Dans Le Ciel De Normandie 1944 – Une chronique express en complément de toutes les commémorations officielles

Dans Le Ciel De Normandie 1944 – Une chronique express en complément de toutes les commémorations officielles

Un livre richement illustré qui nous montre une autre réalité de la guerre 40-45

copyright paquet

Le 6 juin 1944, le débarquement en Normandie se faisait l’initiale d’une nouvelle phase de la guerre : son aboutissement… Une guerre qui fut aussi vécue, perdue et gagnée dans les airs. Et c’est bien ce que cet album nous montre, tout au long de quelque soixante illustrations.

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Cette guerre que l’on dit stupidement (et menteusement) dernière a sans doute été la première à mettre en lumière les possibilités immenses de la technologie, de la science, même et surtout pour le pire de l’humanité. La force de l’aviation, en même temps que ses progrès techniques, avait déjà été utilisée pendant la guerre 14-18, c’est vrai. Mais c’est bien dans les années 40 qu’elle est devenue une arme redoutable… Dresde, Hiroshima, tant de villes, de routes, de villages mitraillés, aussi, en sont la preuve irréfutable.

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Oui, pendant la guerre 40-45, et en Normandie aussi, pendant ce fameux jour le plus long, l’aviation a eu une importante capitale. Dans la victoire, dans la défaite, dans le sang injustement versé… Et Olivier Dauger, peintre officiel de l’air et de l’espace, a voulu, dans ce livre parler de tous ces engins de mort qui se baladaient dans les cieux du débarquement, comme dans tous les cieux de cette tuerie qu’il faut ne jamais oublier. Il nous les montre au travers d’illustrations nombreuses, techniquement fidèles à la réalité, au gré de fiches techniques, également. Ce n’est donc pas une bande dessinée, mais un livre qui nous raconte et nous dessine ce qu’ont été les avions pendant cette guerre d’horrible mémoire.

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Un bel album, technique certes, mais extrêmement intéressant pour qui s’intéresse à ce conflit… Un bel objet, aussi, un objet de mémoire, à sa façon, même s’il n’insiste pas vraiment sur ce que furent les combats de ce six juin 1944, il y a 80 ans…

Jacques été Josiane Schraûwen

Dans Le Ciel De Normandie 1944 (auteur : Olivier Dauger – éditeur : Paquet – mai 2024 – 64 pages)

Airborne – D-DAY – Deux albums en une petite intégrale, et un dossier passionnant en prime !

Airborne – D-DAY – Deux albums en une petite intégrale, et un dossier passionnant en prime !

Les commémorations des 80 ans du débarquement en Normandie sont terminées, on a eu droit à super-Macron, au « Jour le plus long » sur nos petits écrans… On peut donc se plonger dans une bd, aussi, excellente… Meilleure que tous les discours officiels et les remises de médailles!

copyright casterman

Le 6 juin 1944, commençait le début de la fin de la guerre 40-45. Et les éditions Casterman ont eu l’excellente idée de rééditer, en intégrale, deux albums de la série Airborne 44, un cycle complet parlant entre autres de ce débarquement sur les plages de Normandie, de ce fameux d-day.

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En partie seulement, parce que l’auteur, Philippe Jarbinet, ne se contente pas de nous parler de guerre. Il nous parle aussi d’êtres humains perdus dans l’horreur universelle, mais désireux de faire plus que survivre. Dans ce cycle-ci, tout commence en 1938. Gavin, jeune franco-américain, tombe amoureux de Joanne, jeune française. La guerre approche, Gavin s’en retourne aux Etats-Unis, et il revient en France, en Normandie, le six juin 1944… Pour se battre, certes, mais aussi pour retrouver cette femme qu’il aime et dont il n’a plus de nouvelles. C’est donc, essentiellement, une bd qui nous montre à voir des personnages réels, de chair et de sang, d’amour et de peur… Avec une manière pudique de nous montrer ces horreurs, ces violences extrêmes… Parce que, je me répète, ce qui intéresse vraiment Philippe Jarbinet, c’est la vie… Dans ce qu’elle peut avoir, aussi, de plus beau…

Philippe Jarbinet : dessiner la violence

Cela dit, une grande partie de cet album est, bien évidemment, consacrée au jour le plus long ! Dans la bd elle-même, dans le dessin, dans la narration… Mais aussi au long d’un superbe dossier dans lequel Philippe Jarbinet nous parle de son travail, nous parle de son approche très humaine d’un conflit qui a changé la face du monde.

Philippe Jarbinet: le dossier

On entend parfois des réflexions du genre : « pourquoi parler encore de cette guerre tant et tant de fois racontée, dessinée, analysée ? »

Loin de toute idée de nationalisme, loin, encore plus, de toute apologie d’une sorte d’héroïsme guerrier qui n’a sans doute jamais véritablement existé, parler de la guerre 40-45, c’est parler de l’humain, je l’ai dit, mais celui d’hier comme celui d’aujourd’hui.

