Olivier Cinna était discret, oui… Et talentueux! J’ai eu le plaisir de le rencontrer, lors de la sortie de son album intitulé HIBAKUSHA. Une histoire de survivance au-delà même de la mort…
Pour lui rendre hommage, je vous propose, tout simplement, de relire cette chronique, de l’y écouter, et de relire aussi et surtout ce superbe album…
Ses personnages Godaille et Godasse continueront longtemps à faire sourire!…
Jacques Sandron, certes, ne fait pas partie des « gloires » reconnues de la bande dessinée. Mais il en était un artisan, et son humilité n’enlève rien de son talent.
Pour rendre hommage à cet artiste qui a enchanté quelques-unes de mes lectures, j’ai choisi, tout simplement, de publier ici le texte que Sophie Dumont, des éditions Dupuis, m’a envoyé. Tout y est dit…
Jacques Sandron s’en est allé ce 18 février 2019, à l’âge de 76 ans.
Né durant l’exode le 2 mai 1942 à Le Lude, petite ville du sud de la Sarthe, Jacques Sandron fréquente dans son adolescence l’école des Mines de Falisolle, dans la région de Namur en Belgique. Son avenir semble tout tracé : il sera mineur de fond dans le bassin de Charleroi, tout comme son père. La catastrophe du Bois du Cazier de Marcinelle, en 1956, au cours de laquelle périssent 268 victimes en décide autrement. Il entre, en 1957, comme apprenti aux imprimeries Dupuis. Il y restera jusqu’à sa retraite.
Au début de sa carrière , il s’occupe du retouchage dans les bâtiments de Marcinelle, où est réalisé le Journal SPIROU. Durant une quinzaine d’années, il observe l’évolution du Journal. Le virus de la bande dessinée l’atteint et, en 1975, il présente au rédacteur en chef une histoire qui lui est refusée. Il y fait néanmoins la connaissance de Raoul Cauvin, avec qui il crée « Godaille et Godasse », une série se situant à l’époque napoléonienne. Cette série qui marie l’histoire et l’humour obtient immédiatement du succès dans le Journal SPIROU à partir du no 1938 (5 juin 1975). Elle paraît en albums aux Éditions Dupuis de 1982 jusqu’en 1986, puis poursuivie par MC Productions pour un cinquième et dernier tome en 1988, avant d’être entièrement rééditée en 1991 par les Éditions Jourdan.
En 1984, pour Je Bouquine il imagine avec le même scénariste les mésaventures d’un brave facteur : « Raphaël et les Timbrés », une série qu’il dessinera jusqu’en 1994, date à laquelle il part à la retraite.
Il est resté employé jusqu’au terme de sa vie professionnelle aux Éditions Dupuis, travaillant sur ses bandes dessinées le soir, après sa journée de travail. Jacques a tenu à mener de front ces deux vies professionnelles, un courageux dévouement signe de sa grande passion pour le dessin. Une passion qui ne l’a jamais quitté. Son trait à la plume, vif et acéré, fait de lui un des auteurs des plus dynamique de l’école de Marcinelle.
Une statue de « Godaille et Godasse » devrait voir le jour à Sambreville. Il ne la verra hélas pas.
Les Éditions Dupuis présentent à sa famille leurs sincères condoléances. Le Journal SPIROU rendra hommage à Jacques Sandron dans le n°4222, daté du 13 mars.
Je pense aujourd’hui à sa famille, bien évidemment, mais aussi à Raoul Cauvin qui fut son complice, son scénariste. Même l’humour se doit, parfois, de laisser la place au silence…
J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer ce dessinateur (belge) d’un réalisme presque magique… Un auteur à ne pas oublier !
S’il est vrai que, ces dernières années, Claude Renard avait disparu du monde de l’édition BD, il ne faut surtout pas oublier et son talent, et son rôle important dans l’évolution de la bd des années 70.
Il avait un petit peu plus de 70 ans, et avec lui c’est un « neuvième rêve » qui s’enfonce un peu plus dans l’ombre du passé.
