Un compagnon de la libération, c’est un membre de l’ordre de la libération, créé par De Gaulle pour récompenser les personnes ou collectivités ayant aidé à libérer la France.
Et les éditions Grandangle éditent, depuis plusieurs mois, une série intitulée justement : « Les compagnons de la libération ». Et cette série, pour son dixième tome, nous fait découvrir une ville, Grenoble, dont l’action de résistance, pendant cette guerre qu’on appelle dernière, a été remarquable…
Le but de cette série, me semble-t-il, n’est pas de mettre en lumière ce qu’est l’héroïsme… Il n’est pas de nous donner des « exemples »… Il est, plus simplement, celui de la transmission, celui de faire de la mémoire la première force de l’intelligence. Une bd, c’est du dessin, c’est aussi du texte… Et Jean-Yves Le Naour, le scénariste de cet album, poursuit bien ce but de transmission…
Grenoble… Une ville en zone non occupée au début de la guerre, pas très éloignée de la Suisse ou de l’Italie… Une ville dans laquelle ils ont été nombreux à dire non à l’occupant, de mille et une manières différentes. Nombreux, par exemple, furent les « passeurs », avant et après que les nazis n’envahissent également ce sud de la France dite libre…
Et ce sont tous ces actes, violents souvent, faits d’attentats, de tracts, de luttes, ces actions que les Allemands qualifiaient de terroristes, c’est tout cela que ce livre nous raconte. Par le prisme du regard d’un « ancien », en fin de vie… Et le récit de cet homme à la poursuite de ses souvenirs, restitue d’une certaine façon la manière dont, jeune, il a abordé la guerre presque comme un « grand jeu »…
La construction narrative de ce livre est assez originale. Le récit, ainsi, met en scène deux époques. Une jeune fille, aujourd’hui, pour un travail scolaire, découvre le passé de résistance de sa ville en rencontrant un vieil homme, dans un home, qui a été acteur de cette résistance.
Ce faisant, on peut dire que ce livre est, véritablement, un acte de mémoire… Son scénariste, historien, a axé toute sa narration, en effet, autour de cette dichotomie entre la jeunesse et les anciens… Avec une fidélité historique sans faille, avec de nombreux détails qui ne sont pas que ceux de la mémoire, aidé par un dessin de Philippe Tarral, à la fois moderne et précis, Jean-Yves Le Naour réussit un des albums les plus aboutis, peut-être, de cette série.
Dans ce genre d’ouvrage, on peut penser se trouver en face d’un discours à la fois historique et idéologique. Ce n’est pas le cas avec Jean-Yves Le Naour, loin de là… Au-delà de la « transmission », de l’importance de créer des chemins de mémoire, il nous fait réfléchir, simplement, sur toutes les guerres, quelles qu’elles soient, celles d’aujourd’hui aussi, en faisant des lecteurs, pourrait-on dire, des héritiers capables de choisir de qui, justement, ils héritent, humainement parlant.
Je ne suis pas, je peux bien le dire, un « fan » des bd guerrières… Surtout de celles qui se contentent de « rendre hommage » à des héros de hasard, à des résistants qui, pour l’occupant, étaient considérés comme des terroristes… Ce n’est pas le cas, ici. On se retrouve dans de la bd historique, sérieusement documentée, sans manichéisme « hollywoodien »… De la bd qui nous parle, d’abord, d’êtres de chair et de sang, tout simplement…
Jacques et Josiane Schraûwen
Les Compagnons De La Libération – Grenoble (dessin : Philippe Tarral – scénario : Jean-Yves Le Naour – éditeur : Grandangle – juin 2024 – 56 pages)