Les éditions Bamboo GrandAngle

Humour, Société, Réflexion

LISEZ, et offrez à votre confinement de belles découvertes.

Un lac en Ecosse, un monstre marin, des réseaux sociaux… Le portrait d’un village de campagne peuplé de « seniors »… Des vieux acteurs cherchant à retrouver la gloire de leur premier film… Trois albums qui ont un thème commun : l’être humain, d’abord et avant tout. Trois livres à commander chez votre libraire préféré si vous ne les avez pas encore dans votre pile de livres à lire !

#NOUVEAUCONTACT

(auteur : Bruno Duhamel – éditeur : Bamboo Grandangle – 72 pages – parution : septembre 2019)

Un petit lac, quelque part en Ecosse… Un homme solitaire fou de photographie qui prend un cliché d’un monstre translucide… Un « réseau social » au nom presque bien connu, Twister…

Dans ce coin retiré du monde, dans lequel seule existe une entreprise de génétique, cette photo va être le révélateur d’une société, la nôtre, et de ses dérives de plus en plus multiples. Le dessin de Bruno Duhamel est toujours aussi intéressant, référentiel aussi, avec quelques clins d’œil à Hergé, voire même à Millenium. Un graphisme d’une belle spontanéité, avec une présence constante des décors et une attention toute particulière apportée aux regards des personnages. Un scénario qui se révèle linéaire malgré le nombre soutenu de récits différents qui en émaillent la construction. Et puis, avec un humour décalé et cynique, c’est album est un vrai portrait de notre monde d’aujourd’hui. Dans ce livre totalement réussi, On parle d’art et de technologie moderne, d’armée omniprésente (ça vous rappelle quelque chose ?…), de dénonciations d’hommes harceleurs (ça ne vous dit rien non plus ?…), d’utilisation des réseaux sociaux comme de tremplins pour d’éphémères gloires, de l’immense pouvoir des médias, jusque dans la manipulation des informations, de morale et d’intransigeance, de religion et d’écologie. Le personnage central, déboussolé mais lucide, ne dit-il pas ne pas vouloir « être l‘esclave du regard des autres » !

Entre réel et virtuel, de plus en plus emmêlés, chacun devenant le miroir à peine déformant de l’autre, Duhamel nous propose une fable qui pourrait n’être que celle d’une technologie à la Orwell, mais qui, tout au contraire, s’avère être celle de l’humanité perdant peu à peu son humanisme. C’est une fable, oui, qui n’a rien de lourd, que du contraire, qui est souriante, passionnante, sans temps morts. Un excellent livre, comme tous les livres de Bruno Duhamel !

Lucienne ou les millionnaires de La Rondière

(dessin et couleur : Gilles Aris – scénario : Aurélien Ducoudray – éditeur : Bamboo GranAngle – 78 pages – parution : janvier 2020)

Nous sommes dans le petit village de La Rondière. Y vivent Lucienne et Georges, deux sexagénaires qui semblent vivre au gré des habitudes qu’ils se sont construites au fil du temps. Mais ils ont derrière eux un drame, la mort de leur enfant, il y a bien longtemps. Et Lucienne compense cette absence par l’aide qu’elle fournit, avec ses petits moyens financiers, en devenant marraine d’enfants aux quatre coins du monde.

Et voilà qu’un jour, dans sa boîte aux lettres, elle découvre une lettre lui annonçant qu’elle est la grande gagnante d’un jeu organisé par les magasins Outillor. C’est une somme de 200.000 euros qu’elle est censée gagner… Qu’elle ne gagnera pas, évidemment…

