Édika (1940-2025): une figure emblématique de « Fluide Glacial » s’en est allée parler de sexe et de cul ailleurs que sur notre triste terre. Un air de liberté en moins!

Édika (1940-2025): une figure emblématique de « Fluide Glacial » s’en est allée parler de sexe et de cul ailleurs que sur notre triste terre. Un air de liberté en moins!

DESSIN EDIKA

Pour vous parler de ce dessinateur « hors normes », dont les dessins scabreux et humoristiques ont enchanté et enchanteront encore bien des esprits libres , j’ai choisi de vous proposer à (re)lire cet album…

Édika Sous Couvertures – humour gaulois et potache à l’honneur !

copyright fluide glacial

Fluide Glacial, éditeur et revue, résiste aux modes, au bon goût aussi, depuis 50 ans, et cela se doit d’être souligné !

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C’est en avril 1975, en effet, que trois dessinateurs décident de créer ce qui se veut être un organe de presse « d’umour et bandessinées ». Parmi ces créateurs, Gotlib, qui a déjà fait les beaux jours du journal Pilote, de la revue L’écho des savanes, Gotlib qui a incontestablement apporté un sang nouveau à ce qu’on peut appeler l’humour en bd, avec, par exemple, la mythique rubrique à brac. Son sens du gag, de la provocation aussi, vont faire merveille dans Fluide Glacial avec des auteurs venus de tous les horizons : Tronchet, Binet, Gimenez et sa superbe série, sérieuse elle, des « Paracuellos », Alexis et même Franquin avec ses sublimes idées noires.

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Fluide Glacial, ainsi, s’est défini dans le paysage du neuvième art comme un magazine dans lequel l’humour, sous toutes ses formes, et souvent les plus non-correctes, voire vulgaires, avait sa place… Que toutes les bêtises avaient la liberté de s’exprimer !Et, parmi ces auteurs qui ont fait et font encore les beaux jours de Fluide Glacial, il y a Édika, qui fait l’objet aujourd’hui d’un petit livre sympa.

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On peut dire que ce dessinateur occupe une place de choix dans le choix des couvertures du magazine : il en a fait 83 sur les 582 numéros publiés ! Et on peut dire aussi que ces couvertures ont attiré, toujours, bien des regards, bien des réflexions, bien des critiques bien pensantes souvent… Parce qu’il faut l’avouer, Edika, dans le paysage de la bd, et même dans celui, pourtant déjà bien déjanté, de Fluide Glacial (et cela fait 40 ans qu’il y travaille, qu’il s’y amuse), un électron libre.

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Un humour déjanté, oui, né de la gauloiserie, cet humour vieux comme la France sans doute, et dont on peut dire que sa caractéristique première est d’être, comment dire, leste… voire plus, même ! Et dans ce domaine, Edika aime depuis toujours ruer dans les brancards, enfoncer les portes de la bienséance, avec sans arrêt un sens de l’absurde, du surréalisme, de la provocation gratuite, et, également, avec une forme souriante d’érotisme souvent gras… Disons-le tout de go, Edika adore, avec un graphisme totalement éloigné de tout réalisme, les femmes possédant des appas plus qu’imposants, et de préférence dénudées, les femmes aussi ridiculisant sans cesse les hommes cherchant à les séduire. Cela, je le sais, pourrait paraître n’être que graveleux ! Mais Edika a une manière de dessiner qui n’appartient qu’à lui, en multipliant les détails, à peine visibles parfois, en multipliant les personnages, un peu comme l’immense illustrateur Dubout faisait en d’autres temps.

copyright fluide glacial

Édika a une façon de déformer la réalité qui est hors du commun, hors de tous les codes, on peut dire qu’il réinvente en quelque sorte l’humour à chaque album ! A chaque couverture, aussi… Et ce petit livre de 64 pages est là pour remettre les choses en place : Edika est un humoriste, et il y a un plaisir plus que souriant à se balader dans ses couvertures et, ce faisant, grâce à un texte bien fichu, à l’y découvrir tel qu’il est : un artiste populaire et Français faisant semblant d’être franchouillard !

Jacques et Josiane Schraûwen

Édika sous couvertures (textes de Gérard Viry-Babel, dans la collection « les jolis p’tits cultes », chez Fluide Glacial – 2025 – 66 pages)

A La Vie A La Mort – chronique express

A La Vie A La Mort – chronique express

Un livre sérieux, très sérieux, destiné plus aux parents qu’aux enfants, sans doute, même s’il est annoncé comme accessible dès neuf ans. Un livre utile…

copyright casterman

La mort est partie intégrante de l’existence, de toute existence. Elle est probablement même la seule certitude que nous pouvons avoir de ce qu’est la vie, notre vie. Je l’ai déjà dit souvent, l’expression « faire son deuil » me flanque des boutons à l’intelligence. On ne fait pas son deuil, on est en deuil, on le vit, chacun à sa manière, depuis l’aube des temps. La mort que l’on croise est un passage, le deuil est une réalité que chacun subit et assume, et je pense que les aides « psychologiques » tellement à la mode ne servent le plus souvent qu’à donner bonne conscience aux vivants observateurs du deuil des autres…

copyright casterman

Cela dit, et pour l’avoir vécu, comme vous toutes et tous, probablement, au moment de la mort de quelqu’un de proche, le besoin vient, au moins, de parler… D’avoir des regards à croiser, tout en faisant du souvenir une route de survie. Cela dit, aussi, dans notre société de plus en plus formatée, la sympathie, l’empathie ne sont devenus que des mots presque électoraux, et le désarroi est bien présent lorsqu’on assiste aux larmes qu’un décès provoque…

