Will : Mirages

Will : Mirages

L’éditeur Daniel Maghen est un amoureux de la bande dessinée. Et il nous offre ici une biographie complète de l’immense Will, un auteur qui a marqué la bande dessinée, et dont on découvre ici toutes les facettes.

 

     Mirages©Daniel Maghen

 

L’Histoire de la bande dessinée est une histoire majuscule, n’en déplaise à celles et ceux qui, de nos jours encore, continuent à croire que cet art n’est que mineur, voire  même enfantin.

Et dans cette Histoire, il est bon de se souvenir de l’artiste complet que fut Will, de son vrai nom Willy Maltaite. Cela fait dix-huit ans que ce dessinateur hors-pair est décédé. Amoureux du « merveilleux » et de l’humour, de l’aventure et de la féminité, toujours respectueux de ses personnages et de leurs gestes comme de leurs pensées, inventeur d’un des méchants les plus emblématiques du neuvième art, l’ineffable Monsieur Choc, Will méritait un livre comme celui-ci, complet, lourd sans jamais être pesant, une biographie dessinée, d’une part, racontée surtout par Will lui-même, tout au long de textes qu’il a fournis, tout au long de sa carrière, à différents journalistes.

 

     Mirages©Daniel Maghen

 

 

Ce livre est un vrai hommage au talent de Will, et il l’est sans apprêts inutiles, en utilisant simplement une iconographie variée mais totalement de la plume et des couleurs de Will, et des mots qui, sans se prendre au sérieux, réussissent à raconter un parcours humain et artistique assez exceptionnel.

Comme bien des dessinateurs de sa génération, c’est sous l’œil de Jijé que le jeune Will a fait ses premières armes, c’est avec l’auteur de Jerry Spring, de Spirou, entre autres, qu’il a appris à « regarder » avant de dessiner. Les confidences de Will qui émaillent ce livre nous dressent ainsi le portrait de Jijé, mais aussi celui de Franquin, de Morris, de Delporte, et de bien d’autres ! C’est aussi, au travers des phrases de Will, le portrait de plusieurs époques qui nous est livré dans ce très beau livre.

Très beau, oui, parce qu’il fallait un bel écrin à la belle carrière de Will, incontestablement. Les fac-similés sont superbes, dans cet album, les crayonnés également, le choix du papier, des papiers plutôt, pour que les doigts aient un contact avec la matière qui était celui de Will, celui, en tout cas, des lecteurs des années 50 et 60.

Ce « Mirages » n’est pas une exégèse intellectuelle, loin s’en faut, et fort heureusement ! Pas de grandes théories, mais le témoignage, tout simplement, de l’artiste lui-même.

Construit sous formes de chapitres, « Mirages » nous permet aussi de suivre l’évolution de Will, de ses premiers dessins jusqu’à sa reprise de Tif et Tondu de Dineur, de ses influences assumées à son besoin de trouver sa voie, de raconter des histoires qui, au fil des années, se sont faites de plus en plus personnelles. Parce qu’après Tif et Tondu, il y a eu Isabelle, et le monde enchanté et enchanteur de la magie, mais bien d’autres albums également, plus adultes, dans lesquels il a pu à la fois se révéler comme un des premiers grands pionniers de la bande dessinée à se vouloir aussi adulte dans son propos. Et dans son dessin, tant il est vrai que, même déjà chez Tif et Tondu, les personnages féminins ont toujours occupé une place importante dans sa création, une place qui, dans ses dernières années, est même devenue essentielle et centrale.

 

     Mirages©Daniel Maghen

 

 

Il est, dans l’histoire de la bande dessinée, bien des auteurs qui ne sont pas suffisamment mis en avant, dont la renommée s’estompe à cause de quelques grands noms que l’on cite à tout vent et tout le temps. Le neuvième art, ce n’est pas uniquement, loin de là, Hergé… C’est aussi une foule d’auteurs qui, de par le désir qu’ils ont eu de modifier le carcan des habitudes au travers des scénarios comme du dessin, c’est surtout une foule d’artistes comme Will, qui mériteront toujours d’être redécouverts !

Et ce livre-ci ne peut que trouver sa place dans la bibliothèque de tous ceux qui, à l’instar de Daniel Maghen, aiment la bande dessiné pour ce qu’elle est : un art populaire, certes, un art vivant, aussi !  Un art dont Will fut et reste un des représentants les plus novateurs !

