La bande dessinée est bien plus affaire d’auteurs que d’éditeurs… Elle devrait l’être, en tout cas. Avec Michetz, c’est un véritable style graphique qui disparaît et rejoint l’ailleurs…
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Il avait 73 ans. Il avait passé 18 années dans ce qu’on appelait à l’époque le Congo Belge, dans la province du Katanga, y trouvant cette lumière qu’ensuite il a apprivoisée dans ses œuvres.
Des œuvres qui ne sont pas très nombreuses, il faut le reconnaître… Toutes, ou presque, habitées par sa passion pour le Japon médiéval, sa culture, ses codes extrêmement particuliers. Kogaratsu, ainsi, riche de 14 volumes, est une œuvre dessinée qui enfouit son auteur comme ses lecteurs dans ce pays de guerriers et de lettrés.
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Il est également auteur de quelques autres albums, avec l’ami Yann par exemple. Il est surtout aussi présent dans le monde des porte-folio et des illustrations, son sens du réalisme allié à un trait d’une extraordinaire souplesse et lumière y faisant merveille.
Un auteur complet, sans aucun doute, que le monde de l’édition ne concernait pas vraiment, ce qui en faisait, comme je le dis plus haut, un artiste atypique. Mais formidablement doué !
La bande dessinée a comme qualité première de pouvoir librement (pour le moment, de moins en moins…) aborder mille et un sujets… C’est ce qui m’a attiré dans ce livre-ci, à découvrir, vraiment…
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C’est un livre lourd de quelque 350 pages, une forme d’autobiographie de son autrice, JJ Lee… Une autobiographie sans fioritures, qui ne cache pas la réalité d’une existence qui, pour jeune qu’elle soit, s’est enfouie dans les méandres de la douleur de vivre.
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L’héroïne de cet album est une jeune Coréenne du sud immigrée aux Etats-Unis avec ses parents. Une enfant encore qui ne parvient pas à se trouver sa place dans un monde qui n’est pas le sien, avec une langue qu’elle ne réussit pas à assimiler. Une jeune fille qui grandit, se choisit un prénom à l’américaine, mais continue à se sentir perdue, à se savoir emplie d’une absence qu’elle ne peut nommer. A n’avoir, finalement, qu’une identité égarée dans les limbes d’une existence de plus en plus lourde.
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Elle se sent, totalement, différente, tant vis-à-vis des Américains que des Coréens… Elle veut être normale, simplement, mais pour elle, cela signifie se battre avec elle-même, avec une mère créatrice de conflits, aussi… Avec qui elle est, surtout, avec qui elle a été, avec qui elle veut être… Cela la conduit à se coincer dans un néant auquel elle veut résister. Mais le combat contre soi-même n’a rien, jamais, de facile, et se révèle souvent destructeur… Cela la conduit à des troubles mentaux, mais physiques également, jusqu’à une tentative de suicide…
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Le dessin, en tonalités de gris, d’une réelle beauté formelle, crée de bout en bout une ambiance qui nous plonge, lecteurs, dans l’univers de cette jeune femme, tout en adoucissant, par la force de l’image, la tristesse fondamentale du récit. Ce n’est pas un livre « délassant », vous l’aurez compris ! Mais c’est un livre important, traité avec à la fois de la pudeur et une franchise immense… Un livre qui nous parle d’identité, et de nécessité à ne renier ni son passé ni son présent… Un livre qui nous révèle une face ignorée de l’immigration, aussi, et cette difficulté à réussir à se définir au-delà des exils, quels qu’ils soient ! Ne sommes-nous pas tous, finalement, des êtres exilés de nos enfances perdues ?
Jacques et Josiane Schraûwen
In Limbo (autrice : Deb JJ Lee – éditeur : Akileos – 352 pages)
Dans tous les pays du monde se trouve un point névralgique, un endroit d’où partent tous les chemins du pouvoir. La Maison Blanche, à ce titre, est sans doute le plus suivi de ces lieux d’où se dirige le monde.
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Et en chacun de ces endroits, un espace est réservé à la presse, à des journalistes accrédités pour y suivre du plus près les remous du pouvoir, ses décisions, ses engagements. Des sortes de bunker, peut-on dire, dans lesquels le monde des médias est au contact des décisions qui se prennent, comme on dit, « en haut lieu »…
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Et, avec « Maison Blanche », c’est dans ce monde réel-là qu’on se plonge… Celui d’une salle de presse installée dans la Maison Blanche, et dans laquelle un petit groupe de journalistes suit la vie du président des Etats-Unis, jusque dans le moindre de ses déplacements. Et ce sont ces journalistes qu’on découvre sous les « règnes » de Obama, Trump et Biden. Jérôme Cartillier fut correspondant de l’AFP à la Maison Blanche, et c’est lui qui est le maître d’œuvre, avec le scénariste Karim Lebhour, de ce documentaire graphique.
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Cartillier a donc « côtoyé » professionnellement trois présidents différents. Et ce livre se fait recueil d’anecdotes au sujet de ces trois « maîtres » des USA au quotidien de leur fonction. Dans cette salle de presse, tout se voit, tout se dit « transparent », mais tout ne se dit pas ! Et le côté anecdotique pris comme base de travail de ce livre permet, justement, de s’intéresser de près aux personnalités de ces présidents différents. En débordant un peu aussi, toujours comme un documentaire, avec l’Histoire… Celle de ce bureau ovale dont le monde entier parle, celle de Air Force One, etc.
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La dessinatrice Aude Massot illustre avec vivacité, sans apprêts, le scénario réaliste des deux scénaristes-journalistes. Le tout pour un propos qui, vous l’aurez compris, n’a rien de fictionnel ! Mais, traité avec humour dans le propos comme dans le dessin, le quotidien des grands de la terre n’est pas toujours très reluisant, et se révèle parfois très surprenant.
Un album instructif, donc, sans être didactique, graphiquement sans ambition mais avec efficacité, et qui, finalement, ne donne pas une image très rassurante de ce que d’aucuns osent encore appeler la plus grande démocratie du monde !
Jacques et Josiane Schraûwen
Maison Blanche (dessin : Aude Massot – scénario : Jérôme Cartillier et Karim Lebhour – éditeur : Delcourt – septembre 2024 – 128 pages)