Voyages de Gulliver – un livre illustré par Lorenzo Mattotti

Voyages de Gulliver – un livre illustré par Lorenzo Mattotti

On a tendance, ces temps-ci, oublieux de ce qu’est la culture, au sens large du terme, de ne plus avoir mémoire des grands classiques de la littérature… Heureusement, il y a encore des éditeurs qui remettent en avant des livres, modernes dans leur forme, que tout le monde devrait (re)découvrir !

copyright futuropolis

C’est le cas, sans aucun doute possible, avec ces Voyages de Gulliver, écrits par Jonathan Swift, en 1721 (et publié une première fois en 1726), s’il vous plaît ! L’inconscient collectif actuel n’a retenu de ce roman que les péripéties de surfaces, les aventures échevelées et leurs sourires. C’est oublier que Jonathan Swift était aussi pamphlétaire et que, dans ce livre « d’aventures », il ne se prive pas du tout, loin de là, d’épingler les travers et les horreurs de son époque, politiquement, socialement… Avec, donc, une forme de philosophie humaniste qui manque, me semble-t-il, terriblement de nos jours !

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Oui, Swift était pamphlétaire… Et je ne peux que vous pousser à lire l’extraordinaire ouvrage de « La Pléiade », « Modeste proposition et autres textes »… On s’y plonge dans des virulences d’humour noir absolument remarquables… Absolument ancrées, non dans une époque, mais dans tout ce qu’une société peut engendrer comme attitudes et règles de vie !

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Avec Gulliver, son propos est, certes, plus discret… Mais au travers des différents voyages imaginaires de Lemuel Gulliver, chirurgien de marine, Swift nous parle, frontalement même, de son monde… En quatre chapitres, quatre voyages donc, les thèmes que l’auteur aborde, dénonce même, sont extrêmement variés : à Lilliput, on parle de guerre et de lois imbéciles les provoquant ; à Brobdingnag, Swift se livre à une critique en règle de la société anglaise et de ses règles autoritaristes ; à Laputa, à Balnibarbi, à Glubbdubdrib, à Luggnagg et au Japon, Swift parle de la violence d’état, de caste aussi, du pouvoir insensé de la science devenant dieu omnipotent, de l’âge et du vieillissement, de la mort, de la philosophie ; au pays des Houyhnhnms, enfin, c’est de la place de l’être humain face à l’animal que l’auteur nous parle. Au total, et c’est également là que le propos de Swift se fait universel, et contemporain, c’est de pouvoir et de différences que ce livre frémit de page en page…

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A ce texte dans lequel la satire et l’humour le disputent à l’observation et au récit passionnant, l’éditeur Futuropolis ajoute les illustrations d’un artiste, auteur de bd ET graphiste exceptionnel, Lorenzo Mattotti. En dessins sépia, presque esquissés parfois, en pleines pages aux couleurs d’une vivacité tonitruante, Madttotti ne se contente pas d’illustrer l’œuvre de Swift, mais il l’accompagne, il la poursuit, à sa manière… Ce qui est extraordinaire aussi, dans son dessin, c’est la liberté dont il fait preuve, laissant, en quelque sorte, ses œuvres se placer où elles veulent dans le récit qu’elles complètent. Il fallait un auteur tel que lui pour que la fidélité au texte se magnifie en touches variées, en variations de formes et de coloris, tout compte fait parallèles à l’écrit lui-même…

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Il faut lire, lire encore, lire toujours… Il faut lire, parce que les écrivains, les vrais, comme les vrais auteurs de bd, pas les faiseurs, sont des amis invisibles qui accompagnent nos vies en nous permettant la curiosité, donc l’intelligence. Swift a trouvé, dans cet ouvrage-ci, et après bien d’autres illustrateurs, sans doute un de ses meilleurs partenaires !

Jacques et Josiane Schraûwen

Voyages de Gulliver (auteur : Jonathan Swift – illustrateur : Lorenzo Mattotti – éditeur : Futuropolis – novembre 2025 – 356 pages)

Absurdo – Quelques textes, beaucoup de créations graphiques, pour définir l’indéfinissable !

Absurdo – Quelques textes, beaucoup de créations graphiques, pour définir l’indéfinissable !

Voici un livre qui n’appartient pas au monde la bande dessinée, mais qui mérite, assurément, par sa riche iconographie, de plaire aux amateurs d’art, du neuvième entre autres.

copyright miss endorphine

Un livre qui, sans hésiter, dès son titre, nous dit qu’il va tenter de définir une sensation, un sentiment, une impression qui mélange philosophie et folie, inventivité et sérieux affirmé : l’Absurde.

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Oui, l’Absurde, cette espèce d’entité de la pensée qui poussa Albert Camus à en faire une sorte de cheval de bataille littéraire. Pour cet écrivain qui eut l’heur d’affronter la pape Sartre, l’être humain ne peut qu’être absurde, puisque depuis toujours il semble n’avoir qu’un seul et unique but : donner un sens à sa présence aux feux de la vie… De l’Existence…

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Or, pour Camus, toujours, la vie est un résumé, à elle seule, de ce qu’est l’absurdité : une sorte de chemin sans cesse changeant, sans d’autre but que son ultime absence… Exister dans cet univers en deviendrait impossible, si l’humain ne possédait une sorte d’antidote : la lucidité !

copyright miss endorphine

Et c’est cette lucidité-là que Patrice Verry, le concepteur et auteur de ce livre étonnant, tente de nous restituer, de nous partager, au long de pages qui mêlent les mots et les dessins, les traits et les couleurs, les phrases intellectuelles et les éclats presque poétiques.

