Comme Un Oiseau Dans Un Bocal – Portraits de Surdoués

Comme Un Oiseau Dans Un Bocal – Portraits de Surdoués

La bande dessinée est un média qui ne souffre pas la routine. Et l’éclectisme, en tant que lecteur, s’avère être un chemin permettant de belles découvertes loin des sentiers battus de l’habitude…

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Être éclectique, dans ses choix, c’est accepter de pouvoir être surpris, oui. Et ce fut bien le cas, pour moi, avec ce livre que l’on peut, en partie, qualifier de « didactique ».

 Même si le dessin se révèle efficace, expressif, onirique aussi, je pense que l’important de ce livre ne se trouve pas là, ni dans la construction du scénario. Lou Lubie a voulu faire un album didactique, en effet, et elle y réussit pleinement…

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On est loin, avec son livre, et tant mieux, des idées qu’on se fait des surdoués ! Ne vous attendez pas à plonger dans quelque chose qui ressemble à la série télé HPI (haut potentiel intellectuel), par ailleurs très agréable à regarder… On se trouve très loin aussi de ces parents qui pensent que leur enfant est un génie en herbe, et le disent et le redisent à tout le monde, jusqu’à l’écoeurement !…

Ce qui nous est dit, en fait, dans cet album, c’est que, tout comme les autistes ne sont pas tous « asperger », tous les surdoués n’occupent pas le haut du pavé ni ne sont spontanément heureux.

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Lou Lubie nous raconte la rencontre de hasard entre deux surdoués : un chef cuisinier, d’une part, mais pas un de ces cuisiniers qui se pensent et se disent, de télé en télé, au top de leur métier… Et d’autre part, une jeune femme qui passe de boulot en boulot. Qui se cherche, peut-être, qui a surtout un mal-être qui influence toute sa vie, ses contacts humains, jusqu’à ses amours.

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A partir de ce canevas, l’auteure se fait donc didactique, mais sans emphase, loin s’en faut, même lorsqu’elle aborde des sujets scientifiques précis, comme le calcul du QI, du quotient intellectuel. Elle est tout aussi simple dans son propos comme dans son dessin « animalier » pour nous parler de la différence entre l’apparence et la réalité, ou encore du perfectionnisme qui n’est pas du tout un « truc de surdoués ».

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Ce livre est aussi une très belle histoire d’apprentissage… Celui de l’Amour et de l’Amitié qui ne sont finalement, pour les hpi comme pour tout le monde, que les deux facettes d’un même sentiment… Et, comme message de ce livre, on peut dire avec l’auteure qu’être hpi n’empêche pas tous les troubles mais ce n’est pas un trouble en soi… Ce livre est un bel hymne, à sa manière, à la différence !

La différence… Vous savez, cette réalité qu’on croise tous les jours mille fois, si on se donne la peine d’ouvrir les yeux… Cette force de vie, aussi, qui peut s’épanouir chez tout le monde à partir du moment où l’enfance se vit librement ouverte…

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N’ôtons pas leur enfance, jamais, à qui que ce soit, arrêtons de traiter en « anormaux » ceux qui sont d’abord et avant tout eux-mêmes, c’est-à-dire foncièrement différents de nous. Et ce livre, ainsi, nous permet, nous adultes, d’ouvrir les yeux sur une vérité qui ne demande de notre part aucune aide, mais une attitude intellectuelle, émotionnelle, toute simple : celle de la tolérance.

Jacques et Josiane Schraûwen

Comme Un Oiseau Dans Un Bocal – Portraits de Surdoués (auteur : Lou Lubie – éditeur : Delcourt – septembre 2023 – 184 pages)

Pico Bogue : XV. Les Heures Et Les Jours

Pico Bogue : XV. Les Heures Et Les Jours

Dans le monde de ce gamin avec « le nez en l’air et les ch’veux d’vant », comme le chantait Jean-Claude Darnal, les heures et les jours ressemblent à des rêves partagés, à des amitiés d’éternité…

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Quinzième album déjà, pour Pico Bogue… Quinzième recueil de ses remarques face au monde dans lequel il vit, de ses philosophiques et enfantines constatations, de ses gentilles provocations, de ses aventures exclusivement quotidiennes…

Quinzième mélange de tendresse, d’humour, d’amour, de plaisir des mots comme des images…

Qu’est-ce qui fait la qualité d’une œuvre dans laquelle l’enfance est centrale, d’une œuvre dans laquelle les regards des auteurs, véritablement adultes pourtant, sont ceux des enfants qu’ils ont été, qu’ils redeviennent, qu’ils n’ont sans doute jamais cessé d’être, et qu’ils nous invitent à être à notre tour ?…

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C’est vrai qu’on pourrait avoir peur d’entrer dans quelque chose de déjà connu, de déjà raconté… Dans une sorte de routine, tant dans le scénario que dans le dessin… Mais avec Dominique Roques et Alexis Dormal, il n’en est rien, que du contraire ! Rien de convenu, rien de répétitif, et toujours cette manière tout en douceur de réussir à prendre le lecteur par le cœur autant que par les yeux ! C’est la marque des tout grands… Qui oserait dire que Sempé se répète ? Ou Quino ?

