Cette chronique est un hommage, à sa manière, à une série que mon épouse, qui s’en est allée dans des pays qu’on ne sait pas, aimait… Elle en était fan, totalement… Cette chronique est un hommage à Josiane, mais aussi à ce qui est populaire, simplement, marqué d’une appartenance profonde au quotidien d’une région, d‘un pays… Un hommage, aussi, à ce verbe tant et tant de fois trahi : AIMER…
Aimer une femme, un homme, un ami, un livre, une œuvre d’art… Aimer se passionner pour quelqu’un, quelqu’une, quelque chose. Dans « Le Dîner de Cons », le seul être attachant, c’est le con… Celui que les autres définissent comme étant tel. Celui qui, pourtant, est le seul à être capable de passion, tout simplement…
Combien de fois n’ai-je pas entendu des remarques désobligeantes sur les albums de Bob et Bobette : mal écrits, moralistes, pleins de fautes d’orthographe, bâclés, typiquement appartenant à ce qu’on peut appeler la bande dessinée flamande ! Comme s’il pouvait y avoir des bandes dessinées différentes ! Il y a des cultures différentes, et il est essentiel, pour être un humain « debout » d’être capable de les accepter, de les comprendre, de les aimer ! Dans la vie quotidienne comme dans le neuvième art !
C’est de cela qu’il s’agit quand on s’intéresse, vraiment, à l’œuvre majeure de Willy Vandersteen : la culture populaire, la vraie, celle qui s’adresse aux gens, ceux de tous les jours… Qui privilégie l’enfance à « l’adultité »…
Je le disais plus haut : cette série populaire a vu, depuis quelques années, des aventures parallèles, par des auteurs extérieurs à ce qu’on peut appeler le studio Vandersteen.
Et c’est d’un de ces livres que je veux vous parler.
Au scénario de ce Vroum-vroum-club, Yann… Un auteur qui, depuis des années, occupe une place de choix dans le monde des scénaristes… Parfois très sérieux, parfois beaucoup moins, mais toujours soucieux de mêler à ses histoires des références, des provocations parfois, des sourires toujours, des réflexions plus inattendues aussi…
Avec cet album-ci, il reste pareil à lui-même, tout en respectant réellement les codes de la série dans laquelle il se plonge avec délice…
Nous sommes dans les années 60, on parle des Beatles, de la possible invention d’un téléphone portable… Une jeune héritière est enlevée, on demande une rançon pharamineuse, et Bob et Bobette vont s’envoler vers les Etats-Unis, grâce au professeur Barabas.
Et là, plongée à la fois dans le présent et le passé… Le passé de la série, également, avec des références appuyées et parfaitement réussies au « Teuf-teuf-club », un des meilleurs albums de Vandersteen, datant de 1954 (année de ma naissance, tiens…).
Yann ne se contente pas, d’ailleurs, d’insister sur le fait qu’il faut lire et relire ce fameux Teuf-teuf-club ! Il nous remet aussi en mémoire le tout aussi époustouflant « Mousquetaires endiablés »…
C’est cela qui fait tout le plaisir de cet album-ci, aussi : le fait que Yann s’y investisse avec ses souvenirs, ses âmes d’enfant qu’il n’a jamais perdues. Mais mitonnant le tout de dérision, de péripéties et de rebondissements qui s’amusent à jouer avec les codes habituels de la narration, rappelant, en quelque sorte, les trucs et ficelles d’une certaine forme ancienne de ligne claire.
Et le dessinateur Gerben Vakema joue le jeu, lui aussi, réussissant à mélanger une forme de nostalgie à un sens moderne de la mise en scène, de la construction des mouvements, des approches des mimiques des personnages également.
Il en résulte un humour à l’ancienne, mais modernisé dans son fond, gaulois parfois, avec des jeux de mots typiquement belges (Trek ta plan, non peut-être…), avec un très volontaire et très réjouissant sens du politiquement incorrect : de la misogynie très années soixante, et aussi des réflexions qui vont en faire bondir certains comme « cannibales congolais ». Avec cette petite phrase que je ne peux m’empêcher de vous offrir : «… une forme particulièrement maléfique de magie de décervelage de notre époque… la télévision » ! Mais aussi avec une morale de fin dans le vrai style de ce que pratiquait le maître Vandersteen !
Soulignons, enfin, le petit hommage au passage à la belle Natacha de Walthéry !
« Le Vroum-Vroum-Club » est un livre comme je les aime… Et je suis heureux, aujourd’hui, d’avoir pris le temps d’en parler ici, de vous donner l’envie, je l’espère, de le lire. D’avoir réussi, tout simplement, à faire de ce lieu de chroniques un endroit où parler, en fond, de l’amour que j’éprouve pour mon épouse, dont le dernier voyage me laisse désemparé…
Jacques Schraûwen (et Josiane…)
Le Vroum-Vroum-Club (dessin : Gerben Vakema – scénario : Yann – éditions Standaard – 48 pages – 2021)
Belle chronique !
De tout cœur avec toi!
Bel article, merci