La mort de Gérald Forton : la disparition d’un des « anciens » de la bd !

La mort de Gérald Forton : la disparition d’un des « anciens » de la bd !

La notoriété ne s’intéresse pas, bien souvent, à celles et ceux qui pourtant mériteraient de ne pas être oubliés… Gérald Forton, certes, n’était pas de ces artistes qu’on met en avant sans arrêt. Mais il était un artisan du neuvième art, pleinement, totalement…

La Vallée des Crotales © Dargaud

La bande dessinée, pour Gérald Forton, était une affaire de famille, une réalité pratiquement génétique… Son grand-père n’avait-il pas été, au tout début du vingtième siècle, le créateur des fameux « Pieds Nickelés », trio de truands aux « anarchistes » péripéties…

Gérald Forton, Bruxellois d’origine, est né en 1931. Et il n’avait pas vingt ans lorsque furent publiés ses premiers dessins. Des illustrations, souvent, dans des revues généralistes comme Bonne Soirée. Et puis, dès 1952, des récits complets, dans la fameuse série des « Oncle Paul », pour le magazine Spirou !

A partir de là, il ne va jamais s’arrêter. Son dessin, d’un réalisme classique, va ainsi se révéler d’une belle efficacité narrative dans des séries comme Kim Devil et Tiger Joe. Dans la série des Bob Morane, également, au début des années 60, où son « métier » pallie les quelques faiblesses narratives des scénarios de Vernes.

Bob Morane © Editions Pan Pan

En fait, lorsqu’on regarde sa carrière, riche, passionnante souvent, Forton a multiplié les aventures éditoriales, il s’est réalisé sans appartenir à aucune « école », peaufinant son trait au fil des années mais toujours reconnaissable au premier coup d’œil.

Il a dessiné pour Spirou, pour Tintin, pour Vaillant, Pour Pif Gadget (Teddy Ted), il a collaboré, dans Pilote, avec Sirius, il a aidé Jacobs dans un de ses albums, également…

Teddy Ted © Hibou

Il a, et on le sait moins, été également un acteur actif aux Etats-Unis dans l’univers des comics, comme encreur, mais aussi comme dessinateur !

Il a aussi participé, dans le monde du cinéma ou de la télé, à quelques films, comme auteur de story-boards…

Le Mystère du Dieu Blanc © Dupuis

Discret mais d’une évidente activité pendant des décennies, Gérald Forton vient de mourir… Et, en se baladant dans ce qu’on connaît de lui, on ne peut avoir qu’une seule impression : c’est un vrai grand artisan de la bande dessinée, du dessin de manière plus générale, qui disparaît… Sans avoir vraiment cultivé le sens du secret, il est cependant indéniable que l’étendue de ses talents est encore à découvrir par un large public !

© Forton

Et l’amorce en a été faite au début de ce vingt-et-unième siècle, par les éditions Hibou…

Gérald Forton était-il un des pionniers du neuvième art ?… Il en fut, en tout cas, un acteur, un acteur prolifique même ! Donc important…

Jacques Schraûwen

L’Hommage à Cauvin par le Journal « Spirou »

L’Hommage à Cauvin par le Journal « Spirou »

Quatre couvertures différentes, un article de 16 pages illustré par des dessinateurs et des témoignages écrits. Pas de Pathos, mais des souvenirs et des sourires.

© Dupuis

Plus de quatre semaines après le décès de Cauvin, voici qu’enfin paraît l’hommage que lui devait le journal de Spirou, journal qui lui doit tant depuis tant d’années !

Je sais que des tas de gens trouvent des tas d’excuses (les délais d’impression, entre autres…) à ce que j’appelle, moi, un retard… En d’autres temps, pas tellement lointains pour ceux qui ont encore de la mémoire (et j’en fais partie), on pouvait, à la mort d’un auteur, en une semaine, modifier un numéro du journal, y ajouter quelques pages, un avis, en attendant de pouvoir faire un numéro spécial…

Cauvin, l’homme clé des séries à succès de chez Dupuis, l’aurait bien mérité.

