L’éditeur Dupuis a eu, il y a quelques années déjà, l’excellente idée de raconter à un public adolescent, au travers de petits albums dessinés, la grande Histoire… Et ce livre-ci, croyez-moi, mérite le détour ! (chronique passée sur l’antenne de La Première/RTBF le samedi 26 octobre 2024)
COPYRIGHT DUPUIS
Dans chaque album de cette série, Ariane, la grande sœur, raconte à Nino, son petit frère, une réalité historique faisant partie de notre culture… Voire de notre présent… Sans grandes phrases, sans lourdeur, avec un dessin d’approche immédiate, simple sans jamais être simpliste, ces livres sont d’accès aisé… Le public visé est celui des jeunes adolescents, mais il est évident que leurs parents sont aussi parties prenantes dans le succès de cette sorte d’encyclopédie dessinée !
copyright dupuis
Et donc, ici, Ariane raconte toute l’histoire qui a amené à cette situation de guerre qui fait la une de tous les journaux de nos jours. On revient sur le passé de ce confit, en remontant jusqu’à l’antiquité, en parlant de l’Histoire des Juifs comme des Palestiniens, des Occidentaux aussi, des croisades et de l’Onu, de Rabin et Arafat, du terrorisme. Et cette histoire, touffue, devient compréhensible par la magie de cette bd… Une bd qui ne prend, bien évidemment, aucune position politicienne, une bd qui se refuse à tout manichéisme, à toute idéologie aussi… Une vraie bd historique dans laquelle chacune et chacun peut apprendre énormément de choses…
copyright dupuis
Une bd tous publics, donc, qui a l’intelligence et le talent de remettre en perspective, réellement, un conflit long, religieux, politique, historique… Une perspective, reconnaissons-le, qui manque parfois cruellement à certains médias ancrés exclusivement dans un présent fait d’horreur de de désespérance… Un conflit dont Ariane et Nino espèrent une fin. Mais quand ?…
Jacques et Josiane Schraûwen
« Le conflit israélo-palestinien », de Fabrice Erre au texte et Sylvain Savoia au dessin, paru chez Dupuis. Octobre 2024 – 44 pages
Une bd qui parle d’amour, de quotidien, avec sourire, avec une forme d’émotion tranquille…
copyright casterman
Le titre de ce petit album m’a remis en mémoire un recueil de poésie de l’entre-deux guerres, véritable best-seller à l’époque, et signé Paul Géraldy…
toi et moi-geraldy
Un livre fleur bleue, comme on disait, un livre romantique… Un livre que tous les amoureux de l’époque connaissaient, lisaient, se lisaient l’un à l’autre, tout en regardant, sans doute, les dessins de Peynet.
copyright peynet
Eh bien, cette bd signée Pacco est de ce style qu’on pourrait croire désuet mais qui se révèle réjouissant ! L’histoire que cet album nous raconte est simple : c’est une histoire d’amour vécu au quotidien, au travers de saynètes souriantes, sereines, positives toujours ! Un amour fait de différences et de points communs…
Pacco
Certes, tous les amours ne se ressemblent pas. Mais je pense qu’ils peuvent tous être parfois des chemins qui ont le bonheur de faire croire au bonheur !
copyright casterman
Et, avec ce livre, nous sommes spectateurs de l’amour de Pacco et de sa compagne… S’aimer, quoi qu’en ait dit Saint Exupéry, pour Pacco et la femme qu’il aime, c’est justement prendre le temps de se regarder l’un l’autre… De s’écouter l’un l’autre…
Pacco
La mode, de nos jours, en opposition sans doute à des quotidiens de plus en plus pesants, de plus en plus porteurs d’avenirs aux torpeurs morbides, la mode, oui, est aux livres « positifs », aux livres qui font du bien, aux livres qui s’intéressent plus à l‘intimité qu’à la société. Des livres, peut-être, qui font plus rêver que réfléchir…
copyright casterman
Est-ce que cet album-ci est un peu « guimauve », trop « feel good » ?… Non… C’est un livre qui dépasse cette seule mode, c’est un livre d’émotion et de poésie tranquilles… C’est un livre adorable qui parle d’amour. D’ailleurs, peut-on aujourd’hui être trop feel good ?