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Et j’ai envie d’épingler un texte, tout à la fin de cet album, dit par Joanne, des années plus tard, alors que les Etats-Unis se désengagent de la guerre du Vietnam : « De toute façon, si on ne fait pas celle-ci, on en fera une autre. Je n’aime pas le monde qu’on fabrique pour nos enfants. Sombre, moi ? Non… réaliste ! »

Et c’est par réalisme aussi, un réalisme très contemporain, très axé sur notre actualité, que Philippe Jarbinet construit sa série Airborne…

Philippe Jarbinet : un citoyen, d’abord…

Airborne, c’est une série militaria, comme on dit. Et les passionnés, les amateurs éclairés apprécient le travail extrêmement fouillé de Jarbinet au sujet de tout l’environnement des histoires qu’il nous raconte : lieux, matériel, uniformes…

Mais au-delà de ces « fans », cette série, et singulièrement ce d-day, est bien construite, philosophiquement et passionnément, et se doit de plaire, assurément, à tous les lecteurs soucieux d’humanisme et de mémoire essentielle à la survie de l’intelligence…

Jacques et Josiane Schraûwen

Airborne 44 – d-day (auteur : Philippe Jarbinet – éditeur : Casterman – mai 2024 – 128 pages)

L’Alibi – une plongée, en dix histoires, dans l’univers du mensonge

L’Alibi – une plongée, en dix histoires, dans l’univers du mensonge

Bien des circonstances de la vie nous poussent, parfois, souvent, à nous trouver des excuses, à nous inventer des alibis… En voici dix qui, eux, n’ont pas grand-chose à voir, heureusement, avec nos petits quotidiens !

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Parce qu’ici, avec ce livre construit comme un recueil de nouvelles dessinées, l’alibi dépasse les simples aléas d’une vie « normale ». Ils sont bien plus ce que le besoin de survie est à la construction d’un polar, d’un récit sombre comme la mort ! Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit : la mort, sous dix formes différentes, et les efforts insensés que des coupables font pour ne pas avoir à la subir eux-mêmes !

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14 auteurs, scénaristes et/ou dessinateurs, ont donc été choisis par l’éditeur Philéas pour nous livrer une sorte de tranche de vie dans laquelle l’invention d’un alibi est l’axe central. Dix récits, très différents les uns des autres, mais qui construisent un album dont la construction narrative, cependant, est bien réelle. On part des contes de l’enfance, avec Richard Guérineau, dont le dessin, fort différent de son superbe « L’ombre des lumières », actualise, triture, détruit et détourne un chaperon rouge sans aucune naïveté… Et on arrive, en dernière « nouvelle » dessinée, à l’ailleurs, à ce jugement que l’on dit dernier, dessiné par l’excellente Jeanne Puchol, dont le dessin, d’un froid réalisme, nous plonge, pudiquement pourtant, dans les affres d’une enfance meurtrière…

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Entre ces deux récits, ces deux alibis, huit autres petites histoires nous sont contées, dans des narrations très différentes, je l’ai dit, les unes des autres. Jack Manini détourne à sa manière le mythe de l’alibi parfait. Laurent Astier et son complice Xavier Bétaucourt revisitent froidement la thématique de l’adultère, tout comme Olivier Berlion. Jimmy Beaulieu s’emberlificote dans un récit plus traditionnellement policier, avec un dessin et un scénario qui, pour moi, sont malheureusement le maillon faible de cet album.

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Il y a ensuite Thierry Robin qui remet la qualité à l’honneur, en nous parlant de mort, d’erreur judiciaire, et de football, le tout dans une ambiance à la fois morbide et d’un humour désespéré. Benoît Blary et Laurent Galandon, eux, inspirés quelque peu par Simenon, nous parlent des détails quotidiens de la haine. Vincent Froissard et Etienne Le Roux prennent le relais avec un récit qui nous montre les horreurs derrière le rêve, donc derrière l’enfance, dans un cirque où chacun, finalement, veut aimer et n’arrive qu’à haïr. Et puis, il y a Séverine Lambour et Benoît Springer qui semblent nous parler de folie humaine, mais qui, plus profondément, nous décrivent avec émotion un amour qui refuse de s’effacer…

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Parce que, en définitive, au-delà même de l’alibi sous toutes ses formes, au-delà aussi de l’illustration réussie du mensonge sous plusieurs de ses aspects, c’est un livre qui nous parle d’amour… De haine, également, bien évidemment, l’un et l’autre se révélant les deux faces d’un miroir qui nous renvoie toujours nos propres reflets ! A ce titre, les dix nouvelles dessinées de cet album en font un livre étonnant… Par ses différentes ambiances… Par cette certitude que les dix histoires racontées nous imposent de l’inéluctable finalité des tout alibi, de tout mensonge, donc de toute existence…

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Je le redis : ce livre est une vraie réussite. Il se lit avec plaisir, d’une traite, il frémit de mille existences que nous croisons, qui auraient peut-être pu, qui sait, être les nôtres… Graphiquement, scénaristiquement, il n’y a pratiquement rien à jeter dans ce livre. Au contraire ! Il nous permet aussi de voir évoluer des auteurs dans des univers qui ne sont pas vraiment les leurs. Le talent n’a pas besoin d’alibi, et ce sont les talents conjugués de 14 artistes qui font de ce livre une superbe réussite !…

Jacques et Josiane Schraûwen

L’Alibi (14 auteurs – éditeur : Philéas – novembre 2023 – 121 pages)

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