Un ministre du travail, rattrapé par ses enrichissements professionnels, découvre le vrai monde du vrai travail. Un livre réjouissant, cynique, et tellement d’actualité, toujours, toujours, toujours…
Henri-Xavier de Lapègre était un ministre en vue. On le voyait, oui, partout, de télé en télé, de ruban tricolore à couper en match de foot à admirer… Il semblait prendre son rôle à cœur, serrait des mains, souriait à tout le monde, pérorait sur l’admirable fonction du travail dans l’élaboration d’une société équilibrée.
Enfin, tout cela, c’était avant ! Avant que ses notes de frais ne fassent l‘objet d’un contrôle dont le constat est immédiat : Henri-Xavier Lapègre n’est plus ministre. Il se sent abandonné dans un univers que, finalement, il ne voyait que de loin. Dès lors, ex-ministre du travail et de l’emploi, il se dit qu’il se doit de ne pas se laisser aller, et de donner l’exemple. Donc, de se rendre à Pôle Emploi et de chercher un nouveau métier.
Et tout ce petit livre merveilleusement incorrect, fantastiquement poujadiste, extraordinairement humoristique, parle de cette recherche d’emploi, des différents boulots que ce personnage fort en gueule et incapable de se départir des plis pris tout au long de ses quelques temps ministériels, que ce chômeur donc va essayer de faire siens !
Boulanger, serveur, facteur, facteur en grève, porteur de café, enfin, dans les couloirs du ministère, Henri-Xavier va voyager, ainsi, dans des « bulles » qui ne conviennent pas à ce qu’était son train de vie.
Il fait encore la une des journaux, mais pour s’y voir décrit comme un loser, comme un reconverti raté, comme le mari d’une femme qui a besoin d’un psy pour sauver la face !
Cela se passe en France, avec l’infrastructure officielle française, avec les médias à la française. Mais cela pourrait (devrait ?…) se passer partout, pour le plus grand bien d’un système politique de plus en plus en phase d’essoufflement !…
Ce petit livre sans d’autre prétention que de nous faire sourire, réussit cependant à dessiner les contours de ce qu’est devenu « LE » politicien, au fil des années. Loin, très loin même d’un homme au service des autres, du peuple, du pays, le politicien n’est plus, finalement, qu’un fonctionnaire comme les autres. La politique est devenue un métier, rien de plus, se drapant derrière les voiles transparents d’un idéal qui n’est le plus souvent qu’une idéologie carriériste !
Alors, oui, c’est un livre «caricatural», manichéen ! Mais, Bon Dieu, qu’est-ce que ça fait du bien ! Qu’est-ce qu’on aimerait bien, en France comme en Belgique, voir nos dirigeants ne plus être impunis par une Justice qui oublie, semble-t-il, ce qu’est la séparation des pouvoirs !
C’est un bouquin sans ambition, certes, mais qui vient à son heure, dans une société, la nôtre, qui, de plus en plus, idéalise celles et ceux qui nous gouvernent ! Et j’ai toujours aimé ces œuvres, quelles qu’elles soient, qui font tomber de leur piédestal des gens imbus d’eux-mêmes et fiers de l’être dans des gouvernements où, finalement, ils se donnent l’illusion de travailler en faisant état d’un agenda surbooké !
« Homo Politicus », c’est un livre marrant, c’est du poil à gratter cher à la revue Fluide Glacial. C’est un livre vraiment positif, parce qu’il fait sourire !
Jacques Schraûwen
Homo Politicus (dessin : Thibaut Soulcié – scénario : Nena – éditeur : Fluide Glacial – 96 pages – août 2020)