Mais bon, n’ergotons pas…

L’hommage est fait, enfin, et, ma foi, il est réussi…

© Jacques Schraûwen

L’article de Morvan Di Salvia est pudique, sympathique, anecdotique aussi, dans le bon sens du terme. Axé sur la vie de Cauvin, intra-muros de chez Dupuis, l’actuel rédacteur en chef de Spirou retrace la carrière de Cauvin, en portant le focus sur ses rencontres, sur la manière dont ses différentes séries ont vu le jour. Cela aurait pu être une sorte de discours (écrit) officiel, et cela ne l’est pas, fort heureusement ! Au fil des lignes, des pages, c’est bien Raoul Cauvin qui apparaît, avec sa moustache, ses sourires, ses yeux pétillants…

Et puis, il y a les hommages, attendus ou pas, de quelques noms de la bd…

Des hommages écrits. Celui de Dugomier, celui de Nob, celui d’Henriet, celui, plus inattendu et de ce fait émouvant, de Terreur Graphique, celui de Bergèse, celui, aussi, de Zidrou.

Des hommages dessinés, également…

J’ai été ému par la planche de Jacques Louis, par le dessin de Laudec, par celui de Dany nous montrant un Cauvin perdu dans les souvenances de tous les héros qu’il a créés.

J’ai souri devant l’humour tendre de Walthéry, l’humour noir de Hardy (en couverture), l’extraordinaire tendresse de Ernst, aussi…

Sans oublier la superbe planche, en quatrième de couverture, du Lucky Luke de Achdé.

Et puis, j’ai aimé, simplement, le besoin qu’ont eu des dessinateurs comme Aimée de Jongh, Christophe Simon ou Clarke de dessiner pour dire adieu à un artiste, un vrai…

© Jacques Schraûwen

Et enfin, puisqu’il est impossible de citer tout le monde, toutes celles et tous ceux qui savent qu’ils ont perdu, avec Cauvin, un maillon essentiel de ce que fut l’évolution de la bande dessinée depuis quelque cinquante ans, je vais me contenter de citer les tout derniers mots de l’article du rédacteur en chef : « Merci pour tout, Raoul ! »

Jacques Schraûwen

Spirou numéro 4354

Raoul Cauvin : la mort d’un des grands artisans de la bande dessinée populaire !

Raoul Cauvin : la mort d’un des grands artisans de la bande dessinée populaire !

Raoul Cauvin était un homme qui n’avait pas sa langue en poche… Pour l’avoir rencontré quelques fois, pour avoir parlé avec lui de tout et de rien, je peux dire que sa gentillesse était à la hauteur de son humour. Un homme charmant, in homme charmeur qui manque déjà au monde du neuvième art !

Raoul Cauvin

Quand on parle  » bd « , on parle d’un univers qui n’a rien d’un bloc immédiatement définissable, d’une entité unique. Il y a un monde de différence entre Moebius et Franquin. Il y a tout autant de manque de similitudes entre Cauvin et Dufaux. Mais tous, dessinateurs et scénaristes, participent à la même aventure : faire de la bd un territoire où chacun peut trouver ce qu’il y cherche, ses propres plaisirs, ses propres aventures.

© Dupuis

Il est de bon ton, parfois, de nos jours, de dénigrer la bande dessinée populaire. De mettre en évidence ce qui est à la mode, ce qui plaît à une certaine intelligentsia. C’est oublier que sans ce public qui aime et achète des séries à succès et ouvertes à tous les publics, le monde de l’édition n’aurait pas les moyens de publier des nouveaux auteurs. La bande dessinée a certes évolué au fil des années, mais elle est et doit rester aussi un art populaire. Et c’est incontestablement dans cette  » popularité  » que s’inscrit toute l’œuvre de Raoul Cauvin. Scénariste à succès, il est pratiquement impossible de recenser toutes ses collaborations. Sa longue et prolifique carrière se construit dans la lignée de ceux qui, avant lui, firent du scénario de bande dessinée une école de qualité : Goscinny et Greg par exemple. Et tous ces scénaristes ont ce qu’on peut appeler une  » patte « . Un style, reconnaissable. Et donc, essentiel à la grande histoire de la bd. Un style qui en fait, au-delà des qualités de ses scénarios, un des meilleurs  » vendeurs  » d’albums !