Et ce livre va nous raconter la vie de Lucienne, et, en parallèle, celle des autres habitants de ce village. Des vieux, oui, à l’exception d’un jeune couple qui vient de s’installer, un médecin du monde et une jeune femme ne réussissant pas à avoir un enfant. Il y a Marie, qui ronchonne tout le temps, il y a Camille, communiste convaincu depuis toujours, Georges, Vonnette, d’autres figures marquantes, et le chien Kikine. Comme le dit le scénariste, Aurélien Ducoudray, tout est vrai dans ce livre, sauf l’histoire qu’il nous raconte ! Tout est vrai, oui, même ce qui ne s’explique pas, comme un nom sur une tombe…

Et le dessin presque champêtre de Gilles Aris accompagne de manière fusionnelle le récit simple de Ducoudray. C’est vrai que, depuis les Vieux Fourneaux, la bande dessinée a compris qu’on pouvait parler de la vieillesse sans la caricaturer à outrance, en osant parler de sentiments, de combats, d’engagements. Ne me faites pas dire ce que je ne dis absolument pas ! Ducoudray n’a pas eu besoin des Vieux Fourneaux pour être un scénariste soucieux, d’abord, d’être proche de ses personnages. Et ceux-ci encore plus que les précédents, puisqu’il les a connus, puisqu’il leur rend hommage. Dans cet ordre d’idée, comment ne pas penser à ces auteurs qu’on dit régionaux, de Giono à Magnan, par exemple, et qui, au fil de leur œuvre, ont toujours voulu être au service de la vie qu’ils connaissaient, qu’ils côtoyaient au jour le jour.

C’est un livre sans coups de feu, c’est un livre sans tape-à-l’œil, c’est un livre gentil, avec une fin souriante et heureuse. C’est un de ces albums qui font plaisir, qui font sourire, qui provoquent une véritable émotion…

Avec Ou Sans Moustache

(dessin et couleur : Efix – scénario : Nicolas Courty – éditeur : Bamboo GrandAngle – 102 pages – parution : janvier 2020)

Ce livre-ci est plus léger, mais s’inscrit lui aussi dans la description d’une certaine vieillesse. Le personnage central, Pierre-Jean Rochielle est acteur. Il fut acteur, plutôt, puisque, du haut de ses quelque 70 automnes, il ne s’intéresse pas, ou plus, à ce qu’il a été. Pourtant, avec quelques-uns de ses amis, ils ont été, jeunes, les héros de trois films qui ont eu un fameux succès public ! On ne peut pas ne pas penser aux Bronzés, bien évidemment.

Pierre-Jean, donc, vit des jours tranquilles avec son chien. Il bougonne, il n’est pas aigri, mais déçu par l’existence. Et un jour, il reçoit un coup de téléphone du fils de celui qui fut le producteur de cette fameuse trilogie des « Copains d’abord », trente ans auparavant. Producteur, lui aussi, il veut réunir toute la bande pour une suite de leurs aventures. Pierre-Jean n’est pas chaud, loin de là… Mais des circonstances vont malgré tout le pousser à vouloir retrouver ce passé qu’il fuit pourtant depuis si longtemps. Et pour ce faire, comédien, il va raser sa moustache et se faire passer pour son propre sosie.

C’est donc presque du vaudeville. Mais avec un regard assez pointu sur le monde du cinéma, sur la pseudo-gloire, sur les amitiés professionnelles qui n’en sont pas. C’est aussi un regard tendre sur l’amitié, simplement, et sur l’amour, aussi. C’est surtout un joli tableau de mœurs consacré à des septuagénaires qui ne se contente pas de survivre, mais qui s’ouvrent à la jeunesse, et qui, au travers de leurs retrouvailles, et au-delà des magouilles d’un milieu qui ne veut pas de « vieillards », vont utiliser les technologies modernes pour faire un beau pied de nez aux diktats « jeunistes » de notre société !

Le scénario est enjoué, le dessin l’est tout autant, le tout est fait avec une évidente tendresse des auteurs pour leurs personnages. C’est de la bd souriante, légère, intelligente… De quoi réjouir le cœur et les yeux en ces temps de grisailles sanitaires (et politiques) imposées !

Jacques Schraûwen