La bande dessinée est un univers éclectique, et c’est ce qui en fait sa richesse, sa nécessaire présence aux quotidiens de nos découvertes artistiques… Poussez la porte de ces deux galeries bruxelloises pour voir vivre cette bd !
Yslaire à la galerie Champaka jusqu’au 19 juin– Baudelaire, d’abord et avant tout…
Yslaire, au-delà de la rime qui le relie quelque peu à son anti-héros, a trouvé chez lui comme une sorte de miroir de ses propres folies, de ses propres failles, de ses propres dérives. Et son dessin, dès lors, s’est fait démesures… Démesures visuelles, d’abord, démesures de sensations, de sentiments, aussi, surtout sans doute.
Même dans l’excellent « Sambre », Yslaire faisait œuvre réfléchie, construite… Ici, il en va tout autrement. Il y a, comme dans le monde de l’abstraction lyrique, une importance superbe accordée à la gestuelle dans ses dessins, à l’improvisation dans son approche d’un personnage à toujours redécouvrir.
Et c’est cette puissance du trait et de la couleur que je vous invite à découvrir dans la galerie Champaka, au Sablon, pour une exposition envoûtante…
Judith Vanistendael et Simon Spruyt à la galerie Huberty & Breyne jusqu’au 26 juin – La nouvelle vague du Lombard
Deux auteurs belges qui s’exposent aux cimaises de la galerie bruxelloise de la place du Châtelain… Deux auteurs résolument modernes dans leur approche de la bande dessinée… Deux artistes qui font de leur art un dialogue avec la poésie, la mémoire, la culture…
D’un côté, Judith Vanistendael dévoile dans cette exposition sa manière très personnelle d’entrer dans une histoire, dans un récit, de le construire. Pour elle, le dessin doit aller à l’essentiel, sans s’encombrer d’éléments qui ne participeraient pas au récit. Et dans son nouveau livre, « La Baleine Bibliothèque, on la sent heureuse de se laisser aller au gré d’un scénario poétique de Zidrou.
De l’autre côté, Simon Spruyt nous prouve, une fois de plus, combien son dessin aime à ne jamais s’enfoncer dans la routine. A chaque album, cet auteur passionné et passionnant, qui aime utiliser l’Histoire comme canevas pour des réflexions très actuelles, nous offre une approche graphique différente. Et son dernier livre, « Le Tambour de la Moskova », qui nous donne à voir une rencontre imaginaire entre Tolstoï et un ancien tambour de l’armée napoléonienne, est d’une beauté presque expressionniste qui mérite d’être regardée de tout près…
Deux artistes belges qui appartiennent totalement au neuvième art dans toute sa diversité, que je vous invite, ardemment, à découvrir dans cette galerie bruxelloise !
Une exposition au Centre Belge de la Bande Dessinée à Bruxelles
Depuis plus d’un an, la culture est en souffrance. L’édition, il est vrai, ne s’en est pas trop mal sorti. Et la bande dessinée reste un des fleurons de l’édition.
Mais il est tout aussi vrai que bien des projets BD ont été annulés, ou reportés, que bien des jeunes auteurs n’ont pas pu émerger. C’est pourquoi Je pense important de vous parler d’une exposition qui met en évidence une année de bande dessinée en Belgique… Une exposition qui montre la vitalité de la BD chez nous, au nord comme au sud, à vingt ans comme à 60 et plus !
Cette exposition qui a lieu jusqu’en septembre prochain au centre belge de la bande dessinée, à Bruxelles, ne manque ainsi ni d’intérêt ni d’originalité.
D’abord parce que le CBBD, sous l’égide de sa directrice, Isabelle Debekker, s’ouvre aussi, désormais, plus activement à la bd belge contemporaine, sous toutes ses formes. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une belle collaboration entre le CBBD et deux associations d’auteurs. Enfin, parce que l’initiative de Thierry Van Hasselt et Bernard Yslaire débouche sur une exposition sans tape-à-l’œil, mis en scène avec galent par Mélanie Andrieu.
Cela s’appelle « United Comics of Belgium ». Et on y retrouve 27 auteurs, côté à côte, face à face, qui, tous, ont publié en 2020. Des auteurs reconnus, et d’autres venus de la bande dessinée alternative, comme on dit. Et leurs œuvres, aux cimaises du CBBD, entament une sorte de dialogue qui, en fait, se révèle devenir un instantané de ce qu’est la culture du neuvième art dans notre petit pays.
27 auteurs… Comment ont-ils été choisis ?
Une carte blanche a été remise à neuf auteurs qui sont ainsi devenus co-commissaires de l’exposition. Chacun d’entre eux présente ses créations récentes et invite un auteur qu’il considère comme important. Et, en outre, neuf autres artistes ont été choisis collégialement. De Johann De Moor à Olivier Grenson, de Marc Hardy à Mobidic, de Léonie Bischoff à Judith Vanistendaele, entre autres, c’est vraiment un panorama de la bd belge actuelle qui nous est présenté… Flamande comme francophone, il faut le souligner !
Comme dans toute exposition de groupe, tout est toujours affaire de goût… Je trouve intéressant d’y voir la place qu’occupe la bande dessinée non traditionnelle, celle que l’on dit alternative, même si mes attirances personnelles ne sont pas celles-là… Mais j’ai vraiment aimé redécouvrir Jean-Claire Lacroix, classique dans son approche de la narration, juste à côté de l’Anversoise Ephameron et son travail sur la démence. J’ai adoré voir face à face Hermann, le plus extraordinaire des dessinateurs réalistes, et Exaheva, un jeune auteur qui aime la bd expérimentale, numérique et interactive…
Je peux aussi citer Benoît Féroumont et Max de Radiguès, Léonie Bischoff et ses dessins orginaux du livre exceptionnel qu’elle a consacré à Anaïs Nin…
Dans une exposition de ce genre, on ne peut pas tout apprécier, c’est certain… Mais ce que ne pourront qu’apprécier les visiteurs, c’est ce large éventail de créations graphiques qui nous prouve que la bande dessinée est, véritablement un art majeur, aux horizons extrêmement variés ! Une exposition à découvrir par tous les amoureux et les curieux de bande dessinée !
Jacques Schraûwen
United Comics of Belgium, une exposition à voir au Centre Belge de la bande dessinée à Bruxelles jusqu’au 26 septembre 2021