Violette : Mystère A Chamoisix

Violette : Mystère A Chamoisix

Troisième aventure d’une jeune fille vraiment adolescente que ses lunettes magiques ne transforment pas en super-héroïne !

copyright biscoto

La bande dessinée pour jeune public, après des années pendant lesquelles elle était reléguée dans les arrière-boutiques de la culture, en même temps que la bd dite « populaire », réussit, de nos jours, à s’imposer sur les étals des « bonnes » librairies ! La caractéristique de ce « style » est de ne plus « bêtifier », simplifier donc, de ne plus chercher d’alibis moraux non plus, mais de rendre compte, simplement, de la vie telle qu’elle est, et de le faire à hauteur d’enfance, ou d’adolescence. Et c’est bien le cas avec cette série-ci, qui parvient à parler de plein de choses tout en étant parfaitement ludique.

copyright biscoto

Violette et ses copains et copines de classe partent en voyage scolaire en compagnie de leur professeure fan de littérature… Et là où tout ce beau monde se rend, à Chamoisix, se situe le lieu de résidence d’un écrivain célèbre, Romuald Dule. Que les élèves vont pouvoir rencontrer… Violette, peu intéressée par la lecture, suit le mouvement, sans plus. Mais ses lunettes magiques, elles qui lui permettent de voir ce que personne d’autre ne voit, se décident à éveiller sa curiosité. C’est que, aux côtés de cet écrivain quelque peu orgueilleux, Violette aperçoit une femme… Une sorte de fantôme… Et, bien évidemment, elle va, avec ses amies, enquêter, supputant qu’un secret doit se cacher derrière l’apparence bien lisse de cet écrivain étrange !

En suivant ce fil narratif, mêlant un fantastique traditionnel à un regard sur le quotidien d’un groupe d’enfants, Emilie Clarke, la créatrice de Violette, utilise un langage simple, avec des références, par exemple à Roald Dahl… Ce langage, particulièrement réussi, n’a rien de caricatural, et je pense que bien des lecteurs et lectrices jeunes vont s’y reconnaître ! Dans, ici et là, le style « texto », par exemple… Du côté du dessin, on peut dire qu’il est frontal, très coloré, sans fioritures, tout en étant vif, rapide, tout en mettant en évidence les quotidiens que le livre montre et raconte. Et puis, sans avoir l’air d’y toucher, l’autrice nous parle d’énormément de choses… Des affres de l’adolescence… des premières règles… de l’intuition… de la peur… De l’envie d’aventure… du hasard… Et de la place de la femme dans la société, également… On dit que derrière chaque grand homme il y a une femme… Emilie Clarke nous dit, elle, avec le sourire, qu’il serait temps de ne plus tricher avec la vérité… Comme quoi, à l’inverse de ce que j’écrivais plus haut, ce livre a une certaine « morale »… Tranquillement féministe, sans haine, mais avec infiniment de tendresse…

copyright emilie clarke

Malgré mon grand âge (ou grâce à lui ?…), j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet album… La vie racontée ici mérite de l’être, parce que, tout simplement, elle est faite de curiosité, d’intelligence, de pouvoir, aussi, celui d’aller au-delà des apparences ! Un livre à lire par les ados, et pas leurs parents, évidemment !

Jacques et Josiane Schraûwen

Violette : Mystère A Chamoisix (autrice : Emilie Clarke – éditeur : Biscoto – avril 2025 – 148 pages)

Arsène Lupin Et Le Dernier Secret De Nostradamus

Arsène Lupin Et Le Dernier Secret De Nostradamus

Un « nouvelle » aventure du gentleman cambrioleur cher à Maurice Leblanc… Une réussite de la bd de divertissement !

copyright grandangle

Ce que j’aime dans la lecture de manière générale, dans le monde de la bande dessinée plus spécifiquement, c’est l’éclectisme que ces médias culturels peuvent nous offrir, à nous les lecteurs. Historiquement, la bd a d’abord été, d’ailleurs, destinée à un jeune public… Historiquement aussi, c’est en offrant des héros de papier souvent « politiquement incorrects », mais sympas quand même, que cet art a connu, à ses origines, quelques-uns de ses beaux succès.

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Je pense, par exemple, à Bicot, aux Pieds Nickelés, aux Garnements de Rudy Dirks aux Etats-Unis… Du côté de la « littérature », il en a été de même, avec, entre autres, Fantômas… Avec aussi l’extraordinaire anti-héros, créé par Maurice Leblanc, Arsène Lupin ! Et c’est lui que nous retrouvons dans une bande dessinée de divertissement pur, dans un récit avec très peu de temps morts, avec une aventure inspirée par les romans de Leblanc, mais neuve quant à son déroulé, son contenu.

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Imaginez-vous que Nostradamus, en son temps, a prédit la date de la fin du monde ! Imaginez-vous que Lupin, après la mort de son ennemi juré, Sherlock Holmes, a pris la place, grâce à son génie du déguisement, de ce détective britannique mythique, et ce pour des raisons politiques. Imaginez-vous que tout cela va entraîner Lupin dans une série d’aventures, avec enlèvement de sa fille cachée, dans une résolution de plusieurs énigmes, le tout en compagnie de ses fidèles acolytes et d’une femme séduisante qui veut se faire nonne ! N’allez pas croire cependant que la confusion est au rendez-vous de cet album !

