Un roman graphique qui voyage entre l’ici et l’ailleurs, entre la vie et la mort, entre le possible et l’improbable… Le tout sur fond d’une enquête identitaire presque policière ! Une réussite de plus parue chez l’éditeur Futuropolis !
Essence©Futuropolis
Résumer cet album est extrêmement simple. Achille, jeune homme fou d’automobile, se promène dans une espèce de no-mans-land entre vie et mort. Accompagné par son ange gardien, une jeune femme particulièrement jolie, il doit, pour trouver la paix, retrouver d’abord la mémoire de ce qui l’a tué.
Résumer cet album est extrêmement difficile. A l’instar du héros mythologique dont il porte le prénom, ce jeune mort découvre à la fois l’immortalité et les chemins détournés qui peuvent la réduire à rien. Il lutte contre son passé, contre son présent, contre tout ce qui, finalement, ne s’inscrit pas dans l’immédiateté de ses passions, de ses souvenirs qui ne se restaurent que peu à peu.
Album onirique, donc, mais également analyse du pouvoir de la passion sur le quotidien, album fantastique mais également approche très réaliste et même scientifique de la puissance des fabricants d’essence sur notre société, album policier mais aussi livre d’amour et de détresse, « Essence », de par la multiplication de ses thèmes, pourrait perdre ses lecteurs en cours de route, et ce n’est cependant jamais le cas grâce à un dessin phénoménal et un scénario sans aucun faux pas.
Essence©Futuropolis
Ce qui est frappant aussi, dans cette bande dessinée, c’est le nombre imposant de références, totalement assumées. Des références qui sont graphiques, avec des regards en biais lancés à Hergé, à Giger, mais aussi à Vasarely et à Mondrian.. Des références littéraires, aussi, au gré des rencontres d’Achille… Des références cinématographiques, avec James Dean, Bunuel, entre autres…
Au travers d’une vision tout à fait surprenante du « purgatoire », les auteurs nous emmènent ainsi dans une quête identitaire, oui, en nous laissant suivre les pas d’un homme mort, certes, mais dont même la mort reste animée par la passion. Celle de la vitesse, celle des voitures, de manière plus générale, celle de l’amitié, celle de l’amour. Mourir est, pout Achille, un cauchemar, mais un cauchemar qui, par toutes les rencontres qu’il lui impose, même les plus horribles et les plus nauséabondes, le replonge dans son humanité disparue.
Vivre sans passion n’est pas vivre, sans doute… Mais vivre sa passion, c’est aussi tout oublier, même de vivre, telle est la leçon qu’Achille, anti-héros éperdu d’absence, vit au fil des quelque 180 pages de ce livre.
Essence©Futuropolis
Je persiste et signe : Futuropolis est, sans aucun doute, un éditeur qui aime sortir des sentiers battus pour nous offrir souvent des petits bijoux. C’est le cas, ici, avec un livre dont le dessin de Benjamin Flao est absolument étonnant par sa variété, par sa beauté presque classique à certains moments, pratiquement surréaliste à d’autres moments, réaliste ici, caricaturale là, aimant multiplier les détails dans un décor sur telle page, les réduisant à leur plus simple expression dans telle autre page…
Fable fantastique ancrée de plain-pied dans le monde qui est nôtre, « Essence » est un livre à placer en bonne place dans votre bibliothèque !…
Jacques Schraûwen
Essence (dessin : Benjamin Flao – scénario : Fred Bernard – éditeur : Futuropolis)