H.G. Wells en BD : La Machine à explorer le Temps

H.G. Wells en BD : La Machine à explorer le Temps

Les éditions Glénat aiment les séries thématiques, depuis longtemps déjà. Et c’est une réussite avec cette collection consacrée à l’adaptation de l’œuvre de H.G. Wells. Avec Mathieu Moreau,un jeune dessinateur, qui a répondu à nos questions…

 

Plusieurs albums de cette collection se retrouvent déjà sur les étals de votre libraire préféré. Et même si tous m’ont plu, chacun à sa manière, chacun ayant son propre style graphique, celui qui a le plus retenu mon attention, c’est l’adaptation de ce merveilleux livre de science-fiction qu’à commis Wells il y a bien longtemps,  » La Machine à explorer le temps « , un livre passionnant qui a influencé pendant des dizaines et des dizaines d’années toute la littérature sf et fantastique mondiale.

L’histoire, certes, est connue de tout le monde, et elle a été bien des fois adaptée au cinéma, avec plus ou moins de succès, de qualité ou de réussite: un scientifique, dans une Angleterre victorienne, a inventé une machine qui lui permet d’aller se promener dans les méandres du temps.

Il y a là l’illustration littéraire d’un des mythes essentiels de l’humanité : d’où sommes-nous nés et, surtout, vers quels horizons nous dirigent nos pas ? Connaître le passé permettra-t-il de rendre le futur plus souriant ?

Ainsi, au-delà du récit d’aventures imaginaires, c’est à des thèmes profondément humains et humanistes que Wells s’est attaché dans ce livre. Des thèmes qui ne perdent rien de leur force et de leur intérêt dans cette adaptation en bd, due aux talents conjugués de Dobbs, un scénariste qui sait découper une histoire pour la rendre sans cesse passionnante, et de Mathieu Moreau, un jeune dessinateur qui a aimé construire ses planches un peu à la façon des illustrations du dix-neuvième siècle, qui adore jouer dans ses pages avec la symétrie, et dont les couleurs accompagnent vraiment l’histoire racontée.

Dans le monde futur où le héros va se retrouver, la sécurité et l’aisance ont fait des ravages extrêmes dans l’âme humaine. La révolte, la nécessité de ne pas suivre des voies toutes tracées, tout cela n’est même pas interdit, mais simplement n’existe plus. Et même si le personnage central, d’abord et avant tout scientifique, se refuse à tout jugement, il ne peut que constater que l’intelligence humaine, à force de sécuritarisme, s’est suicidée… Et qu’aucune intelligence n’est possible dans un univers où il n’y a ni changement, ni même désir de changement !

Et à ce titre-là, force est de reconnaître que des ponts existent déjà entre les cauchemars de Wells et les réalités que notre société est en train de créer !…

 

Mathieu Moreau, le dessinateur

 

La bande dessinée se doit, me semble-t-il, de ne jamais oublier d’où elle vient, tout comme le héros de cette machine à explorer le temps… Et  j’aime que l’éclectisme dont se nourrit le neuvième art laisse la porte ouverte, aussi, à des récits charpentés classiquement, à des hommages, également, à ce qui a fait l’histoire de notre culture.

Et c’est bien le cas dans cette collection  » H.G. Wells  » qui nous replonge, avec qualité, dans des imaginaires qui, tout compte fait, n’ont strictement rien de désuet !

 

Jacques Schraûwen

H.G. Wells en BD : La Machine à explorer le Temps (scénario : Dobbs – dessin : Mathieu Moreau – éditeur : Glénat)

Médicis

Médicis

Une ville se raconte en racontant ceux qui l’ont faite éternelle… Grande Histoire et quotidiens sordides se mêlent dans cette série passionnante…

1. Cosme L’Ancien (scénario : Olivier Peru – dessin : Giovanni Lorusso – couleurs : Elodie Jacquemoire –

éditeur : Soleil)

Il est de ces lieux indissociables de certains noms. Tout le monde, ainsi, a entendu parler de la famille des Médicis, cette famille qui a marqué l’Histoire de l’Italie, de la royauté et, surtout, d’une ville absolument extraordinaire, Florence.

