Boni: La Dernière Bouchée De Carotte

Des gags « jeune public » qui sentent bon l’animation… Des lapins pas vraiment crétins… Un auteur, Ian Fortin, qui vous parle dans cette chronique de ses personnages terriblement humains!

 

 

Dans le monde de la bande dessinée pour jeunes, nombreuses sont les réussites. On peut parler de Titeuf, évidemment, du Petit Spirou aussi. Mais on ne peut pas oublier toute l’influence qu’ont eue, dans ce domaine, un Quino et sa Mafalda, un Shulz et son Charlie Brown.

Ian Fortin navigue, avec Boni, entre tous ces univers, picorant ici et là de quoi alimenter un style qui se révèle finalement, très personnel. Ce sont des fables qu’il nous raconte, à sa manière, puisqu’il a choisi la voie d’un symbolisme vieux comme Esope et La Fontaine pour nous parler, tout simplement, de la vie, d’un enfant qui se doit, au jour le jour, d’apprendre à être lui dans un environnement où l’enfance, finalement, n’a que peu de place.

Pour ce faire, l’auteur laisse des lapins se faire les doubles des humains. Ce ne sont pas des lapins venus d’ailleurs et prêts à toutes les bêtises, non! Ce sont des personnages qui vivent les problèmes humains de tout un chacun, problèmes relationnels, problèmes quotidiens, problèmes, surtout, provoquant le sourire au travers d’une sereine tendresse d’observation.

 

Ian Fortin: des lapins…

 

 

La bande dessinée animalière a le grand avantage de pouvoir rendre compte des réalités humaines en les démesurant, en les caricaturant lorsque c’est nécessaire. La caricature, d’ailleurs, fait partie intégrante de l’humour qui s’adresse à l’enfance, à l’adolescence, et les auteurs de mangas l’ont compris depuis bien longtemps, d’ailleurs. La caricature, c’est une manière de démultiplier, graphiquement, mais sans effets spéciaux, les expressions, les mouvements, voire même les discours de personnages qui, ainsi, montrent de manière évidente et frontale ce qu’ils ressentent, ce qu’ils vivent.

Cela dit, dans cet album, la caricature n’est jamais un exercice que s’impose l’auteur, elle vient à son heure, elle reste de bout en bout totalement naturelle.

Elle est là, surtout aussi, pour désamorcer à sa façon quelques thèmes abordés qui sont véritablement sérieux, comme le harcèlement entre les enfants, comme la violence dans le cadre de l’école, comme la difficulté à accepter les réalités d’un grand-père qui se refuse à exprimer toute empathie.

Et c’est là la grande qualité de cet album, de ce personnage, de cet auteur: faire sourire en nous montrant, pourtant, des vérités qui, elles, n’ont rien de fondamentalement amusant. Le sourire est constant, dans ce livre, et Boni est de ces personnages auxquels on ne peut que s’attacher. Et qui, de sourire en sourire, feront réfléchir à leur attitude dans la vie ses lecteurs, qu’ils soient parents, grands-parents, ou enfants!

Ian Fortin: la caricature
Ian Fortin: des sujets également sérieux

 

Sous l’apparente simplicité du trait se cache une maîtrise graphique sans faille, une maîtrise narrative aussi. Il ne faut que quelques dessins à Ian Fortin pour amener le gag à maturité, ai-je envie de dire, et le rendre palpable à même la page que le lecteur regarde.

Et pour soutenir ces gags, ce rythme aussi, il utilise, certes, tous les codes du mouvement dessiné, et ses personnages, ainsi, ont une vraie existence. Mais il utilise aussi la couleur comme élément majeur des ambiances de chacune des petites histoires qu’il nous raconte. Simples, presque élémentaires, ces couleurs font véritablement partie de la réussite de ce livre.

Et, ma foi, qu’on ait douze ans ou soixante ans, Boni est un enfant diablement attachant, croyez-moi!… Et je suis certain qu’il lui reste encore bien des bouchées de carotte à nous offrir!

Ian Fortin: la couleur

 

Jacques Schraûwen

Boni: La Dernière Bouchée De Carotte (auteur: Ian Fortin – éditeur: Dupuis)