Bob de Groot : un scénariste sachant scénariser…

Bob de Groot : un scénariste sachant scénariser…

A 82 ans, Bob de Groot a rejoint le paradis des auteurs de bande dessinée pour qui le public était essentiel…

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Qui donc, parmi les amateurs de bd, n’a pas au moins une fois tenu entre les mains un album signé Bob de Groot ?…. Qui n’a pas, au moins une fois, souri aux aventures des héros déjantés et presque surréalistes qu’il a inventés ? Qui n’a pas, au moins une fois, éprouvé un véritable étonnement devant la facilité que ce scénariste avait à passer de l’humour bon enfant à une forme de réalisme dans le propos qui dépassait le cadre étroit de la bonne pensée ?…

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Je ne vais pas, loin s’en faut, vous faire ici un relevé complet des œuvres qui ont vu son nom au générique de leur succès. Un succès que, à l’instar d’un Cauvin, de Groot revendiquait avec le sourire et des étincelles au coin des yeux.

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Je pense, et j’ai toujours pensé, que l’art, quel qu’il soit, ne peut être que populaire. Je suis persuadé que n’importe quel artiste, ou se croyant tel, n’a finalement qu’un but : qu’on voie ses œuvres, qu’on lise ses textes, qu’on écoute ses musiques… L’hermétisme intellectuel qui, de nos jours, fleurit un peu partout dans les domaines de la culture, renie cette vérité… Renie le fait que, même dans l’univers de la provocation, rien ne peut exister, artistiquement parlant, sans qu’un dialogue s’installe entre un public et un auteur.

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Il est de bon ton, aujourd’hui, de regarder de haut ces auteurs « populaires » !… Que des gens imbus de leur personne (je pourrais un nommer pas mal, croyez-moi… Et j’en ai rencontré…) crachent dans la soupe et oublient l’histoire même du média dont ils usent et abusent pour se faire connaître, c’est dans l’air du temps… Freud et Jung n’ont-ils pas dit qu’il fallait tuer le père pour être soi ?… Avec Blutch, au moins, ce passage devient un véritable hommage !

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J’ai, il y a des années, rencontré Bob de Groot, chez lui… Pas pour parler de bande dessinée, mais, à la demande de Nicole Debarre de la RTBF, pour lui demander ce qu’il pouvait conseiller aux auditeurs comme lecture pour les vacances d’été. C’était un homme charmant, tranquille, souriant, accueillant pour le débutant que j’étais. Un homme dont les scénarios enchantaient des milliers et des milliers de jeunes, grâce à un humour qui, parfois, ressemblait à celui de Tex Avery.

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Grâce à un sens inné du « gag », de cette manière, en une seule page, d’accrocher le lecteur et de le pousser très exactement dans la direction voulue par l’écrivain de bd qu’il était.

Ce talent a fleuri dans bien des séries, parfois sorties de la mémoire de tout un chacun…

Mais Bob de Groot, c’était aussi un talent plus réaliste, parfois… Avec « des femmes et des villes », par exemple… Plus poétique, aussi, avec « Alice au pays des merveilles »…

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Bob de Groot, c’était un artiste, un vrai, un de ces êtres humains qui, sans se prendre au sérieux, connaissent leurs capacités et en font profiter, presque humblement, ceux qui aiment ses sourires.

Un auteur, complet, et merveilleusement populaire…

Jacques et Josiane Schraûwen

Lien vers une chronique consacrée à Robin Dubois : SUIVEZ LE LIEN !

Astérix : L’Iris Blanc

Astérix : L’Iris Blanc

Quarantième album des aventures du petit Gaulois super-dopé… Et, pour une fois depuis bien longtemps, une bonne surprise !