Olivier Peru, dans cette série, a décidé de nous faire découvrir, de l’intérieur, cette famille et la façon dont elle s’est mariée, pour l’éternité, à une cité d’art, de religion, de violence, de beauté.

Cosme l’Ancien n’est qu’un fils de banquier qui, l’esprit ouvert à tout ce que l’art peut apporter à l’homme, à l’humain, décide d’user de son argent pour embellir sa ville, pour la faire entrer dans une autre ère que celle d’un Moyen-Âge poussiéreux.

Ce premier tome nous emmène ainsi, dans une ambiance à la fois haute en couleurs et peuplée de complots, de haines et de jalousies, dans un quinzième siècle où les roturiers, enfin, pouvaient, par la seule puissance de leur intelligence (et de leur argent…), appartenir au monde du pouvoir. Ce volume initial nous fait le portrait d’un homme qui, déjà, n’appartient plus à l’obscurantisme d’un monde, d’une société, d’une civilisation en train de se modifier.

L’intelligence narrative de Olivier Peru est de choisir une voix  » off  » pour raconter l’Histoire et ses histoires… La voix de la ville, la voix de Florence, république se choisissant peu à peu, en la famille des Médicis, des princes pour la diriger.

Le dessin de Giovanni Lorusso, éclairé par les très belles couleurs et lumières d’Elodie Jacquemoire, est d’un réalisme tout en fidélité pour tout ce qui concerne les décors, réinventés ou encore existant de nos jours. D’un réalisme qui n’hésite pas, donc, à quelques prouesses graphiques du plus bel effet ! Il joue avec les perspectives, tandis que sa coloriste, elle, joue avec les clairs-obscurs, et le résultat en est un album  aussi intéressant à regarder qu’à lire !

2. Laurent Le Magnifique (scénario : Olivier Peru – dessin : Eduard Torrents – couleurs : Digikore Studios –

éditeur : Soleil)

Avec Laurent le Magnifique, la philosophie des Médicis se modifie du tout au tout. L’art l’intéresse toujours, certes, il veut toujours faire de sa ville un écrin de tout ce que la peinture, la sculpture et l’architecture peuvent apporter comme bonheur des yeux et des sens. Mais ce qui l’anime surtout, c’est un besoin pratiquement viscéral de s’imposer non plus comme le rejeton d’une famille de banquiers, mais comme un Prince, éclairé mais puissant et impitoyable. Un Prince, oui, dans une république… Un Prince qui ne peut que provoquer des jalousies aussi puissantes que son besoin d’être le maître !

Dans cet album, c’est toujours Florence qui parle, comme une femme amoureuse qui se souvient… Cependant, l’époque a changé, la ville s’est embellie, mais les nobles de souche, les grandes familles florentines, les petites royautés italiennes, l’omniprésente Eglise catholique, tout cela crée un univers bien loin encore des vraies merveilles de la Renaissance.

Ce deuxième volume est un volume beaucoup plus guerrier que le premier, avec quelques somptueuses scènes de bataille qui font penser aux immenses toiles exposées à Venise, ville ici présente, d’ailleurs, puisqu’elle accueillit pendant quelques années l’exil imposé à Laurent de Médicis avant qu’il ne devienne  » le Magnifique « .

Le dessin est moins fouillé, dans son ensemble, que dans le premier opus, mais il est tout aussi efficace, et ce n’est pas la moindre des qualités de cette série que d’être parvenu, ainsi, à garder une unité graphique, malgré le fait que deux dessinateurs différents se soient attelés à la tâche de donner vie à Florence et aux Médicis.

L’Histoire est un terreau fécond pour toute œuvre littéraire soucieuse de se plonger dans des passés qui, qu’on le veuille ou non, ont construit nos présents, les ont civilisés, grâce à l’art, mais aussi à la guerre, grâce aux noms que les manuels scolaires aiment à rappeler, mais grâce aussi à la foule des inconnus qui, de siècle en siècle, de dictature éclairée en tyrannie totale, ont accepté de se soumettre ou se sont révoltés, ont aimé ou haï.

