Ne m’oublie pas

Ne m’oublie pas

Un livre qui nous parle, au-delà de la maladie d’Alzheimer, de ce qui nous est essentiel, notre humanité ! Un petit bijou d’intelligence, une réussite absolue !

Ne m’oublie pas © Le Lombard

Je vais pour une fois commencer cette chronique par un rapide résumé de ce que nous raconte ce livre. Pourquoi cette rupture avec ma volonté habituelle de ne pas suivre un canevas par trop répété ?

Parce que le récit est simple, très linéaire, et qu’il est là pour se dépasser lui-même.

Clémence est une jeune fille qui veut devenir actrice, comédienne. Elle reçoit un jour, alors qu’elle lit du Diderot, un sms de sa mère, qui lui dit que sa grand-mère, placée en home, a fugué.

Ne m’oublie pas © Le Lombard

Mamy va devoir être mise sous médicaments pour que cela ne se reproduise plus. La mère de Clémence l’accepte, mais Clémence se révolte, comme la révolte cette maladie terrible qui fait qu’un être humain ne se reconnaît plus et se perd dans les méandres d’une absence irrémédiable. Mamy, cette grand-mère, n’a plus notion ni du temps qui passe, ni de son âge, ni de son époque. Elle croit que ses parents l’attendent dans la maison de son enfance. Et Clémence décide, sans réfléchir, d’accompagner sa grand-mère dans un voyage vers son enfance, une fugue à deux, loin de la maladie, loin des médecins, loin de l’inéluctable. Et tout ce livre, ainsi, est le récit au jour le jour de cette bal(l)ade qui va conduire une femme en fin de vie et sa petite-fille jusque dans le nord de la France, près de la mer, le long des falaises.

Certes, on peut dire qu’ainsi résumée l’histoire de ce « Ne m’oublie pas » fait penser au film Thelma et Louise, d’abord, par le côté « poursuite » de la narration, avec policiers présents… A un livre, ensuite, et au film qui en a été tiré avec Annie Cordy, de David Foenkinos. « Les souvenirs »

Ne m’oublie pas © Le Lombard

Mais s’il y a filiation, il y a un tout autre traitement. La fuite devant la police n’est qu’une péripétie parmi d’autres, et, au contraire de l’héroïne de Foenkinos qui, elle, n’a que très peu perdu de sa mémoire, Mamy, elle, est dans un univers où la souvenance n’est qu’anarchique.

Une question sous-tend, dès les premières images de cette bd, tout son déroulement : l’être humain peut-il se définir vivant s’il n’a pas en lui une part importante de nostalgie ? Bien sûr, avec Mamy, on peut dire que la nostalgie est l’ultime lien qui la relie à la vie. Mais Clémence, presque ado encore, est tout aussi nostalgique, et quelques flash-backs nous le révèlent.

Alix Garin : la nostalgie

On pourrait croire aussi que le sujet principal de ce livre, c’est la maladie d’Alzheimer, ce fléau du corps comme de l’âme qui, de nos jours, à l’instar du cancer, du diabète, etc., est mis sur le côté de la pandémie qui modifie nos existences. Mais ce n’est pas le cas, ce n’est pas un mélo, loin s’en faut. C’est un livre extrêmement personnel, qui nous raconte la quête d’une femme obligée, par la vie et son amour pour sa grand-mère, de rompre avec ses propres passés d’enfance, d’adolescence, et de s’accepter comme adulte. A ce titre, la maladie n’est qu’une trame de fond pour une quête intime. C’est un peu en face d’un triangle amoureux, au sens large du terme, que nous nous trouvons. Une femme en perdition, sa fille médecin, et sa petite-fille en espérance.

Alix Garin : une quête

Et dans ce trio de femmes, il en est une, la mère, qui reste en retrait. Et on comprend ainsi que cette histoire, pour fictionnelle qui soit, prend ses repères dans les propres vécus de l’auteure Alix Garin. Ce bouquin, ainsi, se révèle également comme la mise en abyme, probablement, de l’existence d’Alix Garin au travers de son personnage imaginé.

Alix Garin : le personnage de la mère

C’est un livre émouvant, dans lequel peu de choses sont gratuites. Les références littéraires, par exemple, de Diderot à Cyrano, ne sont pas là par hasard. Elles permettent de faire du personnage central un être vivant, un être de chair.

