Vingt albums, déjà, pour ce petit guerrier qui cherche sans cesse à sauver sa belle sans jamais y parvenir. Vingt albums de gags dont on connait toujours la fin, la chute ! (Et je dédie cette chronique à Eliane… )
C’est au début des années 90 que Midam, dans les pages du journal de Spirou, crée le personnage de Kid Paddle, un gamin et ses copains fous de jeux vidéo, fan de « trash » aussi, au grand dam du père de Kid, un peu lunaire et très « dépassé ».
Ce qui était au départ une série gentillette à l’attention d’un jeune public a réussi à suivre l’évolution de ce jeune public… L’apparition des consoles de jeu, des jeux de plus en plus élaborés dans le domaine de la virtualité, de cette virtualité de plus en plus présente dans toutes les couches de la société, tout cela a fait de Kid Paddle une série à succès, et a permis à son créateur de s’entourer d’une équipe capable des garder le cap, de continuer à, graphiquement et scénaristiquement, faire de ce gamin un peu allumé un personnage toujours actuel.
Et puis, à force de nous montrer les réactions d’un môme et de ses proches vis-à-vis des univers virtuels de jeux de plus en plus sophistiqués, de plus en plus gore aussi, Midam a un jour créé un personnage de petit soldat soucieux de vivre le grand amour avec sa belle.
Game Over est né, ainsi, au début des années 2000, sous la houlette de Midam, toujours, mais sous la plume d’Adam (entre autres, sans doute).
La gageure n’était pas évidente, mais le pari est gagné, depuis vingt albums désormais !
Le pari d’utiliser des codes « vidéo » que les enfants reconnaissent du premier coup d’œil, mais le faire par petites séquences, par instants choisis dans le cours d’un jeu. Et choisis pour une seule raison, le fait que le chevalier n’arrive pas à ses fins !
Le pari de raconter ces instantanés d’un jeu inexistant en une seule page, usant pour ce faire des codes bien connus des gags rapides et vifs, mais avec un code de plus : tout lecteur sait, dès la première case, que la fin est connue, et qu’elle sera mortelle pour le petit chevalier et/ou sa princesse !
Le pari, également, de choisir pour ces récits en quelques dessins des chemins auxquels les enfants sont habitués : un monde de fantasy dans lequel les monstres pullulent, dans lequel les moyens de les éviter existent, dans lesquels toute erreur de manipulation ludique entraîne la mort, c’est-à-dire la fin du jeu, le game over !
Alors, c’est vrai, on est loin des princes charmants et des princesses enamourées… L’eau de rose devient plutôt un marécage de mauvais sentiments. Et je peux comprendre, bien évidemment, que des gens trouvent tout cela exagéré… Mais ne condamnons pas d’emblée, adultes, ce que nos enfants (ou petits-enfants) aiment dans cette série qui n’est macabre qu’avec un humour que les jeunes générations, qu’on le veuille ou non, savourent avec un vrai plaisir, et sans arrière-pensées morbides ! Certes, la mort n’est pas un jeu, mais ce qui est ludique, c’est le rire, le sourire, l’humour, même et surtout peut-être le plus noir qui soit !
Oui, Eliane, je peux te comprendre…
Mais le monde change, et il nous appartient, à toutes et à tous, de retrouver le sens de l’absurde, cher à l’enfance et aux poètes, et de faire plus que sourire à la lecture des avatars d’un petit chevalier aux mille et une vies, personnage de papier sans cesse renaissant pour de nouvelles turpitudes, anti-héros toujours perdant…
On pourrait sans doute analyser les dessous psychologiques de cette série… La mort est toujours la destination finale de toute errance humaine… Mais les difficultés de la vie offrent toujours, aussi, des possibilités de rédemption…
Mais je ne vais pas rentrer dans ce jeu intello, non.
Je vais simplement dire que « Game Over » me fait sourire, rire même parfois, et que l’absurde de ces gags teintés de virtualité ressemble fort, finalement, à l’absurdité de nos réalités !
Jacques Schraûwen
Game Over : 20. Deep Impact (dessin : Adam et Midam – scénario : Midam et Patelin – couleur : Ben Bk – éditeur : Dupuis – août 2021 – 48 pages