De la BD d’aventure, efficace, ancrée dans ce qu’est notre monde, aujourd’hui… Une série classique et passionnante !
Oui, Tango, c’est de la bd d’aventure, presque à l’ancienne, dans la veine de ce que faisait William Vance et Greg avec « Bernard Brazil » dans les années 70, ou Hermann (et Greg, toujours) avec Bernard Prince. Mais avec un regard sans concession sur le monde d’aujourd’hui, également. Tango, c’est de la bande dessinée populaire, mais ce n’est pas du tout dans le style de Treize ou Largo Winch. Tango, c’est un héros infiniment moins monolithique que les personnages créés par Van Hamme.
Avec Tango, on se retrouve en face d’un type qui a un passé trouble et qui, dans les épisodes précédents, avait à se battre contre un cartel de drogue. Une lutte qui lui a permis de faire la rencontre d’un ancien policier, devenu son ami, son compagnon d’aventure. Et dans ce tome 5, on les rejoint, vivant sans soucis, en Argentine.
Tango et son ami Mario y coulent des jours heureux, puisque l’album précédent leur a permis de tirer un trait avec le passé, et, surtout, de le faire avec une belle somme d’argent ! Mais voilà, la vie n’est jamais un long fleuve tranquille, comme le disait l’autre, et, cette fois, c’est le passé de Mario qui va refaire surface. L’Argentine, ne l’oublions pas, c’est un pays qui a vécu des heures particulièrement sombres, il n’y a pas tellement longtemps tout compte fait… Des heures de dictature, des heures de violence, des heures de disparitions sans retour. Et, dans le passé, Mario, policier, avait réussi à arrêter un des tortionnaires du régime, un ancien membre actif de l’opération Condor, orchestrée par la CIA pour contrer dans les années 70 les velléités de révolte de gauche dans les pays d’Amérique latine… Vous voyez, comme je le disais, il s’agit bien de relations étroites avec l’histoire proche de notre époque… Chili, Argentine, dictatures, Kissinger, on retrouve dans tout cela, on le sait aujourd’hui, la présence de la CIA.
Mais ce n’est pas pour autant un livre politique. Cela reste, d’abord et avant tout, un livre d’aventures, avec un scénariste, Matz, qui aime les ambiances glauques dans les histoires qu’il imagine, avec un dessinateur, Xavier, qui excelle, quant à lui, dans le dessin réaliste efficace, dans la construction des planches, dans la maîtrise du mouvement de ses personnages. On peut l’inscrire, sans aucun doute, dans la lignée d’un auteur comme William Vance, avec un trait plus net mais avec tout autant de vie dans le graphisme.
Soulignons aussi l’excellent travail du coloriste Jérôme Maffre, se permettant ici et là d’oublier les codes habituels à la mise en couleurs, comme sur la couverture par exemple. C’est une très bonne série, agréable à lire, en outre, puisque chaque album est un épisode complet, un one-shot.
Jacques Schraûwen
Tango : 5 – Le Dernier Condor (dessin : Philippe Xavier – scénario : Matz – couleurs : Jérome Maffre – éditeur : Le Lombard – 56 pages – octobre 2020)