C’est un livre dans lequel l’auteure se dévoile, et dévoile ses errances charnelles, aussi.

C’est un livre sur la différence, sur toutes les différences que la vie nous permet ou nous impose.

Ne m’oublie pas © Le Lombard

C’est un livre qui aurait pu être impudique, à certains moments, comme celui où Clémence découvre, de l’intérieur, sa différence par rapport aux autres filles, ou lorsque Clémence et Mamy se retrouvent nues dans une baignoire, face à face. Mais un des talents véritables d’Alix Garin, c’est la profondeur tranquille de sa réflexion, c’est la pudeur de ses propos, donc de ses images. Face à la maladie d’un être cher, on se recherche soi-même, on se retrouve peut-être aussi. Ce livre est à la fois une « road-bd » et une œuvre d’introspection poétique. Tant dans le texte que dans le dessin.

Alix Garin : la pudeur

« Ne m’oublie pas », c’est une plongée dans la vie et toutes ses intimités, par le biais d’une tranche d’existence dans laquelle la solitude, le sourire, l’humour, la tristesse se mélangent sans cesse.

« Trop tard arrive plus vite qu’on le croit », dit un des personnages à un moment clé du livre.

Et pour ce faire, Alix Garin a fait le choix d’un dessin simple, lumineux, avec des décors rares, des couleurs chaudes. Avec une attention toute particulière aux expressions des visages de ses différents protagonistes, même ceux qui ne sont que des silhouettes rencontrées au hasard de l’errance de cette presque adulte et de sa grand-mère. C’est par le biais de l’émotion que toute la sensibilité de ce livre, graphiquement, se donne au lecteur…

Alix Garin : le dessin

Dans la vie, les sentiments ne sont souvent qu’esquissés, même entre celles et ceux qui s’aiment.

Dans la vie, on s’arrête pour regarder quelque chose qui ne sert strictement à rien sinon à « être beau ».

Dans la vie, on cherche à savoir qui on est tout en sachant qu’un jour il nous faudra vivre le poids de l’absence.

Et les mots pour exprimer tout cela ont toujours beaucoup de peine à naître. Et c’est aussi un des plaisirs de ce livre que de nous le faire ressentir, grâce à de longs silences qui n’ont rien de pesant et qui, tout au contraire, contribuent au rythme poétique de ce roman graphique.

Alix Garin : le silence

« Ne m’oublie pas » est un livre tout en émotion. Il est aussi et surtout une œuvre magistrale, de maturité, d’intelligence de conscience, de regard, d’écoute.

Ne m’oublie pas © Le Lombard

Ce premier livre est un chef d’œuvre, croyez-moi. Pour tous ceux qui ont côtoyé la maladie d’Alzheimer, certainement, mais pour toutes celles et tous ceux, aussi, qui aiment que la bande dessinée ose s’aventurer dans les méandres de l’âme humaine !

Un livre pour toutes, pour tous, adultes et adolescents. Parce que c’est avec de telles œuvre qu’on aura un jour la chance de connaitre un monde dans lequel la tolérance et la main tendue seront de mise !

Jacques Schraûwen

Ne m’oublie pas (auteure : Alix Garin – éditeur : Le Lombard – 220 pages – janvier 2021) 

Ne m’oublie pas et Alix Garin © Le Lombard

Lire, pour le plaisir : chroniques express de trois livres de chez Glénat

Lire, pour le plaisir : chroniques express de trois livres de chez Glénat

La bande dessinée peut être délassante, sérieuse, historique, d’aventure. Elle peut aussi être émouvante, et poser des questions importantes sur la vie, ses larmes, ses colères, ses chagrins. C’est un peu de tout cela que vous trouverez dans ces trois albums.

Peau d’Homme

(dessin : Zanzim – scénario : Hubert – 160 pages – juin 2020)

Peau d’Homme © Glénat

C’est en février dernier qu’un des scénaristes les plus intéressants et les plus surprenants de ces dernières années quittait la scène de la vie et de la bande dessinée. Mais l’auteur des « Ogres-Dieux », audacieuse série qui mêle, avec une intelligence dans la construction exceptionnelle, littérature et neuvième art, cet auteur-là ne peut que laisser une trace profonde dans le paysage de la culture.

