Les commémorations des 80 ans du débarquement en Normandie sont terminées, on a eu droit à super-Macron, au « Jour le plus long » sur nos petits écrans… On peut donc se plonger dans une bd, aussi, excellente… Meilleure que tous les discours officiels et les remises de médailles!
Le 6 juin 1944, commençait le début de la fin de la guerre 40-45. Et les éditions Casterman ont eu l’excellente idée de rééditer, en intégrale, deux albums de la série Airborne 44, un cycle complet parlant entre autres de ce débarquement sur les plages de Normandie, de ce fameux d-day.
En partie seulement, parce que l’auteur, Philippe Jarbinet, ne se contente pas de nous parler de guerre. Il nous parle aussi d’êtres humains perdus dans l’horreur universelle, mais désireux de faire plus que survivre. Dans ce cycle-ci, tout commence en 1938. Gavin, jeune franco-américain, tombe amoureux de Joanne, jeune française. La guerre approche, Gavin s’en retourne aux Etats-Unis, et il revient en France, en Normandie, le six juin 1944… Pour se battre, certes, mais aussi pour retrouver cette femme qu’il aime et dont il n’a plus de nouvelles. C’est donc, essentiellement, une bd qui nous montre à voir des personnages réels, de chair et de sang, d’amour et de peur… Avec une manière pudique de nous montrer ces horreurs, ces violences extrêmes… Parce que, je me répète, ce qui intéresse vraiment Philippe Jarbinet, c’est la vie… Dans ce qu’elle peut avoir, aussi, de plus beau…
Cela dit, une grande partie de cet album est, bien évidemment, consacrée au jour le plus long ! Dans la bd elle-même, dans le dessin, dans la narration… Mais aussi au long d’un superbe dossier dans lequel Philippe Jarbinet nous parle de son travail, nous parle de son approche très humaine d’un conflit qui a changé la face du monde.
On entend parfois des réflexions du genre : « pourquoi parler encore de cette guerre tant et tant de fois racontée, dessinée, analysée ? »
Loin de toute idée de nationalisme, loin, encore plus, de toute apologie d’une sorte d’héroïsme guerrier qui n’a sans doute jamais véritablement existé, parler de la guerre 40-45, c’est parler de l’humain, je l’ai dit, mais celui d’hier comme celui d’aujourd’hui.
Et j’ai envie d’épingler un texte, tout à la fin de cet album, dit par Joanne, des années plus tard, alors que les Etats-Unis se désengagent de la guerre du Vietnam : « De toute façon, si on ne fait pas celle-ci, on en fera une autre. Je n’aime pas le monde qu’on fabrique pour nos enfants. Sombre, moi ? Non… réaliste ! »
Et c’est par réalisme aussi, un réalisme très contemporain, très axé sur notre actualité, que Philippe Jarbinet construit sa série Airborne…
Airborne, c’est une série militaria, comme on dit. Et les passionnés, les amateurs éclairés apprécient le travail extrêmement fouillé de Jarbinet au sujet de tout l’environnement des histoires qu’il nous raconte : lieux, matériel, uniformes…
Mais au-delà de ces « fans », cette série, et singulièrement ce d-day, est bien construite, philosophiquement et passionnément, et se doit de plaire, assurément, à tous les lecteurs soucieux d’humanisme et de mémoire essentielle à la survie de l’intelligence…
Jacques et Josiane Schraûwen
Airborne 44 – d-day (auteur : Philippe Jarbinet – éditeur : Casterman – mai 2024 – 128 pages)