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Il serait malvenu, sans aucun doute, en parlant des trop nombreux albums de cette série publiés après la mort de René Goscinny, d’oser en comparer les scénarios (à commencer par ceux d’Uderzo lui-même) à ceux de celui qui reste un des maîtres de la bd…

Cela dit, je l’avoue : comme bien des amateurs du neuvième art atteints d’une forme de collectionnite aigüe, j’ai continué inlassablement à acheter chaque nouvel album d’Astérix. Je n’ai pas aimé, j’ose le dire, les tomes dus au seul Uderzo. J’ai encore moins aimé les autres tomes nés de collaborations que j’ai trouvées, pour le moins, saugrenues, pour le plus, inutiles !

J’ai d’ailleurs ici dit tout le mal que je pensais du Griffon ! Et que je pense toujours !

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Eh bien, je me dois aujourd’hui de souligner la vraie qualité de cet « iris » !

Certes, le dessin de Didier Conrad n’a pas le souffle qu’avait celui d’Uderzo, et je le trouve même souvent tristounet à cause d’un incontestable manque de décors, eux qui aéraient naturellement, sans artifice, chaque planche. Mais les personnages, eux, restent fidèles (cette fois) à ce qu’ils étaient avec Uderzo.

La vraie bonne surprise vient du scénario. Même si, reconnaissons-le, il s’essouffle et se vide quelque peu de sa consistance initiale… Fabcaro, auteur très prolifique depuis le début de notre vingt-et-unième siècle, n’a pas toujours fait dans la dentelle, mais a toujours privilégié l’humour… Entre autre, l’humour bobo et simpliste avec des albums dans lesquels chaque planche voit un unique dessin se répéter, tandis que le texte, lui, change… De la bd à l’envers qui a vu pas mal de critiques s’extasier… Mais selon un système dont je trouve qu’il tourne très très très rapidement en rond… Et à une forme de paresse graphique!

On peut dire de Fabcaro qu’il est étonnant de le voir aux commandes d’un album classique d’un grand classique de la bd !

En fait, Fabcaro a le sens de l’humour… Et sans doute aime-t-il aussi les défis… Il a donc relevé le gant et nous a concocté un Astérix qui renoue, d’une part, avec la critique acerbe de notre société, et, d’autre part, avec l’humour des mots, cet humour qui était, avec la tendresse, la marque de fabrique de Goscinny.

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Bien sûr, il n’a pas la culture latine que Goscinny avait, et qui lui permit de faire des jeux de mots lisibles à plusieurs niveaux. Les amusements de Fabcaro, cependant, retrouvent pleinement l’esprit et le rythme même des éclats de rire que provoquait Goscinny.

Cela fait des années que Fabcaro expérimente les possibles de son talent un peu dans tous les sens, et, ici, il me semble qu’il a trouvé un terrain de jeu où il peut vraiment surprendre ses lecteurs ! Et, sans doute, se surprendre lui-même…

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Alors, oui, j’aime cet « Iris blanc »… J’aime les dérives de notre monde qui y sont mises en évidence, avec un humour qui ne s’interdit pas la méchanceté pour être encore plus lucide… J’aime que soit battue en brèche la bonne pensée à la mode, la positivation des discours et des tristes habitudes, le tourisme, l’art, la ville, la politique, la cuisine moderne, les « bobos », oui, aussi… J’aime le dessin qui, s’attachant aux visages, aux physionomies, accompagne avec réussite les calembours du texte… J’aime la couleur de Mébarki qui est totalement fidèle au style de toujours de cette série… Sans doute reste-t-il encore beaucoup de chemin à faire, mais cette fois, la route est bien entamée…

Uderzo et Goscinny, les vrais parents d’Astérix

Donc, en conclusion, je dirais qu’Astérix renaît enfin des cendres de Goscinny… Sans vouloir lui ressembler, mais en retrouvant, enfin, simplement, le plaisir de faire sourire, voire même de faire rire…

Jacques et Josiane Schraûwen

L’Iris Blanc (dessin : Didier Conrad – scénario : Fabcaro – couleur : Thierry Mébarki – éditeur : Hachette – octobre 2023 – 48 pages)