Tout Est Vrai – Philippe Geluck et sa (ses ?) vie(s) – interview…

Tout Est Vrai – Philippe Geluck et sa (ses ?) vie(s) – interview…

Je sais… Tout le monde a déjà parlé de ce livre, sorti de presse en octobre dernier ! Mais je ne changerai pas, et j’aime qu’un livre, quel qu’il soit, ait une durée d’existence qui ne soit pas uniquement dépendante de la saison !

copyright casterman

En outre, c’est Philippe Geluck, dans cette chronique, qui va vous parler le mieux de SON livre !

Le Chat, personnage iconique de Geluck, n’est bien évidemment pas absent de cet album, et c’est tant mieux ! Mais cette fois, il n’en est ni le centre égocentrique ni la seule vedette ! Philippe Geluck, avec cet album, se plonge et nous plonge en même temps dans ce qu’est sa vie…

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Mais tranquillisez-vous, il ne s’agit nullement de « mémoires » pompeuses écrites par des individus se réinventant le plus souvent des souvenances pour avoir l’impression de « briller ». Il ne s’agit pas non plus d’un recueil de souvenirs mis bout à bout chronologiquement. Mais d’une sorte de balade qu’un auteur raconte, non au travers de son œuvre, mais dans son existence, au hasard de ce que son présent a envie de lui remettre en lumière.

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C’est un livre d’anecdotes, d’impressions, d’amitié, de rencontres, écrit par un homme public qui, sans toujours parvenir à s’éloigner du clinquant des médias, réussit cependant à nous parler, avec vérité (en tout cas, c’est ce qu’il affirme) de lui-même, de ce qu’il aime. Un livre d’anecdotes, oui, et c’est de cela que Philippe Geluck a commencé à me parler… On l’écoute !….

Philippe Geluck

Jacques et Josiane Schraûwen

Tout Est Vrai (auteur : Philippe Geluck – éditeur : Casterman – octobre 2024 – 144 pages)

Tucker – 2. Planet Girls

Tucker – 2. Planet Girls

Un album de Wasterlain, un dessinateur qui, à sa façon, appartient à l’histoire du neuvième art. Un artiste dont le trait, souriant toujours, se reconnaît au premier regard. Un livre, donc à découvrir !

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Marc Wasterlain appartient à la génération des auteurs de « l’âge d’or de la bd ». Dans le style dit de Charleroi, il a collaboré pendant plusieurs années avec Peyo, tant sur les Schtroumpfs que sur Benoît Brisefer. Après un premier galop en solitaire au succès mitigé, Bob Moon et Titania, il crée un personnage totalement nouveau dans le monde du neuvième art des années 70: le Docteur Poche. Une sorte de magicien farfelu, se promenant, pendant quatorze albums, dans tous les domaines de la narration… Une série dont on peut dire qu’elle se fait « contes » pour tous… Une série qui a surtout marqué bien des jeunes lecteurs comme bien des jeunes dessinateurs aujourd’hui chevronnés et reconnaissant ce qu’ils doivent à Wasterlain, à sa poésie, à son dessin à la fois anguleux et souriant.

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Après le Docteur Poche, Wasterlain va encore innover en créant le personnage de Jeannette Pointu, une journaliste féminine, féministe aussi, se lançant dans des aventures tantôt écologiques, tantôt politiques, tantôt fantastiques.

Parce que le fantastique comme la science-fiction ont toujours fait partie intégrante de l’imaginaire de Wasterlain. Et on ne peut que ressentir son plaisir d’auteur en lisant sa nouvelle série, Tucker…

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Tucker, c’est un ferrailleur de l’espace récoltant tous les déchets laissés par une civilisation universelle. Dans ce deuxième album, Tucker descend sur une planète verte pour comprendre pourquoi une base scientifique ne répond plus… Il va se trouver ainsi plongé dans une guerre sans merci, avec des animaux improbables, des Femmes devenues guerrières pour sauver le peu qui reste de leur culture… Tout cela, au long d’un scénario que Wasterlain aime voir éclater dans tous les sens, un scénario mêlant sf et humour, écologie et féminisme, et, évidemment, regard sur le monde actuel et ses extrémismes parfois exacerbés, attitudes des hommes comme des femmes, par exemple, au sujet de la séduction, de l’amour, du quotidien. Mais toujours avec dérision, avec une tendresse au feu d’un humour décalé !

copyright wasterlain

Rien de manichéen, donc, rien de pamphlétaire bon plus… Mais un regard qui réussit à parfois être acerbe sur ce que notre monde, en langage comme en en actes, est en train de devenir. En fait, dans ce livre, je le disais, Wasterlain s’amuse… On dirait presque qu’il dessine en roue libre, au gré de ses envies, de ses imaginations du moment. Cet album est donc à savourer de la même manière sans s’occuper d’une quelconque logique, qui ne pourrait, dans le cas présent, qu’être un frein à la douce folie de Marc Wasterlain et de son épouse Oriana, à qui on doit, dans ce deuxième volume des aventures de Tucker, les couleurs.  