Et je pense qu’on peut le dire aussi face à Pico Bogue !

Oui, j’ose le dire… Depuis Gaston, le vrai, pas cette espèce d’ersatz mercantile qui se vend tristement aujourd’hui comme des petits pains rassis, j’ai rarement eu envie et besoin de rire devant un gag dessiné. Sauf avec Pico Bogue !

Il y a d’abord l’impact immédiat, frontal ai-je envie de dire, du dessin tout en transparence d’Alexis Dormal, un dessin qui accentue avec tendresse les expressions, celles des enfants comme des adultes, parents, profs, commerçants… Un dessin qui parvient à nous faire ressentir jusque dans l’âme les éclats de rire de ses personnages… Un dessin qui ne se contente pas d’illustrer les mots de sa scénariste, Dominique Roques, mais qui semble sans cesse s’envoler un peu plus loin… J’en reviens au gamin de Darnal qui voulait devenir un oiseau… Sous les pinceaux d’Alexis Dormal, Pico Bogue n’a pas besoin d’ailes pour survoler le monde qui est nôtre, ses ambiguïtés, ses hontes, ses tristes bêtises aussi…

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Et puis, il y a le texte de Dominique Roques… Une femme qui, sans aucun doute, a beaucoup observé son fils au long des années, et qui en a gardé une mémoire vive qui est tout sauf virtuelle… Le sens de la répartie de ce gamin de papier est inouï et nous fait regretter, à toutes et tous, adultes soi-disant responsables, de ne pas le posséder au jour le jour pour exprimer, nous aussi, les colères qui sont nôtres… Mais sans violence, jamais ! En élevant la voix, malgré tout, comme le fait Ana Ana, la petite sœur de Pico. Surtout quand leur papa leur dit d’une voix très docte : « Et maintenant, que la colombe de la paix plane sur nous ». C’est bien choisi, répond-elle, l’air pensif… et puis, en criant : « Parce que colombe est un autre nom pour pigeon » !

Parce que, ne nous y trompons pas, Pico Bogue et sa sœur sont loin d’être naïfs. Ils regardent, ils observent, ils « grandissent » sans doute comme le veulent leurs parents, leurs professeurs… Mais ils se battent, à leur manière, pour rester le plus longtemps possible les gavroches qu’ils sont…

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Qu’on ne s’y trompe pas, en effet… Et quand je parlais de Quino ou de Sempé, c’est parce que Dominique Roques et Alexis Dormal ont créé avec Pico Bogue un observateur lucide du monde dans lequel ils évoluent, un monde qu’ils essaient, avec succès parfois, à transformer pour qu’il soit à leur hauteur d’enfance. Comme ces illustres prédécesseurs auxquels rajouter, bien évidemment, les Peanuts.

Et ces enfants vivent, à leur taille justement, ce que les adultes qui les entourent ne vivent parfois que très difficilement : l’amitié, l’amour, la tendresse, la dispute se terminant par des phrases définitives étouffées par des rires souverains. Dans ce quinzième album, on parle d’amour, de désamour, on pare de langage, de poésie, de Lamartine… De la famille, de la pédagogie… Du partage, même et surtout intergénérationnel… Et même d’algorithme ! Celui que Pico se créé, comme une algue au rythme doux qui se balance dans sa mer intérieure, une mer pas du tout polluée par les produits des calculs humains…

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Vous l’aurez compris… Et je l’ai d’ailleurs déjà dit, ici, dans mes chroniques : Pico Bogue est une bande dessinée importante… parce que souriante… parce que tolérante… parce que magique, tout simplement ! Et on en revient à la chanson de Jean-Claude Darnal et son magicien qui rencontra un jour un petit garçon comme il y en a tant…

Les heures et les jours de Pico Bogue et de sa sœur qui prend de plus en plus de place sont des heures d’intelligence, de réflexion, d’humour aussi et surtout… Un humour lucide qui enrichit l’enfance de tous les lecteurs de cette série à ne rater sous aucun prétexte !