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C’est au travers de petites nouvelles et d’illustrations extrêmement nombreuses et extrêmement variées que Patrice Verry dresse, à sa manière, deux portraits. D’abord son propre autoportrait éclaté, le paysage intérieur de ses folies prêtes, toujours, à s’exprimer librement à tous vents.

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Le portrait, ensuite, toujours aussi éclaté, de ce que ressentent ses complices à l’écoute de ce mot : Absurde… Et le résultat est étonnant, sans aucun doute possible… Même si on peut regretter le style de Verry, trop gratuitement intellectuel (mais cela n’appartient-il pas, également, à son plaisir de l’absurdité du quotidien, de ses experts, de ses savants, de ses philosophes sachant tout sur tout), on ne peut qu’être séduit par le panorama d’interprétations de ce vocable que nous offre ce livre.

copyright miss endorphine

On voyage donc, dans les pages de ce « Absurdo », de Dada à Camus, du surréalisme à Cobra, de Scutenaire à Sternberg… De l’illustration à la bande dessine, du fantastique à la fantaisie, du non-sens à l’habitude…

Impossible de vous citer tous les noms présents dans ce livre qu’on peut (qu’on doit…) feuilleter au hasard. Il y a l’immense Walter Minus, mais aussi Anthony Bernis, Anne Van der Linden, Paskal Millet… Et bien d’autres, dans tous les genres !

Un livre à mériter, sans aucun doute, déjà pour pouvoir vous l’acheter… Mais Internet est là pour vous y aider !

Un magnifique livre d’art a offrir pour Noël en le commandant ici : leslivresforever@gmail.com

Jacques et Josiane Schraûwen

Absurdo  (projet pensé, écrit et conçu par Patrice Verry – éditeur : Miss Endorphine – 218 pages)

Les Fables de La Fontaine – illustrées par Quentin Blake, lues par Denis Podalydès

Les Fables de La Fontaine – illustrées par Quentin Blake, lues par Denis Podalydès

Il fut un temps pendant lequel l’enseignement primaire faisait grand cas des Fables écrites par La Fontaine. Elles étaient un outil pédagogique exceptionnel, pour la mémoire, l’analyse, la diction, la rédaction même ! Retrouvez-les, illustrées avec bien plus que de la simple malice !

Les Fables de La Fontaine © Les Arènes

Quelle définition peut-on donner au mot « culture » ?… Quel sens accorder à l’expression « patrimoine culturel » ?

Bien des penseurs, depuis toujours sans doute, se sont penchés sur ce questionnement. Toute culture, finalement, est la résultante ente le quotidien, et donc l’évolution d’une société, et ce que le passé, donc la civilisation, a créé comme réalisations. Le patrimoine, dès lors, ne peut se résumer à partir d’une seule réalité physique. A côté de l’architecture, les cathédrales par exemple, ou les temples grecs et romains, il y a les œuvres d’art, tangibles, il y a les traditions qu’on appelle folkloriques, il y a la chanson, il y a la littérature, la poésie, autant de formes qui sont les miroirs d’une époque, certes, mais également des jalons dans l’évolution d’une société qui est la nôtre.

Les Fables de La Fontaine © Les Arènes

La Fontaine fait, sans aucun doute possible, partie de ce patrimoine résolument intemporel parce qu’universel. Ses fables, certes inspirées par Esope, continuent toujours à exprimer des gestes, des attitudes, des réactions, des sentiments qui restent ceux de notre aujourd’hui.

Bien entendu, il y a les grands classiques, « Le Corbeau et le Renard », « Le Lièvre et la Tortue »… Mais il y a toutes les autres fables, moins connues, voire totalement oubliées, et qui, assurément, méritent le détour.

C’est ce que j’apprécie dans ce livre qui nous offre, à sa manière, un vrai panorama de l’œuvre d’un fabuliste. On y trouve les textes aux morales (dans le sens philosophique du terme) évidentes, tous publics, bien évidemment. Mais on y découvre également quelques poèmes infiniment plus légers, courtois pratiquement, libertins en tout cas, comme « La Jeune Veuve », ou « Le Mari, la Femme et le Voleur » ou encore le très étonnant et très passionnel « La Chatte Métamorphosée en Femme »…

Les Fables de La Fontaine © Les Arènes

Ce livre est somptueux, amusant, endiablé, par les textes, mais aussi par le dessin de Quentin Blake, un des plus grands illustrateurs contemporains, un de ces artistes capables, en quelques traits, de donner vie à un dessin et, ce faisant, de dépasser le texte illustré.

Le seul bémol que je fais concerne le cd et le côté très monocorde, sans véritable interprétation, de Denis Podalydès. Ce n’est pas l’acteur que je juge, là, mais je trouve faible la façon dont il semble lire les fables de La Fontaine sans vraiment vouloir y plonger. Il faut dire que j’ai écouté bien des fois Luchini dans le même exercice… La Fontaine a besoin de cabotinage pour être amusant à l’écoute aussi, et Denis Podalydès a choisi, lui, la voie du dépouillement. Il « dit » bien, mais sans âme, à mon humble avis !

Les Fables de La Fontaine © Les Arènes

Cela dit, ne boudez surtout pas votre plaisir ! Ce livre est un vrai plaisir, pour les yeux comme pour l’intelligence… Une édition presque à l’ancienne, avec un papier qui aime le contact des doigts… Et le cd, tout compte fait, peut s’écouter, à petits doses, peut se faire écouter (dans les textes moralistes tous publics…) par vos enfants, vos petits enfant…

Un cadeau idéal donc pour les fêtes de fin d’année…

Jacques Schraûwen

Les Fables de La Fontaine – illustrées par Quentin Blake (éditeur : Les Arènes – septembre 2020 – 117 pages et un cd de Denis Podalydès)