Philocomix

Philocomix

Au fil de l’Histoire, la philosophie s’est intéressée de très près au bonheur… Découvrez-en, dans ce livre à la fois sérieux et souriant, quelques portes qu’il vous appartiendra ou non d’entrouvrir…

 

Dès la couverture de ce livre, le ton est donné : 10 philosophes – 10 approches du bonheur –  » Je pense donc je suis HEUREUX !!

Dans une époque comme la nôtre, où l’information, au sens le plus large du terme, envahit tous les horizons du présent, comment l’être humain peut-il, selon l’expression évangélique consacrée, séparer le bon grain de l’ivraie ?

Les auteurs de cet album apportent leur réponse : ce n’est que par la réflexion, par la pensée, que l’être humain peut approcher du plus près ce qu’est son but dès sa naissance : le bonheur !

Je me souviens d’un professeur qui, par boutade peut-être, nous disait, à nous les boutonneux élèves adolescents des années 70, que la force de la philosophie, c’est que c’est la seule science qui sait qu’elle est inutile.

Pour Jean-Philippe Thivet et Jérôme Vermer, la philosophie est utile. Puisqu’elle permet, grâce aux mots et aux idées, de canaliser les rêves et les attentes humaines, en un moment précis de leur histoire, de creuser ainsi des chemins nouveaux dans l’accomplissement de soi. Et ils veulent le prouver, ici, en suivant les traces de dix philosophes qui, tous, ont à la fois marqué leur époque et la grande Histoire des idées humaines.

Jean-Philippe Thivet: l’utilité de la philosophie

Jérôme Vermer: l’utilité de la philosophie

 

 

 

Le point commun entre la notion de bonheur de ces dix grands noms de l’intelligence humaine, de Platon à Nietzche, c’est de considérer ce sentiment, cette sensation, cette presque virtualité comme indissociable d’une vérité et d’une réalité collective.

Bien sûr, un autre point commun pourrait être la subjectivité inhérente à cette notion qui ne peut, incontestablement, que se définir, ou se redéfinir, en fonction du moment historique considéré. C’est ainsi que les philosophes passent d’un bonheur à prendre à un bonheur naissant du plaisir, de la nécessité du désir à l’obligation de subir, de l’importance de ne pas trop rêver à celle d’envisager déjà l’après, du pouvoir essentiel de la raison et de la dignité à celui de la conséquence… On parle de volonté s’opposant au désir, puisque la vie se doit de faire mal, par définition, on parle aussi de l’importance de s’aimer par-dessus tout !

Tous ces philosophes rencontrés dans les pages de ce livre ont en fait un point véritablement commun : celui de parler du bonheur et de le faire en passant du groupe humain à l’individu, et vice-versa.

Jérôme Thivet: la dimension collective du bonheur

Jean-Philippe Thivet et Jérôme Vermer: la subjectivité

 

Cela dit, ce livre n’est pas un pensum, c’est un album de bande dessinée, avec une vraie dessinatrice qui est parvenue à entrer dans l’univers des deux scénaristes avec un talent très personnel. Les dessins sont simples, caricaturaux même, et c’est de leur présence, en contrepoint du sérieux littéraire de l’ouvrage, que naît le plaisir de la lecture. Comme quoi on peut se découvrir intelligent en souriant !… C’est d’ailleurs, en accompagnement du message des deux scénaristes, ce que la dessinatrice Anne-Lise Combeaud nous délivre comme indication de vie : il faut, pour s’approcher du bonheur, prendre le temps, d’abord, de s’amuser…

 

Anne-Lise Combeaud: le dessin

 

D’accord, ce Philocomix n’est pas un album habituel… Il a un aspect didactique qui, peut-être, peut rebuter quelque peu. Il est également tout sauf exhaustif, s’arrêtant par exemple à l’aube des idées et idéologies du vingtième siècle, comme l’existentialisme.

Mais, au total, il s’agit d’un livre assez ludique, à sa manière, et qui réussit à allier deux mondes qui ne se côtoient le plus souvent que par la seule force du hasard.