Jacques et Josiane Schraûwen

Pico Bogue : XV. Les Heures Et Les Jours (dessin : Alexis Dormal – scénario : Dominique Roques – éditeur : Dargaud – 2023 – 48 pages)

Spirou et la Gorgone bleue s’exposent à Bruxelles du 11 janvier au 3 février

Spirou et la Gorgone bleue s’exposent à Bruxelles du 11 janvier au 3 février

Une occasion à ne pas rater d’admirer le travail de Dany, tant au niveau du trait, de la perspective, du travail de construction de ses pages que de la couleur ! Cela se passe à la GALERIE CHAMPAKA, rue Ernest Allard, 27, à 1000 Bruxelles. Et pourquoi ne pas vous plonger dans cette chronique pour y (re)découvrir cet album et y écouter le scénariste vous en parler…

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Au départ de cette nouvelle aventure, il y a une enquête journalistique de Seccotine, qui la plonge dans le monde très moderne des « éco-terroristes ». Dont un groupe, dirigé par la ténébreuse Gorgone bleue, semble soutenu, voire financé, par le Comte de Champignac.

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Abandonnant leur doux farniente, et prenant le relais de la journaliste, pour des raisons à découvrir dans cet album, Spirou et Fantasio vont se plonger dans un combat contre un industriel pour qui l’écologie ne peut être utile que si elle rapporte fric et pouvoir, un homme d’affaires qui est le maître universel de la malbouffe, et pour qui, à l’instar d’un certain Trump qui a servi de Modèle graphique à Dany pour le dessiner, la société ne peut être que vassale de ses ambitions !

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Avec Yann au scénario, on sait qu’on ne va pas s’ennuyer, qu’il va y avoir, au long des pages, des dizaines de clins d’œil, de références, que l’humour bon enfant et l’humour vache vont se mélanger, que l’aventure sera reine, certes, mais délirante, surtout, et toujours, d’une manière ou d’une autre, axée sur ce qu’est notre monde actuel, sur ce qu’il est en train de devenir, sur ce qu’il nous impose de plus en plus.

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Avec Dany au dessin, on sait aussi que nos regards de lecteurs ne peuvent que sourire, et être éblouis par une maîtrise que nul ne peut contester. Et c’est un vrai plaisir que de voir Spirou et Fantasio se coltiner avec, dans leur environnement proche, des femmes de tous styles, de tous âges, de toutes convictions, et toutes, surtout, dessinées avec un sens de la beauté évident…

Et l’association entre ces deux véritables « auteurs » nous offre donc ce livre étonnant… Etonnant, oui, parce que fidèle au Spirou de Jijé et, surtout, de Franquin, dans le mouvement, dans les gags, dans l’omniprésence de l’aventure. Etonnant, passionnant, jouissif ! Spirou et Fantasio se trouvent confrontés à deux courants d’idée tout compte fait aussi dangereux l’un que l’autre pour la planète peut-être, pour l’âme surtout !

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Et tout notre petit monde va se retrouver épinglé dans cet album haut en couleurs… L’argent et le pouvoir, seuls buts, finalement, des deux côtés de la barrière entre les éco-terroristes et l’industrie à outrance… Les médias et l’éthique, qui font de moins en moins bon ménage… L’insolence de la politique, des réseaux sociaux qui leur sont inféodés, du formatage qui en est une des résultantes déshumanisantes… La pollution, le combat idéologique… On tire tous azimuts, dans ce Spirou, et, bon Dieu, qu’est-ce que ça fait du bien !

Spirou est toujours observateur, toujours lucide aussi, aux côtés d’un Fantasio toujours à la fois déjanté et très sérieux. J’ai pensé, en lisant ce livre, à leur aventure, il y a bien longtemps, avec un char rescapé de la deuxième guerre mondiale…

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Et puis, aussi, qu’est-ce qu’on s’amuse dans cette aventure qui réussit à mêler classicisme et modernité… Il y a par exemple les remarques de Spip, insolentes, avec des jeux de mots à double sens souvent… Il se rattache ainsi à la la famille de la coccinelle de Gotlib ou aux petits personnages de bas de case de la Jungle en Folie de Godard et Delinx. Il y a les caricatures faites par Dany, de Hugues Dayez ou de Thierry Bellefroid par exemple. Il y a les références nombreuses, parfois réservées à la petite Belgique comme « mon cœur saigne »… Le texte est un petit bijou de précision, comme dans une bonne pièce dite de boulevard… Le dessin, lui, que d’aucuns tristounets vont qualifier de sexiste, est d’une splendide lumière, d’un art consommé du paysage, d’une qualité dans le mouvement, d’un travail sur les ombres et les pénombres qui mérite le respect…

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La quatrième de couverture, en outre, nous met l’eau à la bouche, en nous promettant une suite possible…. Pour en savoir plus, écoutez cette interview que Maître Yann a bien voulu m’accorder…

Jacques et Josiane Schraûwen

Spirou Et La Gorgone Bleue (dessin et couleur : Dany – scénario : Yann – éditeur : Dupuis – septembre 2023 – 88 planches)

Une interview in extenso de Yann