Pico Bogue : XIV. Un Calme Fou

Pico Bogue : XIV. Un Calme Fou

Un calme fait, aussi, d’éclats de rire partagés… Une folie, celle des mots et des idées au travers des yeux d’une enfance sans cesse recommencée…

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Alexis Dormal au dessin et Dominique Roques au scénario ont inventé, il y a quelque quatorze ans, un gamin espiègle qui aborde le monde grâce au regard qu’il porte sur tout ce qui l’entoure, sa petite sœur, Ana, qui prend de plus en plus de place dans sa vie comme dans les livres qui lui sont consacrés, ses parents, ses amis, ses enseignants, les commerçants…

Et ce regard est à la fois plein d’humour, de tendresse, de jugement péremptoire, d’absurde, de définitif…

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Ana rêve d’être choisie par l’éducation nationale pour tourner dans un film qui doit faire la promotion de l’enseignement. Mais malgré ses efforts et sa volonté, ce n’est pas elle qui est choisie, mais sa meilleure amie…

Colère, jalousie, mots échangés qui deviennent cruels et méchants, lutte de personnalités, tel est le lot, désormais, de ces deux gamines s’opposant pour des raisons qui semblent réussir à détruire la réalité d’une amitié.

Mais l’amitié, comme l’amour, finalement, cela ne se détruit pas, et Dominique Roques et Alexis Dormal, empreints d’une affection réelle pour leurs personnages, ne pouvaient pas les laisser désemparés bien longtemps !

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Mais qu’on ne s’y trompe pas : il n’y a aucune mièvrerie, loin de là, dans les gags qui construisent ce livre !

C’est un peu de l’enfance qui nous est montré, dévoilé, et je soupçonne les deux auteurs fusionnels de cette série de ne jamais avoir réussi à quitter leurs univers de gosses… Evidemment, ce ne sont pas, au sens premier du terme, des moments vécus qu’ils nous racontent, en mots-sourires, en dessins-émotions… Pico Bogue, c’est un mélange intime, et intimement réussi, de souvenances d’enfance et de réalités d’un âge dit mûr mais qui se refuse à s’enfouir en des routines de grisaille.

Pico Bogue, ce sont des tranches de vies, des petits instants montrés, des tranquilles bonheurs au quotidien d’une vie qui, pourtant, n’a rien de totalement joyeux, jamais. Mais Pico Bogue et toute la compagnie humaine qui est sienne semblent ne jamais oublier que leur bonheur se vit d’instant en instant, de mémoire en mémoire, de lucidité en éclat de rire.

A ce titre, cette série est une série qui fait du bien… Qui fait sourire… Qui fait croire en une éternité du souvenir, une éternité réellement capable de pouvoir vieillir sans être adulte, comme le chantait Brel.

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Dans ce quatorzième album, tous les gags tournent autour de la création, qu’elle soit littéraire ou cinématographique, avec, entre autres, une superbe leçon d’interview entre deux petites filles aux rires communicatifs !

Je pense que pas mal de journalistes pourraient y trouver matière à réflexion, pour le moins !

La création, jeu personnel, jeu de personnalité…

La création, au sens le plus large du terme et qui, dès lors, devient le signe d’une lucidité qui permet au temps de s’écouler avec plaisir, avec plaisirs pluriels…

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Pico Bogue, c’est une réussite totale, qui ne s’essouffle pas, que du contraire, qui réussit à continuer à étonner dans chaque nouvel opus… Pico Bogue, c’est une bd aussi importante que Mafalda, ou les Peanuts… Et, en même temps, superbement personnelle ! Fantastiquement originale !

Pico Bogue, c’est un ensemble d’albums qui font du bien, avec intelligence, avec passion, avec douceur, avec pudeur… Ce sont donc, à mon humble avis, des livres qui devraient se retrouver dans toutes vos bibliothèques !

Jacques et Josiane Schraûwen

Pico Bogue : XIV. Un Calme Fou (dessin : Alexis Dormal – scénario : Dominique Roques – éditeur : Dargaud – septembre 2022 – 48 pages)

Pin-Up – La French Touch – volume 3

Pin-Up – La French Touch – volume 3

Un peu d’érotisme… Un peu de douceur de vivre… Pour le plaisir des yeux !…

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L’art de la Pin-Up a sans doute connu son apogée pendant la deuxième guerre mondiale, avec cette manière qu’avaient les aviateurs américains de personnaliser leurs avions, avec des dessins de femmes plus ou moins dénudées, plutôt plus que moins… comme pour se protéger symboliquement des affres de la mort par les douceurs de l’amour.

