Semblant d’héroïc fantasy et mythologie revisitée dans cet album foisonnant (un peu trop…) mais attachant !
L’impératrix des Amazones, la très jeune et très capricieuse Gazolba, va fêter son anniversaire avec faste, orgueil et festin somptueux.
Seulement, dans la capitale du royaume des Amazones, pour certaines, la gloire des années anciennes, des conquêtes sanglantes, de l’hégémonie évidente de la gent féminine sur l’univers, ce passé manque terriblement ! Jusqu’à ourdir un complot pour ôter le pouvoir de cette enfant sans intérêt et restaurer un régime fort ! Il y a des complots, des compromissions, des alliances, le tout sous la houlette de la baronne Ulcera.
Et puis, il y a les esclaves. Parce que cette société ne survit, finalement, que grâce à ces hommes sans importance qui n’en revêtent une qu’en devenant les objets des mille quotidiens de ces Amazones. Des esclaves qui voient arriver un avatar de Conan et de Spartacus qui ne veut que se révolter, des esclaves aussi soutenus par quelques femmes qui veulent l’émancipation de ces êtres trop considérés comme inférieurs.
Et au milieu de tout cela, il y a la belle Irina, son esclave personnel Adelin, son aidante Kubika, et la capitaine Linielle de la garde impériale, pour sauver une situation qui semble incontrôlable !
Tous les éléments sont en place pour une grande saga guerrière, que nous conte cet album.
Pour traiter de cet univers mêlant antiquité, cruauté, gynarchie, Histoire, violence, Nico, l’auteur de ce livre, a choisi une voie qui, elle aussi, mêle différentes narrations, ou, plutôt, différents points de vue narratifs.
Il y a d’abord l’humour, noir de préférence. Un humour totalement contre les morales bien pensantes qui fleurissent de nos jours, un humour, ai-je envie de dire, à la « Fluide Glacial » des premières années. Un humour également teinté d’une forme bien sage d’érotisme, et qui reste, malgré tout, malgré les jeux de mots parfois un peu lourds, bon enfant.
Il y a aussi l’écriture, littéraire et graphique, qui ressemble assez à une fable. Une fable sur le pouvoir et sur les « valeurs » dont il se revendique, un pouvoir qui ne peut entraîner, finalement, qu’une forme d’esclavage.
Une fable, également, sur les microcosmes qui forment la société, toute société : les obéissances aveugles, les croyances, les révoltes avortées…
Le récit prend également la forme d’une suite ininterrompue de petits moments, de petites tranches de vie, qui nous baladent, justement, dans toutes ces niches de la société.
Enfin, il y a une accumulation, comme dans la vie de tous les jours que nous connaissons, de mauvais choix, de ruades dans les brancards de l’oppression, mais pour de mauvaises raisons.
Le dessin de Nico est parfois encore un peu trop rigide, mais il varie les plans, il aime s’attarder sur les visages, sur les ambiances, sur les groupes également, et ce avec réussite. C’est un dessin que l’on peut inscrire dans la filiation de Wasterlain, donc s’éloignant des codes trop précis engendrés en leur temps par les fameux « Trolls de Troy ».
Nico aime également les références… A la bande dessinée, avec Conan, comme je le disais, avec aussi, de ci de là, Hergé. A notre actualité, avec un personnage qui s’appelle Makron. Avec l’omniprésence, pour les visiteurs de cette capitale des Amazones, d’un collier qui n’est pas sans rappeler notre fameux CST « pandémique »…
Pour ma part, je pense que l’histoire qui nous est racontée aurait gagné en clarté, en lisibilité, en unité, en ne multipliant pas autant ces références.
Je pense aussi que le lecteur peut se perdre dans les péripéties, nombreuses, trop sans doute, qui sont montrées et racontées, le tout au travers de personnages qui, du fait de leur nombre important, ne sont pas suffisamment fouillés pour les rendre attachants.
Un autre point négatif, à mon humble avis, c’est le texte, trop fourni, trop petit aussi… Le condenser aurait fluidifié à la fois le récit et sa mise en images.
Mais cela n’empêche en rien le plaisir que j’ai pris à la lecture de cet album. A découvrir un vrai auteur qui, j’en suis certain, tiendra les promesses offertes par sa manière d’aborder une aventure, de la narrer, de la dessiner, de la mettre en scène. Sa façon de mêler intimement l’imaginaire et le réel est extrêmement intéressante.
Un livre à découvrir, donc, un auteur dont on peut attendre beaucoup…
Jacques et Josiane Schraûwen
Adelin & Irina : La Révolte Des Esclaves (auteur : Nicolas Van De Walle – éditeur : éditions du tiroir – janvier 2022 – 64 pages)