Pacco
Et qu’on ne s’y trompe pas ! Parler d’amour, le dessiner au jour le jour, ce n’est pas faire acte de fuite face au réel… C’est bien plus dépasser l’anecdote, aller au-delà de tout jugement, pour remettre à sa place, peut-être, sous une forme naïve, la seule émotion qui peut nous faire, toutes et tous, sentir humains, tout simplement…
Pacco
De la bande dessinée simple, de la bande dessinée « instagram », de la bande dessinée qui fait sourire, réfléchir, rêver aussi sans doute… De la bd dont on aimerait, parfois, qu’elle soit le miroir de ce qu’on vit soi-même…
Jacques et Josiane Schraûwen
Toi et Moi (auteur : Pacco – éditeur : Casterman – septembre 2024 – 126 pages)
Non, la bande dessinée ne vit pas que dans les salons de Paris, d’Angoulème ou de Bruxelles! Et c’est à Ath, tout simplement, que j’ai le plaisir de croiser la route, et les dessins, d’Hermann…
copyright schraûwen
Hermann appartient totalement, et le nier serait mensonger, à l’histoire du neuvième art. Son évolution graphique, son évolution au niveau de l’écriture, son caractère bien trempé, son mépris pour les modes imbéciles font de son œuvre, tout simplement, un chemin de liberté que très peu d’autres auteurs ont réussi à tracer !
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Les « pisse-vinaigre », les bien-pensants « pisse-copies » ont pris l’habitude, depuis quelque temps, de dénigrer Hermann… Plus que de la jalousie, il s’agit de la preuve évidente que la triste connerie humaine devient de plus en plus une réalité…
On peut ne pas aimer tel ou tel album… On peut trouver, pourquoi pas, que le trait a changé, que la construction devient chaotique. Mais ces « posts », ces articles aussi qui se permettent de ne dire que du mal me font penser vraiment à une sorte de guerre ouverte de la part d’imbéciles parvenus vis-à-vis d’un talent qu’ils n’auront jamais !
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Voilà qui est dit, n’en déplaise aux décérébrés qui se pensent experts et qui ne sont même pas amateurs !
Et donc, je peux reconnaître que ce 41ème opus de la saga « Jeremiah » est déconcertant à bien des niveaux… Mais le plaisir d’être déconcerté et de découvrir un album de ce que je pourrais appeler de la « bd-rythme », permet de dépasser cette première sensation. Hermann est un artiste qui a toujours évité, le plus possible, les habitudes et leurs routines, leurs tics. Et, oui, j’ai été déconcerté par ce « Casino céleste », et j’ai surtout été séduit…
Du côté du scénario, on retrouve Jeremiah et Kurdy, engagés pour une mission dont ils ne semblent pas plus que les lecteurs connaître le sens, perdus dans un lieu de violence, de haine, de pouvoirs, et aussi de révolte contre deux frères psychopathes…
Ce qui me frappe, en fait, dans ce scénario, c’est qu’il semble suivre le rythme du dessin et de la couleur, s’écrire, en quelque sorte, automatiquement, emporté non par l’imagination de son auteur, mais par celle du dessin, de la lumière, de la couleur.
copyright dupuis
« Jeremiah » est une série étrange… On encense, et on a mille fois raison de le faire, l’époustouflant « La Route » de Larcenet… Un album « postapocalyptique » comme l’est toute la saga de « Jeremiah », une série qui se révèle être une véritable fresque « du hasard ». Et d’un côté comme de l’autre, au travers de cette route et de ce casino céleste, ce sont d’identiques points de fuite qui se dessinent… La nécessité d’une révolte, la lutte constante contre l’horreur, la petitesse de tant et tant d’humains… Larcenet déploie un génie graphique sublime pour pénétrer dans cet univers glauque, Hermann se laisse porter par des ambiances crépusculaires, par des couleurs omniprésentes et estompant le réel pour mieux en dessiner les turpitudes et les violences… Il y a chez lui une certaine forme littéraire, visuelle, proche parfois des illuminations d’un Tarentino… Ou du sens des regards que Leone avait…
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Hermann s’amuse à touiller dans toutes les nostalgies qu’il croise… Il aime aussi, de ci de là, agrémenter son livre de quelques références, parfois humoristiques… Par une forme d’amitié entre « confrères », puisqu’on retrouve, dans un personnage terriblement ambigu, l’ami Walthéry. Il a besoin aussi, et Larcenet ne fait pas autre chose d’ailleurs, de garder une forme d’espérance… L’ultime planche de ce « Casino céleste » n’est-elle pas, à ce titre, l’espoir infini que l’Amour puisse rester, finalement, la seule valeur véritablement humaine…
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J’ai eu le plaisir de rencontrer Hermann, au sujet de ce livre, et de le laisser parler… J’ai eu le plaisir de retrouver, une fois encore, un homme droit, un homme sans compromissions, un artiste complet… Oui, je l’ai laissé parler, et je vous propose donc de l’écouter, in extenso… Fidèle à ce qu’il a toujours été !… Un ours à moitié léché, comme le disait La Fontaine !…
Hermann
Jacques et Josiane Schraûwen
Jeremiah – 41. Casino Céleste (auteur : Hermann – éditeur : Dupuis – octobre 2024 – 48 pages)