et le nazisme!

Une des séries les plus émouvantes consacrées à la deuxième guerre mondiale…

Irena – Tome 4 : Je suis fier de toi © Glénat

Nous sommes dans une année de commémoration, de souvenir… Souvenir de la bataille de Normandie, souvenir, bientôt, de la bataille des Ardennes, souvenir du début de la fin pour Hitler et ses actes nauséabonds. Nous sommes aussi dans un moment de l’Histoire qui voit refleurir des discours dignes des écrivains les plus poujadistes du début du vingtième siècle, des discours qui parlent de l’héroïsme, avec des accents, chez Macron par exemple, qui frisent le ridicule et, de ce fait, ne peuvent que donner froid dans le dos !

Il est nécessaire, dès lors, de se plonger dans une série bd comme Irena, une série qui remet l’héroïsme à sa place réelle, loin des idéologies et des politiques oublieuses de l’être humain !

Irena, c’est une petite bonne femme qui, à Varsovie, a sauvé des centaines et des centaines d’enfants juifs. Et qui ne l’a fait que poussée par l’émotion, par le sentiment, par l’envie, non pas d’être une héroïne, mais celle simplement de ne pas être un mouton parmi les moutons.

Irena, ce n’est pas un personnage né de l’imagination des auteurs de cette série. C’est un personnage réel, et cette bd lui rend hommage en nous racontant, sans fioritures, sans exagération, ce que fut sa vie, ce que fut son action, le tout dans une époque historique qui, parfaitement bien rendue, nous fait comprendre ce qu’est l’horreur, ce qu’est l’indicible, ce qu’est la résistance !

Jean-David Morvan: l’Histoire
Jean-David Morvan: les personnages
Irena – Tome 4 : Je suis fier de toi © Glénat

Dans ce quatrième tome, deux époques se mélangent. Il y a Irena, en 1944, à Varsovie, arrêtée, torturée, retrouvant miraculeusement la liberté et continuant à sauver des enfants. Il y a Irena, en 1983, à Jérusalem, reconnue comme Juste parmi les nations, et y retrouvant, adulte, une femme qu’elle a sauvée, pendant la guerre, enfant… Une femme accompagnée de sa petite-fille, à  laquelle Irena raconte son histoire.

La grande Histoire est totalement présente : on parle, dans ce volume, des Russes attendant devant Varsovie que la résistance polonaise se résume à une peau de chagrin. On parle également du communisme qui, bien des années plus tard, accepte  enfin de laisser Irena se rendre en Israël.

Deux réalités se mêlent aussi dans ce récit. La mort, d’abord, qui se nourrit d’elle-même, qui démultiplie l’horreur et la rend quotidienne, la mort qui ne s’estompe, le plus souvent, que grâce à la nostalgie qui lui dénie son pouvoir… La vie, ensuite, qui, toujours, reprend le dessus, avec la peur de ne pas laisser de souvenir, ou, pire encore, de perdre ses souvenances.

Irena se révèle, dans le magma de cette Histoire horrible, comme une femme simple, sans convictions autres que celle de la gentillesse et de la tolérance. Elle n’est pas juive, au contraire du petit Martin qu’elle rencontre dans le ghetto de Varsovie et qui lui raconte sa vie naissante, mélange de réalité et de mensonge, ce petit Martin rappelant un autre Martin qui, bien des années plus tard, sera écrivain de souvenirs pas toujours très réels ! Irena n’est pas juive, et cette série nous montre que face à la mort, aucune religion, aucune race, aucune identité n’est à l’abri de l’horreur et de la souffrance!… 

Irena, c’est une petite bonne femme, oui, guidée par cette gentillesse qui la rend héroïque dans un environnement historique où le simple fait d’être gentil est déjà un acte de résistance.

Et ce qui est étonnant, et d’une réussite impeccable, dans cette série, c’est que, construite autour de bons sentiments, elle parvient à ne jamais être mièvre!

Jean-David Morvan: la gentillesse
Jean-David Morvan: sans mièvrerie
Irena – Tome 4 : Je suis fier de toi © Glénat

S’il me fallait trouver un style auquel rattacher  » Irena « , se serait peut-être la tragi-comédie… Au sens premier du terme… Une tragédie profonde, insoutenable même, mais qui devient accessible grâce à des moments de tendresse, d’humour, grâce à  la présence d’instants d’une intimité qui estompe la démesure de l’inacceptable.

Et les scénaristes, incontestablement, ont mis beaucoup d’eux-mêmes et de leurs philosophies personnelles, en écrivant cette histoire, en adaptant en bande dessinée les vécus d’Irena.