Et cette réalité a connu un essor aux Etats Unis comme en Europe tout au long des années qui ont suivi, avec des artistes comme Elvgren, Aslan, Cuvelier, présents dans  les revues pour hommes que l’on  disait, à juste titre souvent, de charme… Les pin-up dessinées des années trente, dans des revues friponnes, se sont ainsi vues continuées avec moins de friponnerie et bien plus d’érotisme, voire plus !

Cela dit, cet art d’épingler d’accortes demoiselles pour embellir un mur date d’il y a bien plus longtemps encore. Ne pourrait-on pas dire par exemple que les fresques retrouvées dans les villas romaines à Pompéi et ailleurs étaient déjà représentatives de ce plaisir que l’être humain a et aura toujours de pouvoir admirer la beauté dans ce qu’elle a de plus féminin, et de pouvoir le faire dans l’immédiateté de son lieu de vie.

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Patrick Hitte s’inscrit résolument dans cette tradition de la Pin-Up. Son talent est de s’inspirer directement de femmes connues pour nous offrir des visions érotisées de leur présence médiatique. Bien entendu, il y a Marilyn Monroe dont le visage emblématique revêt depuis longtemps déjà une forme d’éternité. Mais il y a aussi dans cet album des femmes comme Audrey Hepburn, il y a aussi comme des hommages à de bons vieux films de science-fiction des années 50 ou même à des séries télévisées très actuelles.

Il y a également de la part de Patrick Hitte un besoin naturel de rendre hommage à des tas d’autres dessinateurs : Benjamin Rabier, Bernie Whrigtson, Berthet, Beardsley, et, bien entendu, Manara.

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Le moteur de toute existence n’est-il pas cette vérité universelle qui fait que seul le désir peut permettre à la vie de s’émerveiller elle-même ? L’érotisme en tous cas, bien plus qu’un simple appel à la rêverie charnelle, s’adresse directement à ce qui construit l’être humain : le bonheur de découvrir la beauté là où elle se trouve, c’est-à-dire d’abord et avant tout, dans le corps.

Et Patrick Hitte le fait admirablement bien, avec un manque total de vulgarité. C’est à la femme rêvée qu’il rend hommage avec de l’humour, avec une façon de mélanger les styles graphiques qui fait qu’on se promène dans son livre calmement, sereinement, érotiquement…

Et c’est vrai que la vulgarité n’a pas sa place dans son travail, et j’aime cette manière qu’il a d’axer ses dessins, très souvent, autour des regards de ses modèles. Regarder une de ses Pin-Up, c’est se sentir observé autant qu’observateur. Il y a ainsi une vraie connivence créée par le dessin, noir et blanc ou en couleur, un lien souriant et presque intime entre le lecteur et l’auteur, entre la fille de papier et la réalité du rêve.

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Vous l’aurez compris, l’art de la Pin-Up, est loin, très loin de disparaître et il y a un vrai bonheur à vouloir ne pas bouder son plaisir en aimant tout simplement se promener, de page en page, dans le monde de Patrick Hitte, un monde fait pour que le quotidien s’embellisse de 1001 féminines torpeurs. Et regarder ses femmes dépendant des canons de la beauté, cela peut, et devrait en tout cas, permettre à tout un chacun de savoir redécouvrir, avec les yeux de l’amour, des beautés moins formelles mais, finalement, bien plus érotiques parce que réelles…

Jacques et Josiane Schraûwen

Pin-Up – La French Touch – volume 3 (auteur : Patrick Hitte – éditeur : Paquet –  64 pages – octobre 2021)

Pico Bogue : 13. Sur Le Chemin

Pico Bogue : 13. Sur Le Chemin

Je commence à rattraper mon retard de lecture(s). Il était temps, me direz-vous, et sans doute aurez-vous raison ! Voici donc mes mots concernant l’extraordinaire Pico Bogue, une des meilleures séries qui soit !

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Nous sommes toutes et tous des êtres de mémoire, des porteurs de souvenances.