copyright casterman

Et ce désarroi est encore plus grand face au chagrin d’un enfant, face aux questions que cet enfant peut poser. Adultes, nous voilà alors dans l’obligation, éducative ai-je envie de dire, de répondre à ces questions, d’aider l’enfant en face de nous à apprivoiser en quelque sorte la mort toujours horrible, presque toujours inacceptable. Et dans ce livre-ci, un livre de Marine Nina Denis au texte et de Mikankey au dessin, ce sont des pistes de dialogue qui s’ouvrent. Une façon, en quelque sorte, d’offrir des outils aux parents qui, emplis de chagrin eux aussi, se doivent d’être « présents »…

copyright casterman

Oui, c’est un livre qui, à sa manière, peut aider à ce que naisse un vrai dialogue entre adultes et enfants autour de ce sujet universel qu’est la mort. C’est psy, certes, mais ce n’est pas mal fait du tout… Et, même si je continue à penser que chaque être humain devrait être capable de retrouver au fond de lui les ressources nécessaires à vivre, et à aider, à vivre, ce livre peut se révéler utile… Grâce aussi au dossier de fin d’album, qui concrétise différentes possibilités d’approche moins psys parfois, comme des bd à lire, comme des films à regarder… Et je tiens à souligner, aussi, la qualité du dessin de Mikankey qui permet d’aérer le propos et de montrer que le vie peut et doit rester souriante…

Jacques et Josiane Schraûwen

A La Vie A La Mort (texte : Marine Nina Denis – dessin : Mikankey – éditeur : Casterman – octobre 2025 – 64 pages)

Le Chat : 25. L’Origine Du Chat

Le Chat : 25. L’Origine Du Chat

C’est une vraie tradition, à quelques miaulements de la fin de l’année : Philippe Geluck nous propose ses petits coups de griffe dessinés, à mettre, pourquoi pas, sous le sapin, entre le bœuf et l’âne.

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Un vrai « personnage », ce chat, dont la simplicité du trait permet de tout relativiser parfois, de tout mettre en question d’autres fois, de tout placer en évidence, souvent… Et quand je dis tout, je veux parler de réflexions personnelles, de blagues potaches, de jugements à l’emporte-pièce, de colères mesurées, de coups de gueule à l’apparence spontanée. Le Chat, c’est un peu le Buster Keaton de la bande dessinée… En plus simple, simpliste disent certains, en ce qui concerne le graphisme…

copyright casterman

Sans cette simplicité du dessin du chat (dont on retrouve dans cet album quelques premiers balbutiements), aurait-il pu depuis aussi longtemps s’imposer dans le paysage de la bande dessinée ? Je ne pense pas… Son air bonasse le rend capable de dire les pires des conneries en n’ayant l’air de rien… De jeter des pavés bien solides dans la mare des bonnes pensées imposées… Je n’irais pas jusqu’à dire que Philippe Geluck est un auteur anarchiste !!! Mais, jailli, par ses détournements de dessins pompiers par exemple, de la cuisse d’Hara Kiri, il s’amuse, sans cesse, et depuis désormais 25 albums, à mêler à l’énormité de son tour de taille l’énormité de ses propos tranquilles…

copyright casterman

Si le chat avait été le héros d’un western, il ne tirerait pas plus vite que son ombre, il tirerait vers toutes les ombres de la sagesse, du bien ordonné, du bien propre sur soi… De l’intelligence formatée… Du bon goût… Certes, on peut reprocher à ce personnage de papier son manque de vigueur, sa mollesse charnelle, osons le dire, son existence n’est possible qu’en fonction d’une société qu’il n’arrête pas de fustiger ! Oui, c’est vrai, on peut lui reprocher, dans le mauvais goût comme dans l’affrontement presque socio-politique, des répétitions, des constances. Mais tout cela n’est-il pas, finalement, à l’image même de tout être humain, donc de tous ses très nombreux lecteurs !

copyright caserman

On peut ne pas aimer Le Chat, cet anti-héros pachydermique, bien sûr… Je dirai même qu’on peut parfois le détester, tant quelques-uns de ces gags ne sont là que par provocation pure… Mais je pense, et je penserai toujours, que ce félidé de papier répercute en toute impunité, depuis des dizaines d’années, ce que tout le monde, peu ou prou, pense tout bas du monde qui est le nôtre ! Et qui, malheureusement, n’évolue pas très bien ! Tout aussi malheureusement, Sempé, Topor, Bosc, Serre, grands dessinateurs d’un humour à la fois décalé et si proche de chacun, ces artistes n’ont jamais réussi à ce que la société change véritablement…

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Mais sans eux (et sans Le Chat non plus), le lissé de l’existence ne se verrait pas imposer quelques plis et replis qui, au moins, font du bien à l’âme comme à l’instant qui passe ! Les humoristes, à ce titre, méritent tout le non-respect auquel chaque individu devrait avoir droit ! Cela dit, il faut quand même prendre le temps de souligner que le travail de Geluck est aussi, et surtout peut-être, celui d’une collaboration avec différents « proches »… Parmi eux, je me dois de mettre en évidence Serge Dehaes qui se voit imposer, par Geluck, de mettre en couleurs les non-émotions de ce félin quelque peu boudeur !

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Je le disais en préambule, la sortie d’un « chat », cela fait partie du paysage de chaque fin d’année, ou presque… Et même si, comme je le disais aussi, on a parfois l’impressions de « redites », picorer dans un album de Philippe Geluck, cela se fait avec plaisir ! Et bonne humeur…

Jacques et Josiane Schraûwen

Le Chat : 25. L’Origine Du Chat (auteur : Philippe Geluck – couleurs : Serge Dehaes – éditeur : Casterman – octobre 2025 – 48 planches)