A l’instar de son « complice » Schuiten, Claude Renard fut éclectique, puisqu’il toucha, bien sûr, à la bande dessinée, comme auteur et comme «professeur», mais aussi à l’illustration, à la scénographie, à la mise en scène, à l’élaboration de costumes, pour Franco Dragone entre autres… ou pour Just Jaeckin, au cinéma !
Je l’ai rencontré il y a deux ans, à l’occasion d’une très belle exposition dans une galerie d’art bruxelloise, Champaka, que je vous invite à découvrir si vous ne la connaissez pas…
Tout comme je vous invite à redécouvrir son travail en allant voir ci-après, la chronique qu’alors je lui avais consacrée…
Jacques Schraûwen
Aux Vents Salins : une exposition de Claude Renard, du 8 au 30 septembre 2017
Cimetières de bateaux enfouis dans la vase, offerts aux vents venus du large, carcasses de bois et de métal… Telles sont les œuvres que Claude Renard expose à Bruxelles, aux cimaises de la galerie Champaka.
Claude Renard appartient à l’univers de la bande dessinée dans ce qu’il a de plus innovant, de plus talentueux aussi. En une époque lointaine où la bd se débattait entre le délassement pur et l’ouverture à un monde plus adulte, avec toutes les dérives qui en furent les conséquences, en une époque où les penseurs commençaient à comprendre que la bd possédait un langage propre, Claude Renard fut un pédagogue essentiel. Un » prof « , oui, qui nous fit découvrir, à nous jeunes lecteurs des années 70, des auteurs nouveaux qui nous offrirent des rêves neuvièmes envoûtants et passionnants.
Le Neuvième Rêve, cette revue éphémère dont Claude Renard fut le maître d’œuvre, accueillit ainsi les premiers travaux, qui n’avaient déjà plus rien de balbutiant, de Schuiten, ou Sokal, de Berthet et de bien d’autres…
Dans la foulée de ces découvertes, Claude Renard se fit également dessinateur, avec Schuiten entre autres, pour des albums qui restent importants, sans aucun doute, dans la grande histoire de la Bande dessinée. Mais cela fait bien longtemps que Claude Renard s’est éloigné du neuvième art, au profit de l’illustration, un art où il brille par la précision de son trait, par la poésie de ses réalismes.
Et c’est donc cet aspect-là que vous pouvez découvrir en poussant la porte de la galerie Champaka à Bruxelles.
Les vents salins sont ces vents qui, venus de l’ailleurs des océans, minent et creusent inexorablement les restes de bateaux échoués, silencieux et soumis aux forces du temps, sur les plages de la Bretagne et d’ailleurs…
Les vents salins, en regardant les dessins de Claude Renard, on les entend presque, on les voit pratiquement bouger et faire bouger, et faire crisser, et faire frémir les mâts et les chaînes, la rouille et la destruction.
Lorsqu’on parle d’exposition consacrée à la mer, on pense, bien évidemment, au voyage. Avec Claude Renard, c’est à l’envers que tout se passe. Les voyages sont finis, et ne restent que les épaves des rêves sans doute vécus au fil des vagues, en d’autres moments, en d’autres lieux. L’humain n’a plus sa place dans ce magma à la fois informe et presque sensuel que sont ces vieux bateaux oublieux définitivement des songes à qui ils donnèrent un jour existence.
Ce pourrait être une exposition sombre, faite d’amertume, de nostalgie sans sourire, mais il n’en est rien. Parce que, même sans humains, les dessins de Claude Renard sont vivants… Parce que, même sans couleurs, ils entament, chacun, un dialogue avec le spectateur qui, dans le silence de la découverte, peut voyager, à son tour, et imaginer aux noirs et blancs accrochés aux murs les couleurs de ses propres évasions…
Claude Renard est un artiste discret. Un artiste dans les œuvres duquel vous pouvez, dès aujourd’hui, vous plonger… L’exposition qui est sienne est tranquille, sereine, et, nous montrant des paysages décharnés, ses dessins sont aussi des espoirs de nouveaux voyages…
Jacques Schraûwen
Aux Vents Salins : une exposition de Claude Renard, du 8 au 30 septembre 2017 (Galerie Champaka – Rue Ernest Allard 27, 1000 Bruxelles)