Une curiosité, donc, et qui mérite, assurément, d’être découverte et, ma foi, appréciée et aimée !

 

Jacques Schraûwen

Philocomix (dessin : Anne-Lise Combeaud – scénario : Jean-Philippe Thivet et Jérôme Vermer – éditeur : Rue De Sèvres)

Mémoires de Marie-Antoinette : 1- Versailles

Mémoires de Marie-Antoinette : 1- Versailles

Du fond de sa geôle, la Reine de France se penche sur son passé et nous livre, de souvenance et dépit, une image contrastée de ce que fut son destin.

 

     Marie Antoinette©Glénat

 

On est loin, ici, fort heureusement d’ailleurs, de « Les nouvelles aventures du Petit Prince »… Et même si ce livre s’attarde sur un personnage qui appartient totalement à l’Histoire de France, comme l’était à sa manière le héros de Saint-Exupéry, Le style en est essentiellement fait de fidélité. Fidélité à une époque, fidélité à une ambiance, fidélité à la grande Histoire, fidélité à des personnages qui furent réels et qui appartiennent à l’imaginaire collectif.

Marie-Antoinette, dans ce premier volume, se penche sur ce qu’elle fut, sur la jeune fille jetée en pâture à des nécessités politiques qui la dépassaient, en une époque où écrivains et penseurs entrouvraient déjà des portes menant à d’inéluctables révolutions.

Marie-Antoinette se raconte, tout au long d’un journal intime où elle ne cache rien de ses frivolités, des rapports parfois ambigus qu’elle entretenait avec le roi, son époux, avec la cour, avec des proches pour lesquels ses sentiments dépassaient la simple amitié.

 

 Marie Antoinette©Glénat

 

Noël Simsolo, artiste multiforme, écrivain, comédien, metteur en scène, et donc scénariste de bande dessinée, n’a pas voulu d’un livre manichéen. Tout en respectant la trame historique et politique de l’époque dans laquelle il se plonge et nous plonge à sa suite, il trace un portrait en demi-teinte d’une femme plus que d’une reine, d’un être perdu dans une Histoire majuscule alors qu’elle rêvait d’histoires quotidiennes. Plus qu’un livre historique comme il y en a tant, Simsolo construit ici un livre qui s’intéresse à l’humain, dans une époque qui annonçait déjà quelques déshumanisations à venir. Marie-Antoinette est vivante, avec ses défauts, et ses confidences, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, nous permettant de comprendre, de l’intérieur, ce qu’était la vie à la cour de Versailles, sur ce qu’étaient les obligations des rois, des reines et des courtisans. Ces confidences, imaginées certes, mais nourries, incontestablement, d’un travail de recherche important, nous dressent d’autres portraits, d’ailleurs, que celui de la reine en attente d’une mort inéluctable. Le Roi Louis XVI apparaît dans cet album infiniment moins falot que l’image qu’il a laissée dans les livres d’Histoire française. Il y a aussi le portrait des conseillers royaux, des amis et presque amants de la Reine… Et le portrait, aussi et surtout, d’une période dans laquelle les fastes de la cour, les guerres lointaines, la déliquescence des classes populaire et moyenne, étaient les signes précurseurs d’une révolte sans doute, d’une révolution peut-être…

 

 

 Marie Antoinette©Glénat

 

Le travail de la dessinatrice Isa Python est tout aussi pointilleux et respectueux de son sujet. Le souci qu’elle a de rendre compte des décors fabuleux de Versailles, de ceux des bals masqués dans lesquels la Reine pensait rester anonyme, l’approche qu’elle a de la présence physique de ses personnages, du Roi à la Reine, en passant par Louis XV ou Marie-Thérèse, la mère de Marie-Antoinette, cette approche, sans être d’un réalisme intransigeant, est d‘une tenue parfaite. Et le talent qu’elle a pour s’approcher du plus près des visages de ses personnages, de leurs expressions, sans pour autant les caricaturer, ce talent permet à ce livre de posséder un vrai rythme, une véritable musique dont la partition est à la fois graphique et littéraire, passant, symboliquement, de Beaumarchais à Gluck…

Il y a aussi dans ce « Versailles » une lumière qui réussit à rendre tangibles les détails des décors, alors même qu’ils ne sont parfois qu’esquissés. Sans la présence d’une coloriste extraordinaire, Scarlett, ce livre n’aurait certainement pas eu totalement la qualité qui est la sienne ici !

