Christian Godard a rejoint Jérôme, très loin, très loin d’ici…

Christian Godard a rejoint Jérôme, très loin, très loin d’ici…

Je suis amoureux de la bd, depuis toujours me semble-t-il, et quelques séries de mon enfance et de ma jeunesse m’ont marqué à tout jamais. Martin Milan en fait intimement partie…

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Certains sont des enfants de la télé, moi je suis enfant des livres… Un peu de Bob Morane, beaucoup de la collection Signe de Piste, de Pierre Pelot. Et puis, depuis mes premières années, enfant de la bande dessinée!

A 19 ans, devenu Akéla à la 31ème A, il m’est venu une étrange idée : organiser des camps, totalement, de jeu en jeu, de veillée en veillée, autour d’une bd… C’est ainsi que, novateur je pense, deux camps se sont suivis qui m’ont laissé des souvenirs profonds, et qui, je l’espère, ont fait de même avec les mômes dont je m’occupais (avec un staff d’amis, bien sûr…). Un camp tout autour de Chevalier Ardent, de François Craenhals, et un autre autour du personnage de Martin Milan.

A l’époque, pas de sms, pas d’internet, mais le téléphone, le courrier, le vrai… C’est de cette manière que j’avais contacté Godard, lui demandant si, par hasard, il aurait des posters, que sais-je encore, pour accompagner ces dix jours de camp.

Et j’ai reçu bien des choses, des « bleus », des affiches, des petits posters, que sais-je encore… Et une bd dédicacée pour chaque louveteau !

Je vous parle d’un temps sans polémique, un temps éclairé par la simple gentillesse d’auteurs qui, peu à peu, marquaient de leur empreinte la grande Histoire du neuvième art.

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Parce que Christian Godard, c’est bien cela : un artiste qui a changé les horizons de la bande dessinée avec des personnages dont on peut dire, sans se tromper, qu’ils furent et restent de superbes anti-héros : Martin Milan, Norbert et Kari… Des anti-héros, oui, qui regardaient le monde qui les entoure avec désillusion, avec humour, avec tendresse, avec colère… Et avec une infinie poésie !

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Quand je dis que Godard a participé pleinement à l’évolution de la bd, c’est une vérité évidente quand on regarde, même de loin, tout ce qu’il y a réalisé, créé…

Ses débuts datent de l’année 1954… Année de ma naissance, hasard du temps qui fuit…

Ses débuts l’ont vu se balader dans pratiquement tous les périodiques pour jeunesse qui existaient, et ils étaient nombreux… « Fillette », Francs-jeux », « Lisette », « Coq Hardi », que sais-je encore, ont ainsi accueilli ses premières bandes dessinées, dans lesquelles l’humour était totalement présent. L’humour et l’aventure, déjà un peu décalée…

Il a par exemple pris la suite de Will pour une série qui paraissait dans Paris Flirt, « Lili Mannequin ». Et qui était, excusez du peu, scénarisée par Goscinny.

Goscinny, ainsi, qui fut le premier, sans doute, à permettre à Godard de quitter quelque peu le carcan bien-pensant des petits mickeys… Il y eut d’autres compagnons de route, Charlier entre autres, et, graphiquement, une influence qui a vite évolué, celle de Greg, d’Uderzo…

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Et puis, il y a eu Vaillant, Pilote, Tintin, Spirou, en une époque où Godard s’est lancé dans une carrière multiforme : dessinateur, scénariste, auteur de théâtre, et même d’une petite comédie musicale, complice aussi de quelques auteurs bienheureux de profiter de ses talents, de son imagination, de la force tranquille et toujours quelque peu provocatrice, de ses histoires. Il y a même eu un roman policier passionnant… Un seul, malheureusement…

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Je ne vais pas essayer de vous faire ici la liste exhaustive des albums dans lesquelles son nom est mis en évidence… Ce serait impossible, tant Godard s’est amusé à toucher à tous les styles, avec, presque à chaque fois, une vraie réussite… En voici quelques exemples…

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Norbert et Kari dès 1963… Martin Milan, dès 1967…