Jean-David Morvan: l’implication personnelle
Irena – Tome 4 : Je suis fier de toi © Glénat

 » C’est en secourant toutes les détresses qu’on arrêtera la guerre…  »

La priorité, dans cette série, et plus spécialement encore dans ce quatrième volume, est donnée aux mots. Et à leurs espoirs…

Mais le dessin a une importance capitale, puisque c’est lui qui permet à ces mots de s’exprimer, de prendre vie, puisque c’est lui qui évite et le manichéisme et le voyeurisme !

Le graphisme de David Evrard, de par son trait volontairement quelque peu tremblant, rend compte sans avoir l’air d’y toucher de la réalité des sentiments, peur et espérance, vécus par les protagonistes du récit.

Son travail, par exemple, sur les bouches, est exemplaire. Et ses pleines pages intimistes sont des respirations dans un album qui, sinon, serait peut-être étouffant. Et j’ai beaucoup aimé ses gros plans qui, presque abstraits, permettent, eux aussi, au lecteur de souffler… Et donc, de réfléchir!

Et n’oublions pas la couleur de Walter, qui, même dans les moments de cauchemar, réussit à conserver une belle part de lumière…

Jean-David Morvan: un dessin non réaliste
Irena – Tome 4 : Je suis fier de toi © Glénat

La bande dessinée est multiforme. Elle peut être d’une lecture immédiate, elle peut se faire onirique, elle peut plonger dans le réel comme dans l’imaginaire. Mais je pense qu’elle n’est jamais aussi importante, aussi forte, que lorsqu’elle naît et de nourrit d’un sentiment essentiel, l’émotion !

Et puisque le monde  » officiel  » se souvient aujourd’hui de la tragédie de la guerre 40/45, je trouve primordial qu’existent des œuvres de qualité, comme  » Irena « , pour remettre, enfin, l’être humain et ses quotidiens dans les sillons de la vérité historique !

Jacques Schraûwen

Irena – Tome 4 : Je suis fier de toi (dessin : David Evrard – scénario : Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël – couleurs : Walter – éditeur : Glénat)

Irena – Tome 4 : Je suis fier de toi © Glénat
Il fallait que je vous le dise.

Il fallait que je vous le dise.

La bd parle d’IVG – Un livre important!

Une jeune auteure parle de sa propre ivg. Il en résulte un livre puissant, intelligent, qui arrive à son heure dans une société qui remet bien des libertés en doute!


Il fallait que je vous le dise © Casterman

Au centre de ce livre, il y a un personnage, totalement axial. Aude Mermilliod elle-même, Aude Mermilliod qui se souvient de son avortement, il y a une dizaine d’années, Aude Mermilliod qui nous raconte cet « événement » qui dépasse, et de loin, la simple souvenance anecdotique. Même si, de nos jours, le recours à l’avortement n’est plus légalement répréhensible, dans nos pays du moins, le fait de s’y résoudre, pour une femme, reste et restera toujours une difficulté autant physique qu’intellectuelle. Il fallait qu’elle nous le dise, nous explique Aude Mermilliod. Il fallait que, avec à la fois de l’impudeur et une absence totale de voyeurisme, elle se raconte. Elle se confie. Avec, comme raison, un besoin, sans doute, de partage et de témoignage.

Aude Mermilliod: le pourquoi

Il fallait que je vous le dise © Casterman

Un deuxième personnage fait partie intégrante de ce livre, de ce récit, un personnage tout aussi réel, d’ailleurs, que Aude Mermilliod : Martin Winckler. Ce médecin généraliste, qui s’est voulu praticien de l’ivg, est aussi un écrivain dont les livres ont eu un succès mérité : Le chœur des femmes, La maladie de Sachs, aussi. Et cet album de bd se construit, avec une efficacité tranquille, autour de deux récits. Celui d’Aude Mermilliod, qui nous parle de l’amitié, de la famille, de l’ambiguïté de ses propres réactions, à l’époque de son avortement. Celui de Martin Winckler, aussi, qui nous raconte, avec un aspect parfois didactique mais toujours profondément humain, son parcours dans le monde médical, les raisons qui l’ont poussé à dépasser l’acte presque chirurgical pour faire preuve de compassion totale vis-à-vis de ses patientes, sans jugement, jamais.

Ces deux récits, finalement, nous offrent deux regards sur une même réalité. Deux regards aux sentiments et aux sensations tangibles de page en page, grâce à un dessin qui, en usant de quelques codes de la bd, réussit à dédramatiser souvent le propos. Grâce à une construction graphique qui choisit la voie de la simplicité, tant au niveau des décors que des couleurs. Pour que le propos, justement, ne perde rien de sa puissance.