Vous l’aurez compris, on se trouve, avec « Marie-Antoinette » dans plus qu’un livre historique. Sans effets inutiles, c’est le tableau d’une certaine humanité que les auteurs partagent avec nous.

Une très belle réussite !

 

Jacques Schraûwen

Mémoires de Marie-Antoinette : 1- Versailles (dessin : Isa Python- scénario : Noël Simsolo – couleur : scarlett – éditeur : Glénat)

 

Les Ombres de la Sierra Madre : 1. La Nina Bronca

Les Ombres de la Sierra Madre : 1. La Nina Bronca

Les ombres de la Sierra Madre sont nombreuses… Elles sont celles de la guerre de 14/18… Elles sont celles des Mormons… Elles sont celles des derniers Apaches et de leur colère meurtrière… Et elles construisent ici un western quelque peu à contre-courant des codes propres à ce genre…

Les Ombres de la Sierra Madre©sandawe.com

1917. Dans les tranchées de la forêt d’Argonne, la première guerre mondiale fait rage. Moroni Fenn y vit, au quotidien, l’horreur quotidienne de la mort, de la violence. Son appartenance à « l’Eglise des Saints des Derniers Jours » ne l’aide pas à supporter ce conflit dans lequel l’humanité n’a plus droit de cité.

1920. De retour à Salt Lake City, Moroni Fenn sombre dans l’alcool, les cauchemars, le mal vivre, l’agressivité. Sa violence incontrôlable et peu en accord avec les principes des Mormons pousse les sages de cette communauté à l’envoyer protéger leur colonie installée au Mexique. A peine arrivé, il fait la connaissance d’un vieux fou, Merejildo, de sa nièce, la belle Guadalupe, et il arrache des griffes d’un margoulin une jeune indienne exhibée comme une bête de foire.

1923. Moroni est marié avec Guadalupe, qui attend un enfant, et la petite indienne, Bui, est leur fille adoptive. Quant à Merejildo, il veille sur eux, en attendant, inlassablement, la venue d’Apaches, disparus pourtant depuis bien longtemps de cette région.

Les Ombres de la Sierra Madre©sandawe.com

 

A partir de ce canevas, Philippe Nihoul raconte une histoire ancrée dans la grande Histoire, de manière évidente. Fouillé, documenté, son scénario répond, certes, aux besoins du genre western, avec Indiens, combats, chevaux, mais il s’en éloigne par l’époque, d’abord, le début du vingtième siècle, par le personnage central, ensuite, un Mormon fier de l’être, malgré ses problèmes identitaires. Bien entendu, le thème central reste la différence, la confrontation de différentes cultures, l’hégémonie d’une race sur l’autre, la puissance, non pas de la religion, quelle qu’elle soit, la force, aussi, de la résistance, même la plus inutile.

Classique dans sa construction, le scénario de Philippe Nihoul ne manque vraiment pas d’intérêt, de rebondissements, de réflexions sur l’humanité et ses dérives ; notre humanité, donc…

Quant au dessin de Daniel Brecht, il est lui aussi d’une facture très classique, avec d’évidences influences de Giraud et de Cosey… Mais sa manière de travailler la couleur, en une dominante de bruns, d’ocres, et de bleus légers donne à son style une vraie présence, une belle personnalité, même si, de ci de là, quelques erreurs graphiques, dans les perspectives et proportions existent.

Cela dit, ce livre est aussi une belle plongée dans l’enfance, et ce qu’elle peut avoir de plus sombre et de plus lumineux en même temps. Et ce premier volume appelle une suite qui, espérons-le, viendra vite ponctuer une histoire réellement passionnante !…

Jacques Schraûwen

Les Ombres de la Sierra Madre : 1. La Nina Bronca (dessin : Daniel Brecht – scénario : Philippe Nihoul – éditeur : sandawe.com)