Rob Roy: Le Vaurien Des Highlands – chronique express

Rob Roy: Le Vaurien Des Highlands – chronique express

Une bd réaliste traditionnelle, pleine de combats, de mouvements, d’action et de sentiment !

copyright kamiti

A l’origine de cette bd, il y a, évidemment, le livre de Walter Scott, le « père » du roman historique. Son Rob Roy, paru au début du dix-neuvième siècle, en est un exemple parlant : s’inspirant d’un personnage réel, Scott invente le roman épique mêlé au roman social, mêlé à l’imagination, mêlé à des envolées lyriques, mêlé à la grande Histoire, créant ainsi un héros de chair et de sang mais, au travers de son Histoire, se faisant un symbole dépassant les siècles. C’est à ce titre que le cinéma a ouvert ses écrans également à ce personnage, avec un film des années 90… On peut même dire, sans doute, que Rob Roy n’est pas totalement absent, par sa thématique, de « Braveheart »…

copyright kamiti

En bande dessinée, Jacques Laudy, en son temps, a rendu hommage à ce personnage, et il ne fut pas le seul, loin s’en faut ! Et voici, donc, un album consacré à son tour à ce héros qui n’en fut pas vraiment un…

Ici, il ne s’agit pas vraiment d’une adaptation du livre de Walter Scott. Les auteurs ont décidé de montrer un personnage réel, avec ses ambiguïtés, dans une époque de la grande Histoire où la haine, le sang, la révolte, la trahison, la politique étaient les apanages du pouvoir, de tous les pouvoirs, même ceux des « vauriens ».

Dans cet album, on nous raconte l’histoire d’un brigand du seizième siècle, en Ecosse, avec ses révoltes, ses amours, ses combats. On y parle d’injustice, de propriétaires terriens, de vols, de survie, de l’honneur des « clans »…

Le scénario de Gihef ne parvient pas à retrouver le souffle de Scott, probablement parce que ce scénariste a décidé de mélanger aux scènes épiques des portraits de vie quotidienne. Mais cela se laisse lire, même si on peut déplorer quelques « découpages » un peu anarchiques.

Le dessin de Tollet suit le mouvement. On sent qu’il a pris plaisir à faire, graphiquement, cet album, mais on sent aussi, parfois, un peu trop de rapidité dans le dessin… La couleur, elle, sombre, rouge, trop présente souvent, accompagne certes le récit, mais l’écrase parfois, il faut le reconnaître.

Cela dit, ne boudons pas notre plaisir. C’est un livre délassant, un livre plein de mouvements, plein de vie (et de mort…) qui se laisse lire avec plaisir, oui! Je pense que trois albums étaient prévus, mais pour l’instant un seul est sorti de presse. A découvrir, donc, en attendant, avec espoir, de voir la suite devenir plus passionnante et plus imaginative, donc tenir les promesses de ce premier tome. Des promesses sérieuses, sans aucun doute…

Jacques et Josiane Schraûwen

Rob Roy (auteurs : Gihef et Tollet – éditeur : Kamiti)

La Princesse D’Hazelwood – chronique express

La Princesse D’Hazelwood – chronique express

Les contes pour enfants, on le sait depuis pas mal de temps, ne se contentent pas de délasser. Et c’est bien le cas de cette bande dessinée !

copyright bamboo

Et quand un tel livre se veut, dès l’abord, destiné à tous les publics, les niveaux de lecture, on le devine, on le sait, seront nombreux…

Inspiré, au niveau des références surtout, par le monde des légendes irlandaises, cet album nous montre une famille qui a vécu un drame, la mort de la maman. Deux enfants, orphelins de mère donc, vivent un peu au rythme de leur enfance, certes, mais aussi des histoires que leur raconte, de soir en soir, leur père. Des histoires qui, sans aucun doute, leur permettent à tous, non pas d’oublier l’absence, mais de tout faire pour vivre avec elle.

Et les mondes du réel et de l’ailleurs, de la magie et du rêve, de la douleur et de l’espérance, dès lors, vont se mélanger.

copyright bamboo

Tous les contes pour enfants partent d’un postulat tenant en quatre mots : « il était une fois… »… Oui, dans ce livre, il était une fois deux enfants, et leur père, il était une fois un renard blessé, une sorcière, un prince déchu, une grotte aux souhaits… Il était une fois l’aventure d’une enfance osant affronter la réalité, même la plus « fantastique ».

C’est une sorte de conte pour enfants, oui, mais qui parle de sujets sérieux comme le deuil, la culpabilité, le mélange incessant de réalité et d’imaginaire dans toute existence. Et l’autrice nous enfouit dans ce conte grâce à un vrai talent d’illustratrice, grâce entre autres à des couleurs dont la douceur, presque pastel, illuminent la narration.

