Berlin 61 – Les aventures de Kathleen dans un livre totalement belge

Berlin 61 – Les aventures de Kathleen dans un livre totalement belge

De la bd belge, en effet ! Avec le cinquième volume d’une série qui nous fait voyager des années 40 aux années 60.

copyright anspach

Dans les albums précédents, on a vue Kathleen grandir, mûrir, d’enfant devenir femme, le tout dans un environnement proche toujours de la Belgique. On l’a connue enfant, oui, hôtesse de l’air, hôtesse d’accueil, journaliste au fil de ses aventures précédentes. Ici, dans Berlin 61, on la retrouve loin de ses habitudes dans une sorte de parenthèse professionnelle. Elle revient de vacances, dans un train-couchettes.

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Elle y rencontre une violoniste qui disparaît sans laisser d’autre trace que son instrument de musique. Et bien évidemment, Kathleen va vouloir la retrouver… Ce qui va la conduire jusqu’à Berlin où le mur de la honte vient d’être construit… Et la voici plongée, en l’an de grâce 1961, en un lieu où se vit au présent l’Histoire du monde !

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Il s’agit ici d’un récit d’espionnage, un peu comme ces romans de gare vite achetés avant un voyage en train. Une aventure avec des espions, donc, dans un environnement historique qui, graphiquement en tout cas, se veut fidèle à la réalité, à la vérité du temps qui passe…

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Une construction qui plaît à Baudouin Deville, le dessinateur, une narration qui lui permet, sans doute, de s’évader de notre univers de plus en plus étriqué…

Baudouin Deville

Baudouin Deville est un dessinateur classique, sans aucun doute. Son dessin ne cherche pas à « éblouir », mais à raconter, simplement, avec à la fois beaucoup de sérieux et un sourire tranquille…Il aime dessiner les décors urbains, les lieux, les rues, et tout ce qui, dans ces paysages citadins, permet de cerner la vérité d’une ville…

Baudouin Deville

Ce dessin classique n’en est pas pour autant figé. Au fil des années qui défilent dans l’existence de l’héroïne, Baudouin Deville parvient aussi à rendre compte de l’évolution de la société.

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Le point fort de Baudouin Deville, dans ce livre, c’est de recréer les détails quotidiens de cette époque, l’année 1961, au travers des décors, des personnages et de leurs attitudes. Il nous offre ainsi ce qu’on pourrait appeler une suite d’instantanés de la vie d’hier et, ce faisant, il nous fait toucher du doigt, aussi, à certaines avancées sociétales, le couple, les relations amoureuses, la liberté individuelle, ou la place de la femme dans la société… Ce côté quelque peu sociologique fait partie du plaisir de dessiner de Baudouin Deville…

Baudouin Deville

Je vous l’ai dit, Baudouin Deville est un artiste classique. Je le disais aussi, il ne cherche à aucun moment les effets spéciaux, les perspectives non réalistes. Il aime, comme il le dit, poser ses planches et prendre le temps d’en faire comme des instantanés des existences qu’il nous montre.

Baudouin Deville

Etre classique, ce n’est être ennuyeux pour autant ! Et son talent à dessiner des paysages, larges, ouverts sur le rêve en quelque sorte, fait merveille, ici et là, dans chacun de ses albums… Dans le prochain, par exemple, avec cette illustration somptueuse !

copyright Baudouin Deville

Une série qui se laisse lire, même si le scénario, parfois, prend des libertés pas très compréhensibles avec la vérité historique. Le mot phallocrate, par exemple, utilisé dans ce Berlin 61 comme s’il s’agissait d’un mot usuel de l’époque, n’a vraiment eu cours qu’en 1968. Tout comme le mot machiste qui se cantonnait, au début des années 60, en Amérique latine. Mais ne boudons pas notre plaisir. C’est une série agréable à lire, et, il faut insister sur ce fait, c’est une série formidablement colorisée, avec talent, par Bérengère Marquebreucq. Une série totalement belge, scénariste, dessinateur, coloriste, et éditeur !