Jacques et Josiane Schraûwen

Tucker : 2. Planet Girls (auteur : Wasterlain – couleurs : Oriana Esposito – éditeur : Jihem éditions – septembre 2024 – 46 planches)

Un livre disponible en « circuit court », et via le site de l’éditeur: https://www.jihem-editions.com/?fbclid=IwY2xjawHDkjhleHRuA2FlbQIxMAABHVeyofTTUnNxjubMiDLeDfFjPzdh_x-CsIV2SGO3-qZl2sNx-mvkVEgXqw_aem_VCLEkFhvxi4upHFqWlXgOQ

Tous Nos Étés – Les souvenirs, les regrets, les tristesses… La vie !

Tous Nos Étés – Les souvenirs, les regrets, les tristesses… La vie !

J’aime les livres, je le dis souvent, qui laissent parler l’émotion, le cœur, avant tout le reste. Et c’est bien le cas avec ce livre, tout en demi-teintes, tout en tendresse, tout en sourires…

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Comme chaque année, ou presque, la « famille » se retrouve, pour les vacances d’été, dans une maison qui est la leur, héritage en copropriété, en quelque sorte. Seulement, voilà, cela devrait être le dernier été vécu dans ce lieu porteur de tant de rêves et de tant de réalités… Une affaire d’héritage, oui, un oncle voulant vendre pour récupérer sa part et vivre sa vie, avec de neuves attaches.

Et c’est donc aux feux de ce dernier été que les auteurs de cet album nous offrent un livre choral… Un livre aux personnages assez nombreux, dont les destins, confondus, ne le sont cependant que par des réalités différentes vécues. Au centre de cette famille dans laquelle le mot « union » n’est pas une expression toute faite, il y a Julie. Du haut de ses trente ans, elle est enceinte. Elle est aussi, surtout peut-être, veuve… Et ce lieu loin des routines de la vie de tous les jours, c’est le cocon dans lequel elle aurait voulu, elle aurait aimé se perdre, un cocon solide et irréel en même temps, un endroit dans lequel le temps s’arrête au gré des souvenirs.

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Pour elle, et grâce à cette famille qui l’entoure, survivre, c’est vivre quand même. Pour elle, le projet de devoir ne plus jamais revenir en cet endroit où elle vécut son amour, c’est une souffrance réelle. Mais une souffrance qu’elle montre peu… Porteuse à la fois d’un deuil et d’une vie à venir, Julie est peut-être la seule à sentir que cette maison a d’autres secrets que les siens… D’autres passés… Des secrets qui amènent les auteurs de ce livre à user d’une narration parfois déroutante, remontant dans le temps au rythme de souvenances qui, étrangement, ne sont pas uniquement celles de Julie… N’est-ce pas cela aussi, être vivant : dépendre de vies dont on n’a aucune idée…

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Et, ce faisant, c’est un peu de l’Histoire qui est abordée, celle de 1959, celle de 1968. Ce faisant, c’est une sorte de long poème graphique que les auteurs nous offrent. Un poème, oui… Un de ces textes dans lesquels il faut s’enfouir pour en découvrir les mouvances, les impossibles rimes, les douceurs, les extravagances, les folies… Les routines, aussi… La poésie, c’est un lac sans fond dans lequel, en se plongeant, on se retrouve, on se découvre… La poésie de la mémoire, dans ce livre, c’est celle aussi d’un rythme ensoleillé qui entraîne les lecteurs dans une forme d’existence à la fois tranquille et unique…

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Il y a dans cet album une vraie tendresse dont peu d’auteurs en bd sont capables… Et elle se dévoile au travers d’une description de la vérité d’une famille, dans laquelle il n’y a rien de formaté, dans laquelle, surtout, chaque membre a sa propre personnalité, son propre vécu. Il en résulte, au niveau du texte, du dialogue, l’utilisation d’un langage simple, quotidien… Emouvant aussi, comme cette question et sa réponse :

  • Tu vas mieux ?
  • On essaie.

Et s’il est vrai que la mort est omniprésente dans ce livre, il est tout aussi vrai qu’elle devient un vecteur de transmission, de continuité entre les âges et les gens… D’éternité, en quelque sorte. Oui, ce livre est un livre sur l’Amour, au-delà du temps, de tous les temps !

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Le texte de Séverine Vidal, vous l’aurez compris, m’a superbement séduit… Il en va de même pour le dessin de Victor L. Pinel… On y ressent véritablement l’ambiance lumineuse et parfois en demi-teintes de ces vacances au soleil que nous avons toutes et tous un jour vécues… Ses couleurs sont un outil graphique essentiel à la sensation et l’émotion du temps qui passe… Son trait, semi-réaliste, permet de ne rien alourdir d’un sujet qui, tout compte fait, touche de très près à la vie de tout un chacun. Et son travail sur les visages et, plus précisément encore, sur les bouches de ses personnages, permet un vrai mouvement au sein de chaque planche…

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Un très bon livre… Un livre à la fois souriant et émouvant, un livre « positif », mais loin des modes qui nous imposent de l’être… Un livre humain, tout simplement, dans lequel, comme dans la « vraie vie », les souvenirs sont de l’infini les mille survies…

Jacques et Josiane Schraûwen

Tous Nos Étés (dessin : Victor L. Pinel – scénario : Séverine Vidal – éditeur : Grandangle – 160 pages – juillet 2024)