Et comme scénariste : « La jungle en folie », dès 1973, avec Mic Delinx au dessin, « Le vagabond des limbes », à partir de 1975, une série avec Ribera comme dessinateur, une série qui, je l’ai toujours pensé, faisait face à Valérian, et remportait la confrontation haut la main ! Cette série SF était, elle, originale, endiablée, brisant les stéréotypes du genre, plus influencée par les thématiques de Bradbury que par celles des codes américanisés de ce style littéraire…  

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Godard était touche-à-tout, oui, puisqu’on l’a vu, toujours comme scénariste, nous raconter les histoires de « Toupet », de « Modeste et Pompon », de « Indésirable Désiré »… Ou, dans un univers bien plus sombre, travailler avec Clavé sur « La bande à Bonnot » entre autres…

copyright clavé godard

Christian Godard, malgré cette carrière exceptionnelle, tant par son ampleur que par sa qualité jamais trahie, a eu, certes, quelques prix… Mais ne se trouve pas, dans les œuvres « sérieuses » qui parlent de bd, à sa place : celle d’un créateur qui a aimé le neuvième art, qui en a fait, en étant volontairement populaire, un regard aiguisé posé sur la société qui est la nôtre…

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Merci, monsieur Godard, de m’avoir permis de grandir avec vous, de croiser vos pas…

Et que vous saluent, de l’autre côté de mes lectures, tous ces personnages que vous avez créés et qui, chacun à sa manière, vous ressemblent un peu !…

Jacques et Josiane Schraûwen

Et vous pouvez écouter Christian Godard dans cette ancienne chronique…

Au Cœur Du 7 Octobre

Au Cœur Du 7 Octobre

Les affres du terrorisme, de tous les terrorismes, même ceux qui se révèlent institutionnalisés, deviennent de plus en plus lourds, pesants… Horribles comme le fut ce 7 octobre de l’année dernière…

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Voici donc un livre qui s’inscrit dans l’actualité brûlante. Un livre de témoignages recueillis et dessinés après l’horreur du 7 octobre 2023, en Israël… Douze auteurs, dessinateurs ou scénaristes israéliens, nous offrent des portraits, en quelque sorte, de gens ordinaires, assassinés ou encore vivants, et qui ont traversé cette tuerie innommable.

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C’est un livre d’hommage à ceux et à celles qui aiment et qui ont aimé la vie, comme le dit la dédicace écrite en son début. C’est un livre dans lequel l’émotion, les chagrins, les mille et un sentiments de l’existence, sont sans cesse présents.

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C’est un livre qui nous parle d’un grand-père sauvant sa famille, d’un jeune homme renvoyant des grenades à mains nues, de Yossef, un chauffeur bédouin qui a sauvé une trentaine de personnes…

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C’est un livre à taille humaine, et je dirais que toutes les tendances du graphisme actuel y sont représentées, mais que tout cela parvient à une unité évidente grâce à la sorte de pudeur qui anime tous les auteurs.

copyright delcourt

De Michka, dessinateur de bd et de presse, au caricaturiste Ouri Fink, ou à Shai Charka, s’inspirant souvent de textes judaïques, tous, chacun à sa manière, se sont effacés devant la réalité et ne cherchent, dans ce livre, qu’à nous parler de gens, et, ce faisant, d’un quotidien qui, dans ce coin du monde, peut sans cesse basculer entre l’espoir et la désespérance…

Jacques et Josiane Schraûwen

Au cœur du 7 octobre – auteurs divers – éditeur : Delcourt – Septembre 2024 – 145 pages

Ecoute s’il pleut – une amitié au-delà du temps et de ses secrets

Ecoute s’il pleut – une amitié au-delà du temps et de ses secrets

Un titre étrange pour un livre superbe dû aux talents conjugués et incontestables de deux auteurs au sommet de leurs arts !

copyright daniel maghen

Rodolphe au scénario et Patrick Prugne au dessin nous offrent, en effet, un des livres les plus intéressants, les plus intelligents aussi, de cette année 2024. D’un côté, un scénariste aimant ce qui sort de l’habitude, aimant mêler à des trames narratives très réalistes des envolées vers l’étrange.

copyright daniel maghen

De l’autre côté un dessinateur somptueux, un maître de la lumière, de la couleur et de la nature, dont l’œuvre, depuis des années, s’intéresse aux Indiens d’Amérique du nord, loin des clichés de Hollywood ou de Disney. Deux vrais auteurs, dont la rencontre ne pouvait que déboucher, n’ayons pas peur des mots, sur un livre important !