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Les auteurs, Jérôme Felix au scénario et Alain Janolle au dessin, parviennent, en effet, à respecter totalement le rythme et l’ambiance des aventures originelles. Le dialogue est excellent, le style mélo du début du vingtième siècle, scénaristiquement et graphiquement, avec ses rebondissements incessants, est bien le moteur du récit, les seconds rôles ont une place importante, la construction narrative en « séquences » correspond vraiment au style de Maurice Leblanc, avec toujours de l’humour et du suspense. Le tout est baigné dans une réalité historique, par petites touches, avec des références religieuses, politiques, littéraires, franc-maçonniques qui n’alourdissent en rien l’histoire racontée ! Oui, c’est de la bonne bande dessinée qui ne se prend jamais vraiment au sérieux, tout comme dans les romans de Leblanc, finalement… C’est donc un livre charmeur et réussi !

Jacques et Josiane Schraûwen

Arsène Lupin et le dernier secret de Nostradamus (dessin : Alain Janolle – scénario : Jérôme Felix – éditeur : Grandangle – octobre 2024 – 71 pages)

Caravage – L’ombre du peintre

Caravage – L’ombre du peintre

L’art, tous les arts, n’ont pas été toujours calfeutrés dans des salons, des musées, des cénacles… Villon était truand… Quant aux peintres des siècles passés, leurs aventures humaines, souvent, se vivaient dans les bas-fonds de la société, entre deux rencontres avec des mécènes fortunés…

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C’est le cas avec Michelangelo Merisi, dit Le Caravage. Né en 1571, ce peintre, qui fit de l’ombre et de la lumière les éléments essentiels de ses tableaux, est mort jeune, en 1610. Mais cette brièveté d’existence n’eut rien d’un tranquille trajet de vie, d’un chemin artistique serein. Clairs-obscurs furent ses tableaux, qui, sans doute, influencèrent les plus grands peintres qui l’ont suivi, de Rubens à Rembrandt entre autres, claire-obscure fut son existence, également. Surtout peut-être… N’est-ce pas, finalement, les aléas de la vie qui, toujours ou presque, permettent à l’art de s’exprimer en s’évadant des carcans de l’habitude et de ses normes ?

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Cette existence, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle fut mouvementée, a déjà inspiré, en bande dessinée, Manara… Ici, avec Ernesto Anderle, le ton et la construction du récit de la vie du Caravage sont très différents. Le dessin, déjà, s’éloigne volontairement de toute comparaison et, ce faisant, de tout réalisme, pour s’enfouir dans les tréfonds d’une vie dont le génie se coltinait avec la misère, la colère, le délit. L’auteur nous offre un portrait qui, nourri de la grande Histoire bien évidemment, s’enfouit beaucoup plus dans ce qu’on peut appeler la part d’ombre, donc de lumière, de cet artiste aux folies outrancières, aux provocations sans retenue.

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En contrepoint de ce récit dessiné, avec un graphisme très personnel, virevoltant, presque surréaliste parfois, aux couleurs impressionnantes, un récit orchestré en chapitres, l’éditeur (Petit à Petit) nous fait entrer plus profondément dans l’œuvre de ce peintre exceptionnel… Un peintre qui, toute sa courte vie, n’a jamais oublié son expérience dans la somptueuse Venise… Une ville dans laquelle j’ai vu, dans je ne sais quelle église, une de ses œuvres, en ressentant, avec mon épouse, une émotion rare… Mais je m’éloigne, là…

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Ce qui est intelligent, donc important, dans les livres édités par les éditions « petit à petit », c’est ce mélange voulu, dans un cadre « culturel », de la bande dessinée dans ce qu’elle peut avoir de plus moderne, et de l’Histoire, grâce à des dossiers extrêmement fouillés sans jamais être lourds. Et c’est bien le cas, ici, avec ce livre. Quatre historiens de l’art s’y attachent à relier les chapitres les uns aux autres par des références historiques, certes, par une iconographie qui permet réellement de relier le dessin « bd » à l’œuvre du Caravage, et le tout avec une fluidité de langue remarquable… Le mot « vulgarisation » perd ici tout ce côté vulgaire qu’il peut avoir dans la bouche de certains intellos fatigués !

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J’aime beaucoup cet éditeur, capable ainsi de mêler à la réalité historique une bande dessinée aux réalités très diverses. Et ce Caravage mérite le détour, et donne l’envie, que j’ai ressentie et assouvie, d’en savoir plus sur ce peintre au génie évident, à la vie malmenée, aux œuvres dans lesquelles on ne peut que se plonger, des yeux et de l’âme…

Jacques et Josiane Schraûwen

Caravage – L’ombre du peintre (auteur : Ernesto Anderle – éditeur : petit à petit – 2024 – 221 pages)