Le thème essentiel de tous ses scénarios a toujours, quel que soit le récit, tourné autour de « la différence ». Celle de nains dans des pays de géants (l’inverse de l’albatros de Baudelaire…), celle aussi de personnages en quête d’eux-mêmes, en recherche d’une personnalité assumée dans un monde qui s’uniformise. Et cela passait, dans tous ses scénarios, aussi par un questionnement sur la sexualité. La plus grandes des différences humaines n’est-elle pas, en effet, celle qui existe entre la femme et l’homme ?

Peau d’Homme © Glénat

Et ce livre-ci, « Peau d’Homme » ne déroge pas à cette thématique chère à Hubert.

L’histoire est simple, tout compte fait. Dans une ville de la fin du Moyen-Age, la belle Bianca doit se marier, mais sans vrai plaisir, loin de là. Ce qu’elle voudrait, c’est « choisir son époux selon son cœur ». C’est alors que sa marraine lui fait découvrir le secret des femmes de sa famille : une peau d’homme !

Et c’est ainsi que Bianca va revêtir cette peau, devenir, pleinement, le temps qu’elle la porte, un homme, un « mâle ». Et, de ce fait, pouvoir découvrir que son futur mari est infiniment plus attiré par ce qu’elle devient, Lorenzo, un jeune homme avenant et séduisant, que par la future épousée qu’elle est derrière son charnel déguisement. Elle découvre en même temps que le plaisir et le désir sont les axes essentiels de toutes les relations humaines.

Bianca est un personnage très moderne, une femme Indépendante, désireuse de donner à la femme une place reconnue dans une société dirigée par une religion manichéenne qui dénie à l’humain toute autorisation d’aimer dans la chair ses envolées libertines, parce que libres.

Le dessin de Zanzim colle à merveille à ce scénario à la fois léger et universel dans son propos. Souple et simple, moderne dans sa construction, ce dessin rappelle en même temps les enluminures des livres d’autrefois, en ces temps où on disait que l’amour était courtois… C’est un dessin sensuel pour un récit qui l’est tout autant… Un récit qui est un appel vibrant, mais souriant, à ce que toute intolérance disparaisse de la vie, et donc de la vie amoureuse…

Nous Sommes Tous Des Anges Gardiens

(dessin : Franck Biancarelli et Laurent Gnoni – scénario : Toldac – 80 pages – août 2020)

Nous sommes tous des anges gardiens © Glénat

Ne vous arrêtez pas à ce titre, ni à la postface très « mystique », voire ésotérique, de ce livre… Il n’y a dans cet album rien de religieux, pas ouvertement en tout cas. Par contre, il y a une véritable émotion, de bout en bout, un côté presque journalistique de parler de l’horreur quotidienne vécue par quelques personnages.

Nous sommes à Sidney. Un couple regarde à la télé les infos, et le sauvetage d’une fillette kidnappée. La femme de ce couple, Abby, va mettre au monde un enfant mort-né et, quelques années plus tard, un deuxième enfant qui, en prenant son biberon, mourra empoisonné. Et Abby, soutenue totalement par son mari, va être accusée du meurtre de ses deux enfants.

C’est à partir de ce moment-là que le titre de ce livre prend toute sa valeur. Il y a la rencontre avec une femme de ménage aborigène, il y a un avocat, aborigène également, qui va accepter de défendre la jeune femme emprisonnée, il y a le père de la fillette kidnappée des années plus tôt qui va remplir un rôle important.

Nous sommes tous des anges gardiens © Glénat

Ce livre nous parle des rencontres qui nous construisent, il nous parle du hasard et de ses possibles, il nous parle de la vie et de la mort, il nous dit aussi que toutes et tous nous sommes responsables les uns des autres, dans une sorte d’existentialisme idéalisé.

Je le disais, ce qui m’a frappé et plu dans ce livre, c’est le traitement émotionnel de l’intrigue, c’est aussi la volonté des auteurs de ne raconter leur histoire qu’en prenant comme base l’humanité et donc l’humanisme de tous les protagonistes.

Le scénario est très cinématographique, très construit autour de séquences bien orchestrées. Le dessin, réaliste, et proche tout le temps des visages de tous les personnages croisés au fil des pages, évite tout voyeurisme, toute démesure dans le rendu de l’émotion et des sentiments. On n’est pas dans de la « bd-réalité », mais dans une réalité racontée en bande dessinée. Un livre sombre et lumineux tout à la fois, comme le sont toujours les hasards de nos rencontres.