Rodolphe : l’origine de ce livre

Ils se plongent, et nous emmènent à leur suite, dans la Normandie des années 60, une région, presque un pays, de bocages, de forêts, de campagne, baigné dans une lumière sans cesse changeante. Daniel, adolescent, y passe ses vacances chez sa grand-mère. Près de la maison de celle-ci, il y a trois moulins à eau, et le dernier d’entre eux s’appelle « Ecoute s’il pleut ». Un nom qui ne peut qu’attirer l’ado Daniel… Tout comme l’attire un garçon de son âge qu’il rencontre en allant découvrir ce moulin au nom poétique et descriptif en même temps. Paul… Et sa mère… Et puis, un jour, Paul et sa mère disparaissent…

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Le texte de Rodolphe, son sens du détail, magnifié par le graphisme et la couleur de Prugne, tout cela ne naît pas uniquement d’une imagination fertile… Dans la construction de ce récit, sans aucun doute possible, il y a un lien avec une souvenance presque mélancolique…

Rodolphe : les souvenirs

Des souvenirs qui, sous la plume de Rodolphe, ne restent pas longtemps exclusivement « quotidiens »… Parce que cette disparition va conduire Daniel à découvrir que ce moulin, qu’il a pourtant vu en activité, est abandonné depuis longtemps… Et que donc Paul et sa mère n’existent pas. Ou plus… Dès lors, avec cette irruption d’une forme de fantastique, on s’enfouit dans plusieurs niveaux de lecture, et on se laisse entraîner dans une aventure aux frontières du réel, entre Simenon et Béalu en quelque sorte…

Rodolphe : les niveaux de lecture

Je ne vais évidemment pas vous raconter cette enquête qui, très vite, ressemble à une quête très personnelle, voire même à plusieurs quêtes parallèles, tant les destins humains, dans les profondeurs de la campagne normande, se mêlent, s’entremêlent, faits de silences oubliés, de secrets à ne pas révéler…

copyright daniel maghen

Et, comme souvent avec Rodolphe, c’est sur une sorte d’interrogation que se termine ce livre… Une façon, pour le scénariste, de demander aux lecteurs de poursuivre eux-mêmes l’histoire racontée…

Rodolphe : le mot fin ?

Une bd réussie, c’est une bd qui parvient à unir deux mondes très différents l’un de l’autre, celui des mots et celui du dessin. Un album de bd qui se révèle être une totale réussite, c’est un album dans lequel ces deux univers se correspondent, se mélangent jusqu’à ne plus faire qu’un… Et c’est bien le cas, ici, avec ce livre qui se lit, se feuillette, se regarde, se relit, avec le rythme des phrases qui accompagne celui du dessin et de ses couleurs exceptionnelles, en un mariage littéraire et graphique envoûtant…

Rodolphe : Patrick Prugne

Parmi les milliers de bandes dessinées qui, chaque année, encombrent les tables de libraires, celles de qualité ne font pas, et vous le savez comme moi, la majorité ! Je m’efforce, ici, dans mes chroniques, de mettre en évidence, toujours, des albums que j’ai lus, bien sûr, que j’ai aimé lire… Et celui-ci en fait partie !

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Un livre, donc, à ne pas rater, un livre dont la place est déjà prête, j’en suis sûr, dans vos bibliothèques !

Jacques et Josiane Schraûwen

Ecoute s’il pleut (dessin : Patrick Prugne – scénario : Rodolphe – éditeur : Daniel Maghen – août 2024 – 70 pages)