Astérix Chez Les Belges : une exposition au Centre Belge de la Bande Dessinée, à Bruxelles, jusqu’au 3 septembre 2017

La commissaire de cette exposition, Mélanie Andrieu, a répondu à nos questions et nous explique le pourquoi de cette exposition bien sympathique…

 

Astérix fait partie intégrante de la grande histoire de la bande dessinée, et l’album  » Astérix chez les Belges « , qui fut le dernier scénarisé par l’immense Goscinny, est sans aucun doute un des meilleurs titres de cette série mythique.

Goscinny et Uderzo ont eu, rappelons-le, leur premier grand succès avec une série parue dans le  » Journal de Tintin « , Oumpah-pah, à la fin des années cinquante. Une série qui, tant au niveau du dessin que du scénario, s’éloignait de façon assez indéniable de la ligne claire chère à Hergé, et se rapprochait même, par son esprit comme par sa construction, de ce qui se faisait du côté de Charleroi. Sans vouloir faire œuvre d’historien du neuvième art, il y a eu là, inconsciemment sans doute, la création d’un pont entre des rivaux de toujours, et ce pour le bien uniquement de la bande dessinée dans son ensemble.

Uderzo et Goscinny ont continué leur collaboration, et c’est dans le journal  » Pilote  » que l’irréductible petit Gaulois a pris vie.

Jusque-là, reconnaissons-le, les albums de bd se lisaient de manière le plus souvent  » linéaire « , et s’adressaient de but en blanc à un public de jeunes. Avec Astérix (et d’une certaine manière avec toutes les séries parues dans Pilote), il en a été autrement. Le génie de Goscinny est d’avoir compris que la bande dessinée allait connaître une évolution inéluctable, celui d’un art ouvert à tous les publics, et ce avant tout le monde (ou presque… n’oublions pas le travail exceptionnel fait par certains auteurs de chez Bayard…).

Citations latines, jeux de mots parfois tarabiscotés et dignes de Pierre Dac, situations anachroniques en rapport imagé et symbolique avec la société d’alors, c’est tout cela qui a fait de ce personnage un véritable héros. Et il est bienvenu de rendre hommage aujourd’hui à Astérix, Obélix, Goscinny et Uderzo, qui eux-mêmes ont rendu un bien bel hommage à notre petit pays !

 

Mélanie Andrieu, commissaire de l’exposition

 

 

 

Bien sûr, dans le regard que des Français pouvaient avoir sur les Belges à la toute fin des années 70, il ne peut y avoir que de la caricature. N’oublions pas que l’époque était chez nous à une véritable belgitude, avec des artistes qui revendiquaient leurs origines, comme Brel, Cordy, mais aussi toute une chanson wallonne de qualité, celle de Julos Beaucarne, et Jofroi, de bien d’autres… Et du côté flamand, il y avait entre autres Johann Verminnen…

Mais l’époque était aussi, dans l’Hexagone voisin, à un humour souvent grassement dirigé vers les petits Belges, humour dont le chef de file était Coluche, qui, dans ce domaine-là au moins, n’a pas vraiment fait preuve de délicatesse !…

Donc, de manière évidente, le regard d’Astérix sur le peuple belge, tout comme celui qu’il a eu sur les Normands ou sur les Espagnols, ce regard était empreint de préjugés bien établis dans l’intelligentsia française.

Mais Goscinny, par ailleurs auteur du Petit Nicolas, ne pouvait pas entrer dans un jeu qui n’eût été que celui d’une certaine forme de racisme ordinaire. Et dans  » Astérix chez les Belges « , avec l’aide du graphisme à la fois fouillé et vivant, animé et expressif de son complice Uderzo, c’est un portrait plutôt tendre et souriant qu’il nous offre de notre belgitude.

Et on sent, dans cet album comme dans l’exposition qui lui est aujourd’hui consacrée, que dessinateur et scénariste connaissaient parfaitement leur sujet, et qu’ils nous restituent, ma foi, un portrait qui n’est jamais à charge de note pays, mais qui, toujours, se nourrit de sourires et de partages de bons moments !

Et c’est dans cette  » gentillesse  » d’Astérix que réside, sans doute, le fait que, malgré parfois, depuis la mort de Goscinny, des faiblesses dans les scénarios, cette série reste emblématique de ce qu’est la bd pour toutes et tous, intelligente et souriante.

 

Mélanie Andrieu, commissaire de l’exposition

 

 

Les expositions du Centre Belge de la Bande Dessinée sont une des preuves que la BD est un art totalement vivant… Et cette exposition consacrée au Gaulois le plus célèbre aux quatre horizons de la planète réussit à nous plonger à la fois dans l’Histoire majuscule du neuvième art, dans l’histoire de l’humour à la française, et dans l’histoire, simplement, de notre  » pays petit aux frontières internes « , comme le disait Claude Semal…

Une belle exposition, sans tape-à-l’œil inutile, tout en simplicité, et intéressante à bien des points de vue. A aller admirer, donc…

 

Jacques Schraûwen

Astérix Chez Les Belges : une exposition au Centre Belge de la Bande Dessinée, jusqu’au 3 septembre 2017