Jacques et Josiane Schraûwen

Berlin 61 (dessin : Baudouin Deville – scénario : Patrick Weber – coloriste : Bérengère Marquebreuxq – éditeur : Anspach – novembre 2023 – 64 pages)

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Faut Pas Prendre Les Cons Pour Des Gens 04

Faut Pas Prendre Les Cons Pour Des Gens 04

Quatrième volume pour une série qui rit jaune, qui ricane noir en épinglant quelques réalités de cette société dans laquelle nous vivons…

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Emmanuel Reuzé a l’œil vif, lucide, cruel aussi. Au scénario, avec l’aide de Jorge Bernstein et de Vincent Haudiquet, il nous concocte ici quelque 52 gags qui devraient ne pas même nous faire sourire, et qui pourtant nous font du bien en nous ouvrant un peu plus les yeux en même temps.

Au dessin, on ne peut que reconnaître la qualité de son trait réaliste, dans un style que l’on peut également qualifier de « sans émotion »… De figé, même, comme l’est le monde qu’il nous raconte…

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Figé, oui, puisqu’Emmanuel Reuzé dessine de manière très paresseuse, pourrait-on dire. Les scènes qu’il nous montre se résument, graphiquement parlant, à la répétition de deux dessins totalement identiques. C’est du dessin répétitif, qui amène le gag, justement, au moment où la scène dessinée se modifie. Il faut s’y faire… D’autres que Reuzé s’y sont essayés et, ma foi, ils ne parviennent pas, à mon très humble avis, à atteindre leur but : faire sourire, avec une certaine honte, au moment précis décidé par le dessinateur. Chez les « suiveurs » de Reuzé et ses complices, la narration n’a jamais la puissance de celle qu’on trouve ici. Cet aspect répétitif et figé se révèle donc, avec ces « cons », un vrai style narratif…

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Je parlais de « gags »… Et c’est bien de cela qu’il s’agit… Mais on est très éloigné, dans la finesse du ton et de l’observation, de la provocation gratuite. C’est dans les méandres de l’humour cher à Desproges, Sempé, Serre, voire même Topor, mais avec un style, je le disais, personnel et abouti, que Reuzé emporte ses lecteurs. Avec lui, oui, on peut rire de tout, puisque c’est de nous et de ce que nous acceptons au quotidien qu’il nous parle !

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Parce que ce sont, véritablement, des sujets de société qui sont mis en scène de manière minimaliste dans cet album et ses trois précédents. La médecine et sa pauvreté… Le prix du pain… Internet et ses « tuteurs »… le racisme quotidien… La télé… Le suicide… la « bonne pensée »… Le sport à tout prix… Les réseaux sociaux et les médias… Les pauvres et les riches, avec par exemple un huissier faisant une saisie sur salaire à un sdf mendiant… Toutes ces réalités que nous subissons (ou pire, que nous acceptons en silence) et qui rythment nos heures et nos jours, voilà ce qui vibre en chaque page de cet album et qui, de ce fait, nous oblige peut-être, qui sait, espérons-le en tout cas, à être moins cons et un peu plus humains…

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L’humour de Reuzé et ses acolytes est cruel, méchant sans jamais être bête, lucide, efficace aussi dans la construction de chaque page, dans la façon dont le « gag » est amené.

Et même si je ne suis pas fan de ces pages dans lesquelles on voit se répéter le même dessin, en une espèce de copier-coller qui ressemble moins, finalement, à de la bande dessinée qu’à du dessin de presse, force m’est de reconnaître que cet album est une vraie réussite… Et que je ne peux que vous conseiller sa lecture, aussi sombre soit-elle parfois… Les cons sont de moins en moins des gens, mais Reuzé et ses amis sont loin d’être des cons !….

