Nager A Contre-Courant – Une enfance en Turquie

Nager A Contre-Courant – Une enfance en Turquie

Vivre, comme nager dans les eaux troubles de l’enfance, de l’adolescence… Vivre et grandir en-dehors des règles et des attentes des « autres »… Un livre déconcertant et intelligemment militant… (Une chronique passée sur l’antenne de la rtbf)

copyright éditions du faubourg

« Nager à contre-courant » nous parle donc, en quinze chapitres, d’une enfance en Turquie. Autobiographie dessinée de l’autrice, Özge Samanci, cet album nous entraîne entre laïcité et fondamentalisme dans les pas de la jeune fille qu’elle a été… C’est un trajet de vie, d’existence même, qu’il s’agit, raconté de manière classique, chronologiquement, mais dessinée de façon bien plus éclatée…

copyright éditions du faubourg

Avec des parents soucieux de la voir faire des grandes études pour ne jamais avoir à dépendre de quelque pouvoir que ce soit, avec, découlant de cela, un père autoritaire avec lequel le dialogue n’est pas possible, avec un monde politiquement oscillant sans cesse entre laïcité et religion, Özge vieillit de page en page, et se découvre d’autres prétentions, d’autres désirs que ceux que la famille ou la société veulent lui imposer.

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Et l’art s’impose à elle, dans cette Turquie qui n’arrête pas, depuis Atatürk, puis avec la dictature militaire, et enfin avec Erdogan, de se chercher, de passer d’émancipation en endormissement, voire en autoritarisme évident…

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Ce livre nous raconte, en cassant les codes de la bande dessinée (le découpage par exemple, l’élaboraton des cases, les dialogues), cet album nous montre, de l’intérieur, une Turquie dont nous connaissons si peu, finalement. C’est le besoin foncier d’une femme de vivre SA vie, contre la famille, contre toutes les idéologies, contre la société qui forme la trame de cette autobiographie dessinée… Avec, en point de mire, l’importance et la puissance de l’art pour y arriver… Une bd qui, malgré les techniques graphiques variées, est faite d’un dessin moderne, à l’accès immédiat.

Jacques et Josiane Schraûwen

Nager à contre-courant – auteure : Özge Samanci – éditeur : éditions du Faubourg – 2022 – 192 pages

Spirou et la Gorgone bleue

Spirou et la Gorgone bleue

Un monde se meurt : celui de l’intelligence, de la création, de l’art… Dupuis retire de la vente un album qui heurte quelques tristes sensibilités outrancières et haïssant l’art et ses libertés !

copyright dupuis

Oui, je vais encore me faire des « amis », et j’en suis fier !!! Il y a des jours où la coupe de l’universelle connerie commence sérieusement à déborder !

Que reproche-t-on à cet album ?….

Je cite : « Des caricatures de personnes noires à l’apparence simiesque, mais également des dessins « misogynes » de femmes. Et toutes les femmes sont hypersexualisées« .

Et donc, parce que quelque 700.000 internautes sur le « culturel » réseau social s’appelant Tiktok ont pris le temps de mettre un like à un message lancé par Dieu sait quelle hystérique, un éditeur décide de retirer de la vente un album, pourtant sorti de presse, cela dit, il y a plus d’un an !

Et cet éditeur, Dupuis, qui a osé publier un Gaston « refait » absolument inutile et ridicule, se permet de parler de « morale » ! Je cite le communiqué de presse : « Plus que jamais conscients de notre devoir moral et de l’importance que représente la bande dessinée en tant qu’éditeur et plus largement le livre dans l’évolution des sociétés, nous prenons en ce jour la pleine responsabilité de cette erreur d’appréciation ».

copyright dupuis

L’emmerdant dans la morale, disait Léo Ferré, c’est que c’est toujours la morale des autres !

J’aimerais, mais je rêve sans doute, que des auteurs, en masse, se soulèvent contre ce diktat qui fait bien plus que ressembler à de la censure idéologique ! Sinon, qu’on n’hésite pas à brûler sur la place publique de la « bonne pensée » les œuvres décadentes de Maupassant, Baudelaire, La Fontaine, Pichard, Tardi, Forest, Léautaud, Villon, Ronsard, Proust, Cocteau, Ionesco, Voltaire, Brel, Brassens, Tillieux, Munoz et Sampayo, et caetera, et caetera… Gardons l’asexué Tintin et les tristes bafouilles de Musso et compagnie…

L’art se meurt, l’intelligence aussi, la culture également, puisque toute culture est, par définition, anti-idéologique et, surtout, faire un mélange de mille et une différences se complétant les unes les autres !

Le sens moral de Dupuis, en l’occurrence, est celui du nivellement par l’obéissance à un ordre moral nouveau qui en rappelle bien d’autres !

Dont acte…

Jacques Schraûwen

Et pour le plaisir, relisez et réécoutez  cette chronique parue en janvier dernier !

La Sève De Nos Vies – Une bd qui parle de l’agroforesterie

La Sève De Nos Vies – Une bd qui parle de l’agroforesterie

Qu’est-ce donc que cette « agroforesterie », néologisme récent mais dont la pratique nous vient des fins fonds de l’histoire de l’agriculture, sans doute… Il s’agit d’associer, sur une même parcelle, des arbres et une culture ou un élevage.

copyright rue de l’échiquier

Et donc, cette bande dessinée a comme but de nous parler de cette technique ancienne, ayant aujourd’hui un nom, qui, à partir de l’écimage des arbres, peut rendre à la nature tous ses possibles, pour les bocages, les haies, la biodiversité donc, les vergers. Et cet album le fait en nous faisant suivre les pas d’une jeune femme, Sandra, qui quitte son boulot, sa ville, sa vie, pour tenter de se retrouver en se réfugiant à la campagne, dans son passé familial.

copyright rue de l’échiquier

Face à l’hostilité qu’elle rencontre, elle enquête sur le passé de sa famille. Et elle s’y trouve confrontée à cette technique, en même temps qu’elle découvre le plaisir, simple, élémentaire (étymologiquement parlant…) de s’enfuir dans la nature pour en ressentir les forces, certes, les sensations aussi.

copyright rue de l’échiquier

Mais n’ayez pas peur, cet album n’a rien de pesant, il ne se fait pas le vecteur de quelque idéologie que ce soit, il est même une sorte de long chant d’amour pour les arbres, pour la sagesse tranquille de leur seule présence … Il y a là une sorte d’utopie intellectuelle, peut-être, mais il y a aussi le symbolisme né du dialogue avec la nature et, ce faisant pour Sandra, dialogue avec sa propre enfance. Le dessin, parfois didactique, parfois extrêmement léché, poétique même, rend l’approche de ce livre et de son message aisé… Agréable… Souriant… Mathieu Bertrand, dans son graphisme, adoucit en quelque sorte le propos parfois très sérieux de Mary Aulne, la scénariste.

copyright rue de l’échiquier

A une époque où on voit, dans nos campagnes, fleurir des fausses haies autour des maisons, agglomérats de pierres enfermées dans une sorte de treillis, il est, me semble-t-il, utile de rappeler ce qu’est une haie, et les centaines de vies qui s’y développent et permettent à la nature, à laquelle nous appartenons, de s’épanouir, tout simplement…

Jacques et Josiane Schraûwen

La Sève De Nos Vies (dessin : Mathieu Bertrand – scénario : Mary Aulne – éditeur : Rue de l’échiquier – 2023 – 140 pages)

Et, pour en savoir plus sur ce sujet, suivez ce lien pour découvrir « Auprès de mon arbre« , un album dessiné par Ernst…