Retour De Flammes

(dessin : Alicia Grande – scénario : Laurent Galandon – couleur : Elvire De Cock et Jean-Baptiste Merle – 64 pages – février 2020)

Retour de flammes 1 © Glénat

Je tiens d’abord à dire que j’ai toujours beaucoup aimé les scénarios de Laurent Galandon. Quel que soit le thème abordé, quelle que soit l’époque des récits qu’il orchestre, son empreinte est celle d’un homme engagé, dans ses idées comme dans ses mots. Un être libre épris de liberté d’expression également et surtout.

Dans ce premier tome d’un diptyque, il en va de même. Bien sûr, c’est aussi et surtout une excellente bande dessinée qui se plonge, au travers de deux enquêtes policières parallèles, dans un Paris occupé par les Allemands…

D’une part, il y a des cabines de projection de films allemands auxquels on boute le feu. D’autre part, il y a une actrice débutante et peu avare de ses charmes qu’on retrouve assassinée.

Retour de flammes 1 © Glénat

Le commissaire Engelbert Lange mène ces deux enquêtes, étroitement surveillé par la police allemande et par des supérieurs (et subordonnés) français soucieux de pratiquer efficacement la collaboration.

En utilisant les codes du polar, Galandon aborde de front la réalité de ces années sombres d’occupation par l’ennemi de la ville lumière. Une ville dans laquelle, les lumières, celles des stars, ne se sont pas éteintes… Galandon nous montre à voir Fernandel, Suzy Delair, Clouzot, et quelques autres vedettes pour qui ces heures allemandes ne furent pas synonymes de chômage ni de pauvreté.

En utilisant un langage de l’époque, le scénariste nous raconte l’histoire du cinéma d’une époque bien précise, de manière fouillée sans jamais être pesante.

Mais il nous parle, ce faisant, de l’homosexualité, condamnée par les nazis autant que le fait d’être Juif, il nous parle du rôle des artistes, des compromissions, du pouvoir militaire et du pouvoir de l’argent, de l’honnêteté intellectuelle de certains et de collaboration d’autres dans la police que l’on disait française…

Cela dit, c’est un vrai polar, bien mené, et dessiné avec une belle vivacité, avec un vrai sens du mouvement. Et la couleur accentue les ambiances, certes, mais elle réussit également à mettre en évidence les sourires des personnages, leurs peurs dans le regard, également.

Trois livres très différents les uns des autres, trois albums qui ne dépareilleront pas dans votre bibliothèque, c’est une évidence !

Jacques Schraûwen

Nestor Burma : 13. Les Rats De Montsouris

Nestor Burma : 13. Les Rats De Montsouris

Un nouveau dessinateur pour cette série policière qui réussit l’amalgame parfait entre les livres de Léo Malet et le dessin, toujours d’après l’univers graphique de Jacques Tardi !

Nestor Burma 13 © Casterman

Léo Malet… Anarchiste, poète surréaliste, écrivain aux nombreux pseudonymes, artiste toujours atypique, toujours empreint d’une évidente révolte également, cet auteur est parvenu à faire du polar français sans être franchouillard, influencé par le roman de détectives à l’américaine mais avec une écriture poétique, rythmée, et avec des thèmes qui dépassent toujours l’anecdote.

Surréaliste, mais loin de toute école dirigée par quelque gourou littéraire que ce soit, Léo Malet a voulu, à sa manière, rendre hommage à ce qu’était, au dix-neuvième siècle, le style du « roman-feuilleton » qui fleurissait dans tous les journaux. Et ce en remettant en mémoire le très oublié Eugène Sue. Eugène Sue qui avait écrit « Les mystères de Paris », en osant raconter les aventures et les déboires du « petit peuple » de Paris, alors que la mode était, tout au contraire, à ne mettre en scène que la bonne société. Longtemps avant Zola, Sue a ainsi marqué l’Histoire de la littérature française. Tout comme Léo Malet a transformé le paysage de la littérature policière française avec ses « Nouveaux Mystères de Paris ».

Nestor Burma 13 © Casterman

Le personnage de Nestor Burma, au centre de ces nouveaux mystères de Paris, est devenu personnage de grand écran (avec malheureusement deux navets notoires), personnage de petit écran, aussi, avec 39 épisodes dans lesquels c’était Guy Marchand qui endossait la personnalité du détective de choc, un acteur que Léo Malet lui-même trouvait excellent dans ce rôle.