Jacques et Josiane Schraûwen

Faut Pas Prendre Les Cons Pour Des Gens 04 (Dessin : Emmanuel Reuzé – scénario ; Emmanuel Reuzé, Jorge Bernstein et Vincent Haudiquet – éditeur : Fluide Glacial – novembre 2023 – 55 pages)

Brian Bones, Détective Privé : 5. Facel Vega

Brian Bones, Détective Privé : 5. Facel Vega

A l’heure où Angoulème, comme à son habitude, couronne essentiellement de la bande dessinée ancrée dans des modes ou des habitudes très, très « contemporaines », se plonger dans un album qui n’a d’autre prétention que de permettre de passer un bon moment, cela fait du bien !…

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Brian Bones est un détective privé, donc… Américain ! Mais ne vous attendez pas à la voir tapi dans un bureau poussiéreux et sombre, avec à la main gauche une cigarette et dans la main droit un verre de bourbon. C’est quelqu’un de très clean, en fait, travaillant essentiellement pour une compagnie d’assurance, et ayant trois passions dans la vie : les voitures, ses enquêtes et les femmes ! Dans le désordre… Et de manière aléatoire d’album en album…

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Et cela fait cinq albums que ce jeune homme bien de sa personne résout des affaires dans lesquelles, à chaque fois, une voiture est la vraie héroïne… Dans le cas de ce cinquième album, il s’agit d’une Facel Vega, voiture puissante ayant ses fans à travers le monde. Au début de cette histoire, notre détective est en plein repos, dans une maison qui lui a été prêtée du côté de la riviera française. Il est invité à une soirée chez un voisin… Un exilé politique de haut rang qui, semble-t-il, est rappelé aux affaires dans son pays africain. Et qui subit, pendant cette soirée mondaine, une tentative d’enlèvement. N’écoutant que son courage et une très accorte garde du corps, Brian se lance dans la sauvegarde de ce politicien sans doute aussi véreux que ceux qui veulent l’assassiner.

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Dans cet épisode, Brian Bones est plus observateur qu’acteur… Même si ses talents de conducteur sont là pour sauver la situation… En fait, il se trouve quelque peu perdu dans un univers d’espionnage et de politique auquel il ne comprend pas grand-chose, et qui ne correspond en rien à ses capacités ! Par contre, c’est dans une super production bd de cascades, d’effets spéciaux automobiles qu’il se plonge, avec des scènes de poursuites absolument phénoménales ! Mais toujours traitées avec humour ! Et puis, même sans happy end, tout se termine pour lui entre des bras bien accueillants…

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De l’humour, oui, jusque dans certains dialogues qui font penser à une forme à peine déguisée de wallon. Et on sent, dans ce livre, que la complicité entre le dessinateur, Georges Van Linthout, et son scénariste, Rodolphe, est complète, et bon enfant… Un scénariste dont on sent ici tout le plaisir qui est le sien dans la construction de ses scénarios… C’est une série classique, avec des références évidentes aux grands anciens de la bande dessinée, mais c’est surtout une série dans laquelle on peut se plonger sans avoir peur de s’y ennuyer…  Avec cette particularité de savoir que chaque album tourne autour d’un modèle de voiture… Et que, ce faisant, les personnages secondaires finissent par ressembler physiquement à ces bagnoles… C’est d’ailleurs la première question que j’ai posée à Georges Van Linthout dans cette interview que je vous propose d’écouter…

Georges Van Linthout

Je l’ai déjà souvent dit, et je le redirai encore. Aimer le neuvième art, c’est vouloir être éclectique… C’est avoir envie de découvrir, par soi-même, et pas suivant des diktats de quelques penseurs pansus… C’est ne rien renier de ses goûts personnels… C’est pouvoir aimer Catel et la bd populaire, en même temps… Tout comme en littérature, tout compte fait ! J’adore Céline et Léautaud, mais je ne renierai jamais le plaisir que j’ai eu à lire Cesbron ou Exbrayat !

Donc, Brian Bones, de facture classique, fait partie de ces albums dessinés que j’aime et que j’aimerai toujours lire calmement, le sourire aux lèvres…

Jacques et Josiane Schraûwen

Brian Bones, Détective Privé : 5. Facel Vega (dessin : Georges Van Linthout – scénario : Rodolphe – couleur : Stibane – éditeur : Paquet – 2023)

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