Et si la Mort vivait en famille, comme tout le monde !
Il y a le père, la mère, la grand-mère, et le fils.
Ils vivent dans une maison presque banale, s’il n’y avait son jardin dans lequel viennent se pendre régulièrement des passants en mal de suicide.
Ils ont une existence presque normale, s’ils ne formaient pas ensemble la famille de la Mort !
Le fils, qu’on appelle donc « La petite mort », va à l’école comme tous les enfants. Il y a trouvé un ami, Ludo, un ami fidèle, un de ces êtres avec qui c’est à la vie à la mort, comme on dit.
L’autre ami qu’il a, c’est un chat, Sephi.
Il faut dire qu’avoir une vie sociale n’a rien d’évident lorsqu’on a une tête de squelette, tout comme ses parents.
Il en va de même pour les ambitions, les rêves d’avenir. La Petite mort deviendra, quand il sera grand, « faucheur », à son tour, comme son père. Faucheur de vie, faucheur d’espérances.
Et cela, la Petite mort ne le veut pas.
Son désir avoué et peu avouable, c’est de devenir fleuriste. C’est de meubler de couleurs et de sourires le noir de ses vêtements et la grisaille des jours et des années.
Ce livre, donc, nous raconte l’existence de cet être étrange qui nous ressemble tellement et qui, pourtant, ne veut, par obligation, que notre fin. Petite mort deviendra grand, il n’y a pas d’échappatoire.
Mais Petite mort rêve, encore, toujours…
Cyniquement, certes. Mais avec un regard sans concessions sur le monde dans lequel il vit. Même si ce verbe, vivre, n’a, tout compte fait, pas vraiment de sens pour lui …
Ce livre nous montre la Petite mort de jour en jour, de semaine en semaine, en famille, à l’école, avec Ludo. Il nous montre aussi ses travaux scolaires, ses carnets intimes dans lesquels il se dessine telle qu’il est et telle qu’il voudrait être. C’est parfois gore, c’est presque toujours attendrissant.
Mais voilà, même pour le futur « faucheur », l’existence est faite aussi de peines, de larmes, d’horreurs à assumer.
Ludo, son ami, cet humain normal avec qui il se sent en osmose, ce garçon heureux est atteint de leucémie. Et c’est à la petite mort qu’incombera le devoir de faucher cette existence. Ce qui donne l’occasion à Davy Mourier d’une page dans laquelle l’humour laisse totalement la place à l’émotion.
Alors, oui, c’est un livre d’humour. D’humour noir… Le dessin de Davy Mourier en est simple, expressif en même temps, usant essentiellement de noir et de blanc avec, par ci par là, des pages entières en couleurs, les pages qui, en fait, nous font entrer quelque peu dans les attentes et les espérances du personnage principal.
C’est un livre qui raconte une histoire, nourrie d’un imaginaire à la fois collectif et très individuel. On pourrait penser, bien évidemment, à « Pierre Tombal », de Marc Hardy. Mais si l’un et l’autre de ces auteurs prennent comme figure de proue une mort faucheuse de vies, ils le font très différemment. Et chacun avec un vrai talent… Tous publics pour Hardy, plus iconoclaste et plus adulte, sans doute, pour Mourier.
En une période où la mort, en chiffres invérifiables parce qu’officiels, occupe nos écrans, nos journaux, nos quotidiens, il est salutaire de la remettre dans la seule perspective humaine qu’elle peut accepter :
la vie ! La mort est la seule compagne fidèle de l’existence, que nous le voulions ou non, elle est inéluctable.
En rire ou en sourire appartient dès lors à une thérapie salutaire et essentielle : faire de la ronde de nos heures des plaisirs à partager !
Et c’est pour cela, aussi, que je partage avec vous, ici, le plaisir que j’ai pris à lire ce petit album !
Jacques Schraûwen
La Petite Mort 1.5 (auteur : Davy Mourier – éditeur : Delcourt – 96 pages – novembre 2020)