… et une enquête menée par une commissaire bien typée !
Une famille, le mari, sa femme enceinte et leur fils, viennent passer des vacances sur une des îles les plus connues de Bretagne. Mais le repos espéré n’est pas au rendez-vous, puisque, dans la maison luxueuse qui jouxte celle qu’ils ont louée, un cadavre est trouvé dans la piscine. Un cadavre qui disparaît pendant le transport vers le port et la navette conduisant au continent. Et commence alors, pour la commissaire Le Ploec’h, une enquête difficile…
Souvenirs personnels…
Nos premières vacances nous ont menés, mon épouse et moi, il y a bien longtemps, en Bretagne. Un pays, un vrai, celui de Glenmor avant Stivell, celui de Servat avant Leroy, un pays fier de son passé, de ses beautés, de sa culture, de son présent.
Nous y sommes, en famille ou rien qu’à deux, retournés plusieurs fois.
Et, bien évidemment, nos pérégrinations nous ont conduits sur l’île de Bréhat que, piétons éblouis, nous avons découverte à notre rythme.
C’est cette île-là que j’ai retrouvée au long des pages de cette bande dessinée qui permet à Nicoby, une fois encore, de se faire le chantre graphique de sa Bretagne.
Avec un dessin simple, tout en souplesse, une approche plus souriante que caricaturale de ses personnages, Nicoby domine son sujet, sans aucun doute. Philippe Ory, le coloriste, l’accompagne dans cette description d’une île étonnante, touristique mais cachant des lieux qui plongent celui qui s’y balade dans des magies de sons, de lumière, de couleurs.
L’alliance entre le travail de Nicoby et celui de Ory n’est à aucun moment un travail de tape-à-l’œil. C’est la simplicité qui le caractérise, et c’est ce qui rend ce livre profondément attachant. Profondément humain…
Du coté du scénario, Patrick Weber parvient à camper des personnages qui ont du corps, qui ont chacun sa manière de parler. Il y a la vieille actrice qui ne demande qu’à être reconnue, il y a le couple de gens simples un peu perdu dans un univers parfois très bling-bling, il y a le riche parvenu et ses filles qui semble sorties tout droit d’une série télé se passant à Miami… Certes, tout cela est, au contraire du dessin, quelque peu caricatural. Mais c’était une nécessité pour que tous ces personnages trouvent immédiatement leur place dans l’enquête.
Ce que Weber réussit aussi, c’est à installer une ambiance, par les dialogues, par la lenteur de l’intrigue, aussi, très tranquille.
Par contre, en ce qui concerne l’enquête qu’il nous raconte, il se plante, à mon humble avis. Si d’aucuns comparent cette enquête à celles qui étaient chères à Agatha Christie ou à Gaston Leroux, ils se plantent tout autant… Bien sûr, tout se termine par une réunion de tous les protagonistes, avec l’explication de ce qui s’est passé. Mais on sent, ici, que Weber ne savait pas comment montrer et raconter cette enquête, et qu’il a utilisé un « truc » sans la moitié du tiers du talent de Christie ou Leroux ! Si dans les quatre cinquièmes de ce livre, on se trouve dans une bédé régionaliste (dans le sens noble du terme) extrêmement agréable, riche, le dernier cinquième, lui, rate tout à fait son coup.
Il y a des vides, des pistes que Weber n’a pas pris le temps d’esquisser au long de son récit. Ce ne sont même pas des raccourcis, ce sont des manques narratifs…
Weber a été bien trop ambitieux, et son talent n’a pas suivi… Rien n’est approfondi de ce qui aurait pu, ou dû, l’être : l’enfance, la richesse, la gloire, la superficialité, l’amour même… Et comble d’un certain narcissisme, c’es Weber lui-même qui souligne dans ce livre la référence à Agatha Christie !
Heureusement que Nicoby, lui, pallie ces manques par la bal(l)ade qu’il nous offre dans des paysages, des regards, des visages, tous habités par une Bretagne qui ne peut qu’en remercier ce dessinateur à l’âme vagabonde et souriante.
Vous l’aurez compris… Ce livre aurait pu être une pépite… Ce que j’appellerais la paresse du scénario, donc du scénariste, en fait un livre agréable, intéressant, et c’est déjà beaucoup ! J’aime Bréhat, j’aime la Bretagne, je veux souligner ici les talents conjugués du dessinateur et du coloriste, mais j’émets des doutes quant à la manière de raconter une histoire de la part de Weber. Il ne fait, en fait, que nous donner des esquisses auxquelles, fort heureusement, Nicoby réussit à donner vie !
Cela dit, si vous aimez ce pays aux vraies richesses, vous apprécierez certainement ce livre, comme je l’ai apprécié. Mais avec une forme d’objectivité…
Jacques et Josiane Schraûwen
Cache-cache Mortel à Bréhat (dessin : Nicoby – scénario : Patrick Weber – couleurs : Philippe Ory – éditeur : Vents D’Ouest – 2022 – 129 pages)