Auteur de deux albums étonnants, » Le Reste du Monde » et » Le Monde d’Après « , Jean-Christophe Chauzy est un dessinateur de bande dessinée pour qui la couleur et le décor sont des éléments essentiels.
Ces deux albums qui se font suite racontent une fin de monde… Ou plutôt la fin d’un monde… Des personnages y sont perdus dans un univers qui cherche envers et contre à se réinventer, à perdurer… Et la construction graphique que Chauzy imprime à son histoire, à ses récits entremêlés qui mettent en scène autant l’humain que la nature dans tout ce que ces deux réalités du vivre peuvent avoir de démesuré, cette mise en scène narrative est extrêmement rythmée, vive, vivante.
Voir les planches originales de ces deux livres qui nous racontent l’histoire de quelques survies humaines à la frontière de l’animalité, c’est un vrai plaisir, une vraie découverte aussi. Et la Galerie Champaka, spécialisée au Sablon dans le neuvième art, réussit à mettre ces dessins, ces planches, ces couleurs en évidence dans un décor simple et souple tout à la fois.
C’est en s’attardant devant ces originaux qu’on se rend compte à la fois du travail de composition de l’artiste et de la différence entre l’œuvre accrochée et le résultat imprimé. Les albums, bien sûr, ne dénaturent en rien les évidences de couleurs que Chauzy impose à ses planches, des évidences qui expriment, en quelque sorte, la matière du récit. Mais il y a malgré tout une lumière différente dans ces originaux, une lumière tantôt sereine, comme quand Chauzy emmène ses héros dans des horizons où ils ne sont plus que des ponctuations d’un espace trop grand pour eux, une lumière tantôt brutale, quand, pour Jean-Christophe Chauzy, il s’agit de nous parler de combat, de lutte, celle d’une femme prête à tout pour sauver ceux dont elle a la charge.
Au total, une exposition qui met en perspective l’œuvre d’un dessinateur de BD qui ne manque vraiment pas de talents pluriels… Et deux albums que je vous conseille vraiment de découvrir!…
Christophe Chabouté, c’est l’auteur de plusieurs livres qui, déjà, marquent l’histoire du neuvième art. Dans la filiation d’un auteur comme Comès, il parvient toujours à emmener ses lecteurs dans des mondes sombres et lumineux tout à la fois, des univers où seule la poésie règne en maîtresse toute de liberté. Et chacun de ses livres est une prouesse, que ce soit l’adaptation de » Moby Dick » ou l’extraordinaire et silencieux » Un peu de bois et d’acier « , que ce soit la noire biographie de » Henri Désiré Landru » ou la description tout en langueur d’une solitude dans » Tout seul « .
Charlélie Couture, c’est ce chanteur dont le phrasé semble glisser sans arrêt de l’anglais au français, dont les musiques aiment s’imprégner de mille influences différentes, du rock au folklore nord-américain, c’est aussi un écrivain de réflexions poétiques, de nouvelles, de carnets de voyage, c’est enfin un peintre, un photographe, un dessinateur.
Chabouté et Couture, ce sont deux artistes complets qui, dans la galerie qui les accueille, se complètent en dialoguant autour du thème d’une mégalopole rêvée…
Charlélie Couture: le projet…
Christophe Chabouté: le projet de cette exposition
Dans les dessins et tableaux qui, côte à côte ou face à face, construisent cette exposition, c’est bien une ville qui apparaît, tantôt très nette, celle de Chabouté, tantôt nimbée d’un flou qui la rend presque transparente, celle de Couture, une ville rêvée, une ville de métal, de structures et d’air, une cité de silence pratiquement déshumanisée. Les vivants, pourtant, y apparaissent. Mais ils semblent, chez Charlélie Couture comme chez Christophe Chabouté, n’être que de passage. Et ce qui reste présent, c’est la ville, cette entité presque vivante de laquelle jaillit une existence propre, une existence parfois de néant, parfois de tumulte. Une existence toujours paradoxale… parce que, finalement, éternellement poétique et énergique…
J’ai toujours trouvé que les livres de Chabouté possédaient une dimension de plus que les autres albums de bd… Une troisième dimension, oui, celle de la musique, une petite musique de vie, une musique qui aide le regard du lecteur à glisser de case en case, de page en page. Et c’est le cas également dans cette exposition où naît, comme aurait pu le dire Julos Beaucarne, une étrange et souveraine musique du silence. Le visiteur est un baladeur. Un baladeur qui découvre, accrochées aux murs, des ballades dessinées qui sont des portes ouvertes vers des réalités dans cesse à réinventer.
Toute histoire est à raconter. Et celle que nous livrent, que nous offrent Christophe Chabouté et Charlélie Couture est celle d’une cité réelle et improbable qui n’est, tout compte fait, que la matérialisation graphique d’une anarchie structurée.
J’avoue que je connaissais peu Charlélie Couture, sa vie, son œuvre. Je n’en ai eu que plus de plaisir à le rencontrer, au travers de ses tableaux comme de ses mots. Son univers et celui de Christophe Chabouté ne sont, en fait, pas tellement éloignés l’un de l’autre. Ce n’est donc pas à une exposition consacrée au neuvième art que je vous convie, mais à une représentation double de deux rêves citadins qui se mêlent et se répondent dans une ambiance à la fois feutrée et formidablement rythmée…
Jacques Schraûwen
Une exposition de Chabouté et Charlélie Couture jusqu’au 22 janvier à la Galerie Huberty & Breyne – Sablon – Bruxelles