© Dupuis

Avant d’en arriver à scénariser des séries qui, pour la plupart, continuent encore à remplir les rayons des librairies, Cauvin a fait bien des boulots. De l’animation, de la photo, par exemple. Des photocopies aussi ! Jusqu’à ce qu’il se décide à prendre le stylo pour oser mettre sur papier les mille images qui, déjà, lui envahissaient l’imagination. Il a rencontré ainsi tous les grands de la bd. Il les a côtoyés. Et, parmi eux, il en est un qui lui reste un  » maître « … Maurice Tillieux fut un dessinateur et un scénariste aux talents démesurés. Il faut aussi pour Cauvin comme un mentor.

© Dupuis

Il est un livre à ne pas rater, une monographie, qui nous permet de découvrir toute la carrière, mais aussi toute l’existence de ce scénariste hors du commun, père tranquille de la bande dessinée en quelque sorte. On y parle de son enfance, des métiers qu’il a usés jusqu’à la corde avant de pouvoir enfin réaliser son rêve, l’écriture de petites histoires à mettre en bd. Et Patrick Gaumer, l’auteur de cette monographie, a eu l’intelligence de faire parler Cauvin, de laisser une grande place dans son livre aux propres mots du scénariste. Il a également construit son livre par chapitres, des chapitres abondamment illustrés, dans lesquels on se jette à la rencontre de tous ceux et de toutes celles (même Claire Bretecher…) qui ont collaboré avec Cauvin. Il y a quelques coups de gueule, il y a des souvenirs, il y a une chronologie claire et bien élaborée, qui semble ne rien laisser dans l’ombre. Et même si Cauvin n’était pas chaud pour une telle entreprise, même s’il ne s’est décidé à y collaborer, de loin, que sur l’instance de son épouse, il revendique totalement la réussite de ce livre, une réussite qu’il n’impute qu’à son auteur.

© Dupuis

Cauvin a eu, tout au long de sa carrière, même s’il est boudé par Angoulème (au même titre que bien d’autres grands de la bande dessinée tous-publics…), pas mal de prix, de médailles. Mais tout cela pour lui appartient au folklore… Ce qui compte, comme il le dit, c’est le public, ce sont les lecteurs. Scénariste d’humour, et d’humour uniquement, exclusivement, Cauvin s’amuse à amuser…

Raoul Cauvin © Jacques Schraûwen

Bien sûr, avec des séries aussi nombreuses que les siennes, avec les gags en une page qu’il n’arrête pas depuis des décennies d’imaginer, de créer, il y a parfois, et c’est normal, des redites. Mais même avec cette espèce d’habitude à l’écriture qui est certainement devenue sienne, les planches qu’il scénarise continuent encore et toujours à avoir du succès. Pourquoi ce succès ? Parce que Cauvin sourit et fait sourire. Parce qu’il s’inspire de la vie telle qu’elle est, avec plus de malheurs que de bonheurs, pour créer, gentiment, des situations qui l’amusent et qui nous amusent. Avec, parfois, comme pour Pierre Tombal ou les Femmes en blanc, un petit détour par un humour quelque peu sombre, mais toujours gentil… C’est cela, sans doute, la première caractéristique de Cauvin : être près des gens dont il parle, et l’être d’abord et avant tout avec gentillesse.

Jacques Schraûwen

Cauvin : la monographie (auteur : Patrick Gaumer – éditeur : Dupuis

Marc Hardy © Jacques Schraûwen