En Bande Dessinée, raconter l’Histoire ne peut se faire, pour que le plaisir de la lecture soit au rendez-vous, qu’avec un sens très efficace de la construction narrative. Il faut que le lecteur découvre des réalités historiques qu’il ne connaissait pas, tout en se sentant en même temps en terrain plus ou moins reconnu.

Et sans augurer de ce que seront les albums suivants, croyez-moi, pour ces deux premiers volumes, la réussite est totalement au rendez-vous !

Amoureux de la grande histoire, amoureux des grandes aventures, amoureux de la bande dessinée, amoureux des arts, de Brunelleschi à Michel-Ange, vous ne pourrez qu’être séduits par ce qui est le début d’une fresque historique soucieuse de respect à son objet premier : la sublime ville de Florence !

 

Jacques Schraûwen

Mermaid Project : tome 5

Mermaid Project : tome 5

Fin d’un premier cycle pour cette série tous-publics qui, sous couvert de science-fiction, nous parle de l’évolution de notre propre univers.

Ce tome 5 termine un premier cycle. Le premier cycle d’une saga de science-fiction qui nous plonge dans un avenir plus ou moins proche, un avenir qui a vu les valeurs et les pouvoirs actuels basculer totalement, donnant le pouvoir aux pays émergents, créant la prédominance de l’homme noir sur l’homme blanc. Un monde, cependant, dans lequel certaines réalités contemporaines existent encore et toujours : la recherche de profit à tout prix, les conflits de pouvoir, les expérimentations les plus insensées, comme celle de créer une race de nouvelles  » sirènes « , des êtres hybrides entre dauphins et humains, improbables, impossibles et innommables…

Dans cette série, vous l’aurez compris, on aborde des thèmes qui ne peuvent que nous faire réfléchir à ce que nous sommes toutes et tous en train de vivre comme quotidiens inacceptables. Cela en fait aussi une série au texte omniprésent, au scénario touffu, parfois même quelque peu confus, avec des personnages qui changent, évoluent, jouent avec leurs propres apparences plurielles.

Pour arriver à un résultat qui tienne la route, le dessinateur, Fred Simon, à partir du scénario de Corine Jamar et Leo, a fait tout un travail qui lui a permis de construire un récit linéaire dans lequel le lecteur ne se perd jamais vraiment.

Corine Jamar: le scénario
Fred Simon: le scénario

Le dessin de Fred Simon ne brille sans doute pas par son originalité, mais, cependant, il a une vraie touche personnelle. Inspiré quelque peu par l’univers manga, dans la simplicité des expressions des visages par exemple, il l’est également par la culture franco-belge au niveau du découpage et de l’importance à accorder à la lisibilité d’une histoire.

Il est, en fait, un de ces dessinateurs qui désire, d’abord et avant tout, se mettre au service de l’histoire qu’il a à raconter, et de rendre son dessin accessible à toutes et tous pour que le récit soit le plus parlant possible, pour que chacun puisse y trouver plaisirs, celui de plonger dans son graphisme simple et laissant une belle place à l’émotion, malgré tout, et celui du texte, important dans tout ce qu’il dit ou laisse deviner…

Fred Simon: le dessin

Il y a dans cette série des planches qui, véritablement, se laissent admirer. Et si certains esprits chagrins parlent, ici et là, d’histoires déjà mille fois vues, c’est qu’ils n’ont pas pris le temps de lire vraiment les cinq volumes de cette série. Le scénario, comme la plupart des scénarios d’ailleurs, picore un peu partout ses influences, ses inspirations, mais il est efficace, tout comme le dessin. Et les pages dans lesquelles dauphins et baleines, nature et cité prennent la plus grande place, ces planches-là sont extrêmement réussies.

 

Jacques Schraûwen

Mermaid Project : tome 5 (dessin : Fred Simon – scénario : Corine Jamar et Leo – éditeur : Dargaud)