Jacques et Josiane Schraûwen

La Princesse D’Hazelwood (autrice : Arianna Calabretta – éditeur :  Bamboo-Aventuriers d’Ailleurs – 2025)

L’Or du Spectre – Une bd comme un road movie

L’Or du Spectre – Une bd comme un road movie

J’ai toujours aimé le dessin de Xavier, son sens aigu du réalisme. Après « Le serpent et le coyote », le voici de retour dans un polar scénarisé par Matz.

copyright lombard

Dans cet album, même si les personnages y sont nombreux et nourrissent l’intrigue, les deux « acteurs » principaux y sont la voiture et le paysage ! A certains moments, j’ai d’ailleurs retrouvé des sortes de références à un autre grand dessinateur réaliste, Mézières, pas le Mézières de Valérian, non, mais celui qui aimait les Etats-Unis et en dessiner les déserts comme les villes.

copyright lombard

Tout le récit commence en voiture : une voiture quitte la ville, s’enfonce dans le désert, un homme au volant, une femme à ses côtés, et la fumée de deux cigarettes dans l’habitacle… Et le récit se termine presque de la même manière : une route qui mène de nulle part à nulle part, un camping-car qui soulève une poussière torride, un conducteur, les yeux perdus dans le vague, la cigarette aux lèvres…

copyright lombard

Entre ces deux bagnoles, il y a une histoire. Un polar… Chuck vient de sortir de prison. Il retrouve son amie intime, la blonde Kat. A deux, ils vont partir dans l’Amérique profonde, afin de récupérer un magot que Chuck a planqué avant d’être arrêté et condamné. Seulement, comme dans tout polar qui se respecte, les choses ne vont évidemment pas se révéler simples !

copyright lombard

Parce que va se mêler à tout cela un autre ancien détenu, homosexuel marié à un Indien… Plus un Black débarquant dans cette histoire par hasard… Plus des « américains profonds » croisés au gré des routes suivies par Chuck et Kat… Plus la déchirure de leur couple, malgré quelques ébats passionnés… Plus des trahisons en veux-tu en voilà ! On est loin, très loin même, d’un quelconque code d’honneur entre truands !

copyright lombard

Ce qui va également se mélanger à toutes ces intrigues, emmêlées et prenant sens grâce à quelques flash-backs, un autre personnage, le fameux spectre… Un vieillard sans doute fou cherchant à retrouver ses lingots d’or dans une petite ville fantôme… Beau personnage, d’ailleurs, que ce spectre, qui n’est pas sans rappeler un autre spectre, celui possédant des balles d’or, et dessiné par Giraud, sur un superbe scénario de Charlier.

copyright lombard

Il y a donc, vous l’aurez compris, plusieurs références dans cet album. Une référence évidente, également, à l’immense Hermann… Il y a surtout, pour illustrer un récit dont la construction est quelque peu anarchique, une présence graphique extrêmement intéressante. Xavier est un dessinateur réaliste d’une belle efficacité, c’est une évidence… Il est aussi un dessinateur qui aime varier les approches de son art, choisissant parfois quelques démesures rythmant ses récits, choisissant parfois aussi une relation plus intimiste avec sa narration. Ici, il est plus intimiste, un peu à la façon de ces westerns des années 50 qui prenaient le temps de « montrer »… De faire vibrer l’image… Cet album, c’est peut-être, graphiquement parlant, celui qui permet le mieux de découvrir la nature originelle de Xavier…

copyright lombard

A ce titre, il faut absolument souligner le travail essentiel du coloriste, Jérôme Maffre. Il est, me semble-il, co-auteur totalement de cet album d’errance, de sang et de dérives humaines. Le scénario, quant à lui, contient tout ce qui correspond aux codes du genre… Peut-être, dès lors, est-il trop attendu… Trop lisse, alors que le sujet aurait pu demander, justement, quelque chose de plus abrupt… Matz, à mon humble avis, ne manque pas d’efficacité, mais il a déjà fait mieux… Ses retours en arrière, cette façon de se laisser entraîner par une histoire plutôt que de la diriger, tout cela rend l’album, parfois, manquant d’envolée, d’ambition… N’est pas, ai-je envie de dire, Leone ou Coppola qui veut !

copyright lombard

Cela dit, ce livre est extrêmement agréable à lire. A lire, oui, parce que le dessin de Xavier, justement, est extrêmement narratif, il raconte ce que les mots ne font qu’aborder, il montre les sensations et les émotions des personnages, ce que le scénario ne fait pas vraiment… Un livre à la fois brutal et lent, à la fois sanglant et bien codifié, un livre qu’on lit donc avec plaisir, sans aucun doute… De la bd « délassante », qui change un peu, et c’est tant mieux, de la pléthore d’albums tristement voulus comme intellos et ancrés sur les modes ! Avec Xavier et Matz, on fait de la bd, on ne suit pas la mode, et c’est à applaudir !

Jacques et Josiane Schraûwen

L’Or du Spectre – Une bd comme un road movie (dessin : Xavier – scénario : Matz – couleurs : Maffre – éditeur : Lombard – mai 2025 – 116 pages)