Olivier Neuray a à son actif quelques belles réussites dans l’univers du neuvième art. Aujourd’hui, le voici, dans une galerie accueillante, s’exposant autrement qu’en BD. Et ses gravures comme ses peintures sur panneau méritent le détour !
De la série « Nuit Blanche » aux « Cinq de Cambridge », son réalisme parfois hiératique s’est fait le compagnon et le révélateur de scénarios puissants, intelligents, éclectiques également. Ses livres, souvent, et j’en veux pour exemple « Les Cosaques d’Hitler » (scénario de Valérie Lemaire), sont des récits graphiques et littéraires qui cherchent toujours à mettre en évidence des personnages, des êtres de chair et de sang, d’émotion et de souffrance, des humains perdus dans le labyrinthe d’événements et de sentiments qui les dépassent et leur permettent de se dépasser…
Mais la bande dessinée, désormais, ne fait plus partie des quotidiens d’Olivier Neuray. Même si elle reste présente dans ses tableaux et gravures, dans la mesure où chacune de ses œuvres exposées raconte silencieusement une histoire, elle n’est plus le seul horizon artistique d’un dessinateur déçu par un monde de l’édition qui tend, de plus en plus, à oublier qu’il n’existerait plus sans les créateurs, les auteurs, quels qu’ils soient.
Je comparais, dans une chronique que j’avais consacrée en son temps aux Cosaques d’Hitler, le style graphique de Neuray a celui de Berthet, dans une sorte de filiation dans le mouvement, la froideur parfois des personnages.
Dans ses tableaux comme dans ses gravures, Olivier Neuray abandonne cette approche qui était sienne, et qui, dans des narrations dessinées, était d’une belle efficacité.
Son approche de la gravure ne cherche pas à éblouir, à innover, mais, tout simplement, à s’inscrire dans une lignée, dans une tradition qui, de Rops à Masereel, fait de cette pratique artistique un voyage non seulement dans les apparences mais aussi, et surtout, dans les émotions.
Chaque gravure de Neuray est un instantané de vie, un moment volé à l’intimité d’une femme. Chaque gravure est un instant, oui, et seul y comptent le sentiment, la sensation, l’émotion… Une émotion tranquille, intemporelle, pudique et, en même temps, sensuelle.
Dans son œuvre post-bd, Olivier Neuray choisit, en effet, la sensualité… Et dans ses tableaux acryliques, qui sont en fait des portraits à peine mis en scène, il en va de même.
Les femmes qu’il nous montre sont des passantes du hasard, sans doute, elles sont nos voisines, nos amies, nos épouses. Elles nous regardent, et nous devenons le miroir de leurs rêveries, de leurs attentes, de leurs sourires à peine esquissés, de leurs yeux aux tranquilles illusions.
Dans ses tableaux, on retrouve, mais avec une stylisation de certains détails de ses modèles, l’approche qui était la sienne dans ses albums bd. Et j’ai aimé, dans cette galerie, voir l’espèce de dialogue que se font ses gravures et ses tableaux, un peu comme si l’artiste, en les mettant face à face, nous montrait son propre trajet humain.
Chaque dessinateur de bande dessinée est un artiste, à part entière. On se souvient de la lutte, à Angoulème, des auteurs pour qu’ils soient reconnus comme tels. Une lutte qui n’a, finalement, pas servi à grand-chose, sinon à mettre en avant des Jul et compagnie soucieux de leur seule petite renommée…
Olivier Neuray est profondément, j’en suis certain, amoureux de la bande dessinée, avide encore de raconter des histoires. Aujourd’hui, c’est d’une autre façon qu’il raconte, qu’il se raconte. Et ces deux réalités de sa vérité, bd et art plus traditionnel, méritent, assurément, d’être découverts.
Jacques Schraûwen
Olivier Neuray s’expose à la galerie « Partage », 258 rue Haute à 1000 Bruxelles, jusqu’au 28 novembre. https://www.facebook.com/partagegalerie/