Il fallait que je vous le dise © Casterman

Aude Mermilliod: deux regards

Aude Mermilliod: le dessin

Aude Mermilliod: décor, couleur et construction

Nous avons, toutes et tous, une notion qui nous est personnelle, uniquement personnelle d’ailleurs, de la douleur. Une notion qui nous vient d’abord de notre expérience, et qui nous dit que personne ne souffre de la même manière.

La douleur est bien entendu présente dans ce livre. Et la force graphique d’Aude Mermilliod, c’est de parvenir à nous la montrer, cette douleur. Une souffrance qui vient des gestes imposés, certes, mais aussi des bruits, des silences, des incompréhensions.

Toute douleur est indéfinissable, mais celle que nous dit et nous montre Aude Mermilliod trouvera des échos chez tout le monde.


Il fallait que je vous le dise © Casterman

Aude Mermilliod: la douleur

Ce livre hors normes aborde, au-delà de l’avortement, bien d’autres thèmes : la famille, d’abord, et ses compassions, et ses présences nombreuses et discrètes. L’amitié, ensuite, et la chance qu’elle offre de pouvoir se confier, tout simplement de partager ses doutes, ses peurs, ses attentes. Attendre un enfant, ce n’est pas forcément un signe de bonheur, même quand une forme d’amour préside à cette réalité. Comme le disent quelques rimes de l’immense Anne Sylvestre, en préambule à ce livre : «depuis si longtemps je t’aime, mais je te veux sans problème, aujourd’hui je te refuse, qui sont-ils ceux qui m’accusent » !

Dans ce livre, Aude Mermilliod se confie à nous, oui, de manière très intime, très impudique, et essentiellement humaine. Donc humaniste !


Il fallait que je vous le dise © Casterman

Aude Mermilliod: se confier

Ce livre ne cherche pas, selon les propres mots d’Aude Mermilliod, à résoudre l’insoluble ! Il ne se veut pas non plus exemplatif. Il est vrai qu’entre l’avortement qu’elle a vécu il y a une dizaine d’années et ceux qui furent vécus par tant de femmes bien avant que l’ivg soit légalisée, il n’y a que peu de rapport. La peur, elle qui augmente toujours la douleur, était infiniment plus présente en ces temps tellement proches encore. Rappelons-nous qu’en Belgique l’avortement n’est un droit que depuis 1991 !

Et c’est par cette différence que ce livre est important, essentiel même. Il nous impose de ne pas oublier que toute liberté vient d’un combat, qu’il y a de nos jours énormément de lieux où la liberté de la femme, celle de son corps comme celle de ses quotidiens, est reniée, détruite au jour le jour. Ce livre nous parle d’aujourd’hui, mais aussi d’hier, et de demain.

C’est un livre à travers lequel bien des lectrices et bien des lecteurs vont se reconnaître. Ce n’est en effet pas un livre CONTRE, mais un livre POUR ! Un livre intergénérationnel qu’il faut lire et faire lire…


Il fallait que je vous le dise © Casterman

Aude Mermilliod: l’avortement aujourd’hui

Aude Mermilliod: un thème qui doit être intergénérationnel

Il y a de ces livres dans lesquels vous vous plongez en sachant, très vite, que vous n’en sortirez pas indemnes. Cela arrive très rarement en bande dessinée, il faut le reconnaître ! Mais Aude Mermilliod, dans ce livre-ci, m’a agrippé dès la première page, dès les mots d’Anne Sylvestre. Et je suis resté accroché de bout en bout par son talent, par sa présence, par son intelligence, par l’universalité de sa propre expérience racontée avec la simplicité de l’amitié…

Jacques Schraûwen

Il fallait que je vous le dise (auteure : Aude Mermilliod – éditeur : Casterman)


Il fallait que je vous le dise © Casterman
L’Incroyable Histoire Du Vin

L’Incroyable Histoire Du Vin

Un voyage tout en plaisir à travers les mille paysages et les mille époques du vin… De la préhistoire à nos jours, l’Histoire du vin est une extraordinaire aventure… Humaine, religieuse… Et, surtout, une plongée profonde dans les délices du plaisir et du partage… Avec modération, bien évidemment (paraît-il…) !


L’incroyable histoire du vin © Les arènes bd

Depuis quelques années, le vin est devenu un thème souvent utilisé dans le monde de l’édition. Les romans qui parlent de ce breuvage, qui en usent comme moteur narratif ou comme simple décor, ne manquent pas. Ils n’ont jamais manqué, d’ailleurs, il faut le reconnaître ! Par contre, dans le monde de la bande dessinée, ce n’était pas le cas, le vin n’était présent que par hasard, et le plus souvent pour le  » gag « .

Mais les choses ont bien changé ! Et il serait presque fastidieux, aujourd’hui, de citer toutes les séries bd qui ont fait du vin l’élément moteur et principal de leurs intrigues.