 

Jacques Schraûwen

Will : Mirages (éditeur : Daniel Maghen)

Wayne Shelton : 13. Vendetta

Wayne Shelton : 13. Vendetta

Une série classique qui suit son petit bonhomme de chemin, sans faire d’éclat, peut-être, mais avec une qualité constante. De la bd à l’ancienne, en quelque sorte, et d’une réelle efficacité ! Une chronique où entendre le dessinateur Christian Denayer.

Wayne Shelton, cheveux poivre et sel, regard arrogant, prestance très  » macho « , aime la vie, les jolies femmes, l’argent, et, surtout, l’aventure…

Plus mercenaire que détective privé, il aime se glisser dans des univers glauques où l’âme humaine, bien souvent, se révèle plus sombre que l’enfer.

Dans ce treizième volume, il accepte d’être payé par un des pontes de la mafia pour retrouver sa petite-fille, disparue, à sa naissance, il y a quarante ans. Une enquête qui va le mener de pays en pays, de surprise en surprise, avec un sens de l’éthique qui lui est très personnel !

Christian Denayer: le personnage de Wayne Shelton

 

Christian Denayer n’est pas un nouveau venu dans la sphère du neuvième art. On lui doit bien des séries qui, toutes, eurent un beau succès : Yalek, Les Casseurs, Alain Chevalier, Génération Collège…

Appartenant à la vieille école de la bande dessinée, et le revendiquant à la fois dans son graphisme et dans le choix de ses scénarios, on peut, sans se tromper, dire de lui qu’il est un auteur  » classique « . Mais dans le sens non-péjoratif du terme, tant il est vrai que son dessin, dont la filiation avec Tibet est évidente et, elle aussi, pleinement assumée, tant il est vrai que son graphisme répond à une volonté première : celle de la clarté.

Il faut qu’une planche se lise sans accroc, de façon linéaire, il faut qu’un dessin ne cherche pas à surprendre mais seulement à montrer.

Denayer n’est pas le dessinateur des effets spéciaux, ce qui ne l’empêche nullement de faire preuve de virtuosité, toujours, dans sa manière d’aborder le réalisme d’un mouvement, d’un échange de regards, d’une lutte entre personnages…

Cette volonté de clarté amène également Denayer à accorder une importance capitale aux décors. Et dans cet opus 13, bien des lecteurs belges, par exemple, s’amuseront à retrouver des lieux qu’ils connaissent, comme l’aéroport de Zaventem, ou l’hôpital Saint-Pierre dans les années 60.

Tout cela sert d’abord et avant tout à rendre plausible et presque tangible l’histoire qu’il nous raconte, une histoire due à Jean Van Hamme.

Un scénario qui se construit à force de hasards organisés, un scénario qui, comme presque toujours chez Van Hamme, s’intéresse beaucoup plus au pouvoir et à l’argent qu’à l’humain. Il aime multiplier les personnages, et heureusement que Denayer parvient, par ses constructions, par son dessin, à leur donner un peu d’existence en dehors du manichéisme élémentaire de Van Hamme. Un Van Hamme qui, même quand il s’essaie, comme dans cet album-ci, à un certain romantisme, ne peut jamais le faire que de loin, et en remettant vite le fric à la place du sentiment…

J’ai toujours apprécié le dessin de Christian Denayer. Et vous aurez compris que je suis beaucoup moins fan des scénarios de Van Hamme qui me semblent à chaque fois très vite s’essouffler et se faire répétitifs. Je sais que je vais choquer bien des lecteurs en disant cela, mais j’assume cet avis, tout comme Christian Denayer assume son amitié avec son scénariste.

Et cet avis qui est le mien n’empêche nullement le fait que je prenne plaisir à suivre les aventures de Wayne Shelton, une bonne série d’aventure qui ne cherche pas d’alibi culturel, qui se lit et se dessine sans doute comme se créaient, dans les années  50 et 60, les grands films hollywoodiens qui emmenaient leurs héros aux quatre  coins du monde pour des aventures épiques et animées.

Il faut parfois zapper dans les dialogues, les explications écrites, comme dans les vieux albums bd des années 40 et 50, pour apprécier pleinement le rythme d’une histoire dessinée.

Et le sens du rythme, incontestablement, Christian Denayer l’a !

 

Jacques Schraûwen

Wayne Shelton : 13. Vendetta (dessin : Christian Denayer – scénario : Jean Van Hamme – couleur : Bertrand Denoulet – éditeur : Dargaud)