Et je n’oublierai jamais la première rencontre que j’ai vécue avec Dominique Roques et Alexis Dormal, il y a bien longtemps déjà. Cela s’est vécu à la maison communale de Saint-Gilles, à Bruxelles, pour un petit salon bd… A une table, en attente de passants en mal de dédicaces, ils étaient là, tranquilles, souriants, devant leur livre, que je ne connaissais pas. Que nous ne connaissions pas, mon épouse et moi, puisque nous étions deux, ce jour-là comme chaque jour de notre éphémère existence.

Et c’est Josiane, mon épouse, qui a feuilleté le livre et m’a dit qu’il fallait l’acheter.

Chose faite… Lecture, le soir même, à deux… Eblouissement fait de références, certes, mais aussi d’un ton très particulier, très personnel. Et, depuis lors, Pico Bogue nous a été, m’est à moi seul désormais, un compagnon fidèle d’humour, d’intelligence, de tendresse et de réflexion.

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Je me souviens aussi d’avoir chroniqué ce premier album surs le site de la RTBF où je travaillais, et d’avoir eu des messages assassins de la part de la « patronne » culturelle de ce site… Cette femme aux compétences fonctionnarisées, que je me refuse de nommer, estimait que Pico Bogue ne méritait pas qu’on en parle, que ce n’était qu’une imitation de ce qui était déjà existant, et que cette série, à l’en croire, serait vite terminée !

N’en déplaise à cette visionnaire éclairée, Pico Bogue existe toujours, il en est, dans sa série principale, à sa treizième apparition ! Et j’en suis toujours aussi fan, comme des milliers et des milliers de lecteurs, d’ailleurs ! Fan n’est pas un mot qui plairait à ce gamin déluré et amoureux de la langue… Aucun fanatisme, non, mais le plaisir, simplement, d’album en album, de voir évoluer cet enfant qui réussit à vivre son enfance dans un monde terriblement adulte.

Je vous invite donc à suivre le chemin de Pico, en ma compagnie, si vous le voulez bien.

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Avec Pico Bogue, quels que soient les chemins qu’il emprunte, ce sont toujours les mots qui sont les vecteurs de la pensée, la sienne, et, dès lors, la nôtre.

Si nous rêvons, toutes et tous, en images, nous pensons et nous réfléchissons, chacun et chacune, en mots, en phrases. Et Pico, comme ses compagnons de jeu, de famille, de hasard, ne rêvent pas leur présent. Ils le vivent, ils le réfléchissent, il s’en jouent, ils en rient.

J’ai déjà, auparavant, souligné le cousinage entre Pico Bogue, le Petit Nicolas, Mafalda ou les Peanuts. Mais il y a une différence fondamentale entre tous ces « enfants » de papier. Pico est et reste un enfant, tout comme sa sœur Ana Ana, qui a bien grandi, comme tous ses copains de classe qui, discutant au sujet d’un exposé scolaire sur a violence, gardent sur cette réalité un regard à la fois direct et décalé. Le regard de l’enfance, oui… Avec ce plaisir élémentaire de se parler e de ne jamais le faire pour ne rien dire.

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Et donc, sur le chemin de Pico, le nôtre, la vraie vie apparaît, avec ses dérives, ses rires, ses horreurs.

Dans un album précédent, les thèmes de la maladie, de la mort même, ont été abordés avec une vraie tendresse lucide. Avec surtout, de la part des auteurs, un intérêt humaniste à une vérité que le monde adulte ne cesse de nier : les enfants se posent de questions ! Et, ma foi, ils sont souvent capables d’y trouver les bonnes réponses !

C’est encore le cas dans ce livre dont le propos principal est celui de la violence. Celle qui commence dans les cours de récréation et devient universelle… Mais on y parle aussi d’argent qui n’a de valeur que partagé… On y parle de conscience… Du monde animal et du respect de la vie…

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Pico Bogue, c’est un ton, graphique et littéraire, unique.

C’est la puissance tranquille de la spontanéité, de l’observation, et, surtout peut-être, c’est la liberté, celle de penser, celle de dire, celle de ruer dans les brancards. Mais toujours, toujours, avec un humour et une dérision extraordinaires !

Jacques et Josiane Schraûwen

Pico Bogue : 13. Sur Le Chemin (dessin : Alexis Dormal – scénario : Dominique Roques – éditeur : Dargaud – septembre 2021 – 48 pages)