Je me dois de dire que les prix littéraires, dans leur majorité, ne m’ont jamais vraiment intéressé. Mais il en est, fort heureusement, de temps en temps, rarement, qui méritent qu’on en parle !
Pourquoi cette « aversion » vis-à-vis de ce que d’aucuns appellent des reconnaissances publiques ?
Parce que, d’abord, force est de reconnaître que le public est rarement partie prenante de l’attribution de ces prix. Et, malheureusement, je sais de quoi je parle…
Ensuite, parce ces prix sont d’abord des récompenses d’influences d’éditeurs, d’amitiés, de copineries, de copinages. Le Prix Goncourt ne favorise-t-il pas en priorité une maison d’édition, en effet, à l’opposé même de ce que ce prix devait être originellement : une mise en évidence d’un PREMIER roman… On est loin du compte. Quant aux copinages, aux « factions intellectuelles » à défaut d’être intelligentes, elles sont une réalité avérée depuis bien longtemps dans des festivals comme Angoulème, qui, malgré tout, a à cœur, de temps à autre, de chercher à prouver le contraire et, ce faisant, à étonner tout le monde !
Il y a aussi, à Angoulème comme partout ailleurs, en bd, cette espèce de fuite en avant pour rejoindre une mode qui, comme toute mode, ne peut qu’être stupidement éphémère.
Je me rappelle ainsi d’un livre vendu il y a une trentaine d’années à la Foire du Livre de Bruxelles et qui disait ouvertement que tout écrivain pouvait avoir un prix, et le prouvait en répertoriant les centaines et les centaines de prix littéraires de toutes tailles à travers la France. Et les choses ne se sont pas ralenties, loin s’en faut, avec l’omniprésence d’internet !
Foin de ces considérations générales, si vous le voulez bien, et attardons-nous surs des prix qui, eux, ans aucun doute possible, mettent en avant des ouvrages que tout amateur de dessin (bd entre autres) devrait posséder : les prix « Papiers Nickelés », destinés à couronner, depuis dix ans, le meilleur travail sur le dessin imprimé (BD, illustration, dessin de presse, affiche, graphisme, estampe, imagerie).
ALBERT ROBIDA, DE LA SATIRE A L’ANTICIPATION (éditeur : Les Impressions Nouvelles)
Un livre épais de quelque 360 pages, avec une iconographie extrêmement bien faite, pour nous parler d’un artiste qui a marqué son époque (à cheval sur les 19ème et 20ème siècles), qui a marqué pas mal d’auteurs aussi, de Royère à Léautaud en passant par Guitry.
Albert Robida, illustrateur et caricaturiste de génie, nous raconte au travers de ses centaines d’œuvres un monde qui, grâce à son talent, reprend vie.
Visionnaire, surréaliste avant l’heure, amoureux d’une langue française qu’il a accompagnée de ses dessins et gravures, avec Rabelais, Villon, Balzac, entre autres, on ne peut résumer Robida à cette seule réalité de son œuvre. On peut dire de lui, je pense, qu’au-delà de la seule fiction souriante, c’est un véritable auteur d’anticipation, rompant ainsi avec des graveurs comme l’immense Rops ou l’excellent Daumier, ou encore Beardsley.
Un livre à la fois sérieux et formidablement documenté, donc, qui trouvera sa place dans votre bibliothèque…
GRAND PRIX pour l’ensemble de son travail à Louis CANCE et à sa revue HOP
Quel est l’amateur de bande dessinée qui ne connaît pas cette revue qui existe depuis le milieu des années 70 ?…
Ah, époque bien agréable que ces années qui virent éclore un neuvième art ayant enfin droit de cité, voix au chapitre ! Les fanzines s’y multipliaient, et c’était l’occasion de voir, côte à côte, sur des supports souvent très amateurs, des auteurs reconnus et des jeunes qui changeaient, parfois sans même le savoir, quelques codes de la bande dessinée.
Parmi ces fanzines, Hop… Fanzine d’étude, certes, Mais qui a très rapidement pris place dans les magazines haut de gamme, de par ses contenus à la fois éditoriaux et iconographiques.
Et c’est le travail de son maître d’œuvre qui est enfin, et à juste titre, mis en évidence aujourd’hui !
Et bravo, également, à Yves Frémion et ses collaborateurs pour leur travail exceptionnel depuis de longues années également !
Jacques et Josiane Schraûwen