On peut épingler quelques titres, malgré tout…  » Les Ignorants « , d’Etienne Davodeau, chez Futuropolis.  » Châteaux Bordeaux « ,  » Bodegas  » et  » In Vino Veritas  » chez Glénat, avec souvent Corbeyran aux commandes scénaristiques, ou encore quelques livres d’humour chez Bamboo.

Et sans doute était-il temps que quelqu’un dépasse le seul aspect anecdotique (tout en étant didactique…) du vin, pour nous dresser véritablement le portrait de cette boisson aimée des dieux avant d’être adorée par les hommes.

C’est chose faite, avec ce livre de quelque 120 pages, dans lequel Benoist Simmat et Daniel Casanave nous emmènent dans les méandres de l’Histoire de l’humanité, une Histoire qui se mêle intimement à celle du vin… Et le guide qui nous est proposé dans cet album allait de soi, puisqu’il s’agit de Bacchus !

Benoist Simmat: La BD

Benoist Simmat: Bacchus

L’incroyable histoire du vin © Les arènes bd

C’est avec les toutes premières civilisations qu’est né le vin. C’est avec les premières conquêtes (militaires ou marchandes…) qu’il s’est propagé à travers le monde.

Et Bacchus, demi-dieu, donc profondément humain, nous guide, de page en page, dans un périple qui, de siècle en siècle, de millénaire en millénaire, finit par couvrir la totalité du globe terrestre.

Alors que la bière est restée pendant très longtemps réservée à la classe populaire, le vin, quant à lui, mystérieux dans sa création, a jusqu’il y a peu (quelques siècles à peine) été destiné aux classes dominantes, et, mieux encore, aux membres du pouvoir religieux.

Cette prise de possession de la religion sur le vin s’explique, comme nous le dit Bacchus et nous le prouve l’histoire de tous les peuples de la terre, par l’ivresse qu’il provoque, une ivresse totalement étrangère à celle que peut provoquer la bière, une ivresse qui est restée inexplicable avant que la science s’y intéresse de près…

Et en l’absence de science, cette ivresse fut considérée comme le meilleur chemin à suivre pour parler et dialoguer avec les dieux, pour en devenir le messager sur terre.

Le vin est par exemple très présent aussi dans la religion musulmane, malgré l’interdit qui le frappe aujourd’hui, comme nous le montre et nous l’explique ce livre !


Benoist Simmat: Ivresse et religion

L’incroyable histoire du vin © Les arènes bd

Le vin est donc le signe de la lumière divine… Une lumière dont il doit se cacher, en même temps, pour ne pas se dégrader…

Ainsi, ce breuvage a été de tout temps et reste aujourd’hui empreint de bien des symbolismes! 

Et même la science, avec Pasteur entre autres, avec, aujourd’hui, les vins naturels, avec, de nos jours, la possibilité pour tout un chacun de faire du vin en connaissant les arcanes de sa fabrication et en ne laissant pas faire le seul hasard, même la science, oui, et ses inventions qui ont permis au vin de devenir  » courant « , laisse la première place au plaisir. Et ce plaisir à savourer un bon verre de vin, un Savigny-les-Beaune, un coteaux du Layon déniché chez un petit producteur, un Rioja ou un Barolo, semble même s’amplifier du fait de toutes ces avancées techniques, scientifiques, technologiques, qui permettent à la qualité du vin de s’épanouir de mieux en mieux… Il ne faut pas oublier, non plus, que le vin fut considéré dans plusieurs civilisations et plusieurs époques comme un moyen de médecine, également !…


Benoist Simmat: inventions et plaisir

L’incroyable histoire du vin © Les arènes bd

Cela dit, même si ce livre est passionnant de bout en bout, fouillé, même si, didactiquement, il permet à tout le monde de découvrir des réalités dont on ne se rendait pas compte (la différence entre les vins mutés et les vins liquoreux, par exemple…), l’essence même de son contenu est de rappeler à tous les lecteurs que le vin est d’abord et avant tout un plaisir de partage ! Loin de Noé, et de la première ivresse de la Bible, le vin appelle la conversation. Boire seul n’a que peu d’intérêt, la solitude n’amenant, en tout état de cause, que très peu de bonheur à l’âme comme à la chair.

Et c’est bien là la leçon et la morale de ce livre : le vin est un plaisir, depuis l’aube des temps ou presque, et tout plaisir ne peut s’épanouir que dans l’échange et le partage !


Benoist Simmat: plaisir du partage

L’incroyable histoire du vin © Les arènes bd

Jacques Schraûwen

L’Incroyable Histoire Du Vin (dessin : Daniel Casanave – scénario : Benoist Simmat – éditeur : Les Arènes BD)