De la bd à l’ancienne pour nous raconter l’histoire d’une unité d’élite, créée pendant la guerre 40/45… Une belle galerie de portraits !…
Venez à la rencontre des deux auteurs dans cette chronique…
On peut avoir un peu l’impression, en lisant cet album, de se replonger dans des histoires des années 50 et 60, des histoires dans lesquelles la grande Histoire était surtout prétexte, pour les auteurs, à nous parler d’héroïsme, de grands faits de guerre, de batailles essentielles.
Et s’il est vrai que ce » Regiment » n’évite pas entièrement ces clichés, il est tout aussi vrai que la démarche de Vincent Brugeas, le scénariste, n’a rien d’obsolète. A l’aide d’un découpage soigné, à l’aide aussi d’une documentation sans faille, il nous raconte, tout simplement, l’histoire d’une aventure humaine, et l’héroïsme dont il nous parle est surtout fait de travail, de préparation, d’entraînement. Toute résistance ne peut naître, semble-t-il nous dire par la voix de ses héros, qu’en la préparant, qu’en s’y offrant, corps et âme.
Et s’il nous fait entrer, dans ce livre, au plus profond d’une organisation militaire précise, c’est avec un vrai sens critique, à certains moments, un sens critique qui provient de ce que furent les réalités d’une guerre qui, déjà, privilégiait les dérives de la hiérarchie aux nécessités du terrain… Il y a là comme un air de déjà revu !
Vincent Brugeas: le scénario
L’intérêt essentiel de cette série, c’est l’approche que les auteurs font de leurs personnages. Souvent, avec de tels sujets, le manichéisme est présent, tangible, dans un sens comme dans l’autre, celui d’un hommage au militarisme et au courage ou celui d’une critique acerbe sur les réalités militaires et leurs dérives.
Ici, ce n’est pas le cas. On se trouve, en fait, dans une espèce de reportage a posteriori, avec des caméras qui tentent sans cesse, et y parviennent souvent, de s’approcher au plus près des héros, des « hommes » surtout, avec des idées, des valeurs, des principes, mais surtout avec des quotidiens qui ne cachent rien de leurs failles.
Et pour ce faire, pour être proche de la vérité historique, il n’y a évidemment qu’un seul secret : la qualité de la documentation, une qualité que les lecteurs de ce » Regiment » vont pouvoir découvrir grâce à un dossier, en fin d’album, particulièrement bien construit.
Vincent Brugeas: les personnages…
On se retrouve, oui, dans une espèce de reportage télévisé… Ou plutôt dans la construction narrative et graphique d’un film…
C’est à un véritable travail de montage cinématographique, en effet, que le dessinateur Thomas Legrain s’est livré. On ressent presque, au fil des pages, les mouvements des caméras, des mouvements qui permettent à ce que le dessin, de facture extrêmement classique, ne soit pratiquement jamais figé.
Thomas Legrain: la bande dessinée et le cinéma
L’essentiel de ce premier volume se déroule dans le désert. Et Thomas Legrain nous montre, au travers de son dessin, que le désert n’a rien de monotone, visuellement, qu’il n’arrête pas d’offrir de nouveaux paysages aux regards qui s’y attardent.
Les deux points de fuite de son graphisme sont le décor et les visages. Et son talent est de parvenir à, cinématographiquement toujours, mêler ces deux axes de son travail avec légèreté, pour construire, finalement, un récit qui, historique bien sûr, cherche avant tout à nous montrer un univers et ceux qui y vivent.
A ce titre, il faut absolument souligner la qualité du travail de la coloriste, Elvire De Cock, sans les couleurs de laquelle, sans doute, ce livre n’aurait pas eu sa totale lumière !
Thomas Legrain: les décors et la couleur
Je ne suis pas (ou plus…) fan des histoires traditionnelles de guerre depuis pas mal de temps. A cause, comme je le disais plus haut, de ces manichéismes, de ces codes imposés par l‘habitude.
Mais ici, au-delà d’un évident classicisme dans le propos comme dans le dessin, je me suis laissé emporter par ma lecture. Et j’ai particulièrement apprécié l’aspect didactique, presque pédagogique même, qu’emprunte le travail des auteurs pour faire découvrir des tas d’événements dont je n’avais aucune connaissance.
C’est donc, oui, une très intéressante réussite que cet album, qui met en scène des personnages dont on devine que, dans les tomes suivants, ils prendront encore plus de chair !…
Jacques Schraûwen
The Regiment – L’Histoire Vraie Du SAS : Livre 1 (dessin : Thomas Legrain – scénario : Vincent Brugeas – couleur : Elvire De Cock – éditeur : Le Lombard)