Et puis, depuis 1982, Nestor Burma est aussi un anti-héros du neuvième art, avec la rencontre de deux auteurs complets qui ne pouvaient que s’entendre : Léo Malet et Jacques Tardi. Quatre albums sont de la patte de Tardi, qui, ensuite, a laissé la place à Emmanuel Moynot, à d’autres dessinateurs encore, à François Ravard aujourd’hui. Une longue série bd, donc, avec une caractéristique essentielle d’album en album : la fidélité à l’univers très personnel de Malet et à celui, tout aussi singulier, de Tardi.

Nestor Burma 13 © Casterman

Dans ce treizième tome, qui se déroule en 1955, Nestor Burma se balade dans le quatorzième arrondissement de Paris. Il s’agit de chantage, de bijoux disparus, d’un gang de cambrioleurs de caves, « les rats de Montsouris ». Il y a Hélène, la secrétaire de Nestor, il y a aussi deux autres femmes, des resplendissantes rousses, il y a les souvenirs de la guerre, il y a un procureur qui avait la réputation de faire couper la tête à tous ceux qu’il poursuivait, il y a des cadavres, et les habituels coups sur la cafetière que Nestor prend dans chacune de ses enquêtes.

Le scénario d’Emmanuel Moynot est extrêmement bien construit, avec un véritable respect de l’esprit, voire même des mots, de Léo Malet. Le dessin de Ravard ne fait pas oublier celui de Tardi, surtout en ce qui concerne les décors, les rues de Paris, mais il est d’une très belle présence, et d’une vraie personnalité. Son graphisme, à l’instar de celui de ses prédécesseurs dans cette série, est fait d’un noir et blanc profond qui permet des contrastes qui participent pleinement à la narration. Et les couleurs de Philipe de la Fuente ne brisent rien de cette ambiance, bien au contraire, elles permettent même de plonger des séquences entières dans des rythmes très particuliers, très originaux.

Nestor Burma 13 © Casterman

Je l’ai dit plus haut : Léo Malet, dans sa longue existence, a été poète surréaliste. (Et je ne peux que vous conseiller d’essayer de retrouver la monographie qui lui a été consacrée chez « Les Cahiers du Silence ») Et dans cet album, cet aspect de l’art de Léo Malet se trouve à l’honneur, tout comme sa passion pour le surréalisme artistique. Pour l’art naïf aussi… Il y a un poème étrange, né d’une écriture automatique, qui occupe une place importante dans l’intrigue. On retrouve aussi la présence d’Anatole Jakovsky, qui fut critique d’art, et qui se révèle être un ami de Burma.

Ce qui est extraordinaire dans l’œuvre policière de Malet, c’est qu’il nous emmène dans des histoires extrêmement ancrées dans le réel, tout en y insérant ses propres convictions politiques et sociales, au sens le plus large de ces termes. Ce qui est assez unique aussi, c’est qu’il respecte le code habituel des romans policiers traditionnels, un code cher à Poe, déjà, à Christie et à bien d’autres, et qui concerne à tout expliquer dans les dernières pages, et qu’il le fait sans aucunement estomper la force de caractère de Nestor Burma.

Nestor Burma 13 © Casterman

Et c’est cette révolte larvée, ce côté désabusé mais avec une volonté de non jugement, qui est peut-être, dans cet album que je trouve très réussi à tous les niveaux, l’élément moteur de toute la narration, littéraire et graphique.

Ces cambrioleurs à la recherche de perles disparues, ce monde qui voit se côtoyer truands, pauvreté extrême et haute société, cet univers qui est profondément celui de Léo Malet, tout cela se retrouve sous la plume de Moynot et dans le dessin de Ravard.

Nestor Burma © Laffont

Oui, sans aucun doute, ce « Les Rats De Montsouris » est une très belle réussite ! Lisez-le, et, ensuite, plongez-vous dans tous les romans de Léo Malet ! Vous (re)découvrirez un des plus grands auteurs populaires du vingtième siècle !

Jacques Schraûwen

Nestor Burma : 13. Les Rats De Montsouris (dessin : François Ravard – adaptation scénaristique : Emmanuel Moynot – D’après le roman de Léo Malet et l’univers graphique de Jacques Tardi – couleurs : Philippe de la Fuente – éditeur : Casterman – 64 pages – 2020)