Une bd qui parle d’amour, de quotidien, avec sourire, avec une forme d’émotion tranquille…
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Le titre de ce petit album m’a remis en mémoire un recueil de poésie de l’entre-deux guerres, véritable best-seller à l’époque, et signé Paul Géraldy…
toi et moi-geraldy
Un livre fleur bleue, comme on disait, un livre romantique… Un livre que tous les amoureux de l’époque connaissaient, lisaient, se lisaient l’un à l’autre, tout en regardant, sans doute, les dessins de Peynet.
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Eh bien, cette bd signée Pacco est de ce style qu’on pourrait croire désuet mais qui se révèle réjouissant ! L’histoire que cet album nous raconte est simple : c’est une histoire d’amour vécu au quotidien, au travers de saynètes souriantes, sereines, positives toujours ! Un amour fait de différences et de points communs…
Pacco
Certes, tous les amours ne se ressemblent pas. Mais je pense qu’ils peuvent tous être parfois des chemins qui ont le bonheur de faire croire au bonheur !
copyright casterman
Et, avec ce livre, nous sommes spectateurs de l’amour de Pacco et de sa compagne… S’aimer, quoi qu’en ait dit Saint Exupéry, pour Pacco et la femme qu’il aime, c’est justement prendre le temps de se regarder l’un l’autre… De s’écouter l’un l’autre…
Pacco
La mode, de nos jours, en opposition sans doute à des quotidiens de plus en plus pesants, de plus en plus porteurs d’avenirs aux torpeurs morbides, la mode, oui, est aux livres « positifs », aux livres qui font du bien, aux livres qui s’intéressent plus à l‘intimité qu’à la société. Des livres, peut-être, qui font plus rêver que réfléchir…
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Est-ce que cet album-ci est un peu « guimauve », trop « feel good » ?… Non… C’est un livre qui dépasse cette seule mode, c’est un livre d’émotion et de poésie tranquilles… C’est un livre adorable qui parle d’amour. D’ailleurs, peut-on aujourd’hui être trop feel good ?
Pacco
Et qu’on ne s’y trompe pas ! Parler d’amour, le dessiner au jour le jour, ce n’est pas faire acte de fuite face au réel… C’est bien plus dépasser l’anecdote, aller au-delà de tout jugement, pour remettre à sa place, peut-être, sous une forme naïve, la seule émotion qui peut nous faire, toutes et tous, sentir humains, tout simplement…
Pacco
De la bande dessinée simple, de la bande dessinée « instagram », de la bande dessinée qui fait sourire, réfléchir, rêver aussi sans doute… De la bd dont on aimerait, parfois, qu’elle soit le miroir de ce qu’on vit soi-même…
Jacques et Josiane Schraûwen
Toi et Moi (auteur : Pacco – éditeur : Casterman – septembre 2024 – 126 pages)
Un compagnon de la libération, c’est un membre de l’ordre de la libération, créé par De Gaulle pour récompenser les personnes ou collectivités ayant aidé à libérer la France.
copyright grandangle
Et les éditions Grandangle éditent, depuis plusieurs mois, une série intitulée justement : « Les compagnons de la libération ». Et cette série, pour son dixième tome, nous fait découvrir une ville, Grenoble, dont l’action de résistance, pendant cette guerre qu’on appelle dernière, a été remarquable…
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Le but de cette série, me semble-t-il, n’est pas de mettre en lumière ce qu’est l’héroïsme… Il n’est pas de nous donner des « exemples »… Il est, plus simplement, celui de la transmission, celui de faire de la mémoire la première force de l’intelligence. Une bd, c’est du dessin, c’est aussi du texte… Et Jean-Yves Le Naour, le scénariste de cet album, poursuit bien ce but de transmission…
Jean-Yves Le Naour
Grenoble… Une ville en zone non occupée au début de la guerre, pas très éloignée de la Suisse ou de l’Italie… Une ville dans laquelle ils ont été nombreux à dire non à l’occupant, de mille et une manières différentes. Nombreux, par exemple, furent les « passeurs », avant et après que les nazis n’envahissent également ce sud de la France dite libre…
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Et ce sont tous ces actes, violents souvent, faits d’attentats, de tracts, de luttes, ces actions que les Allemands qualifiaient de terroristes, c’est tout cela que ce livre nous raconte. Par le prisme du regard d’un « ancien », en fin de vie… Et le récit de cet homme à la poursuite de ses souvenirs, restitue d’une certaine façon la manière dont, jeune, il a abordé la guerre presque comme un « grand jeu »…
Jean-Yves Le Naour
La construction narrative de ce livre est assez originale. Le récit, ainsi, met en scène deux époques. Une jeune fille, aujourd’hui, pour un travail scolaire, découvre le passé de résistance de sa ville en rencontrant un vieil homme, dans un home, qui a été acteur de cette résistance.
copyright grandangle
Ce faisant, on peut dire que ce livre est, véritablement, un acte de mémoire… Son scénariste, historien, a axé toute sa narration, en effet, autour de cette dichotomie entre la jeunesse et les anciens… Avec une fidélité historique sans faille, avec de nombreux détails qui ne sont pas que ceux de la mémoire, aidé par un dessin de Philippe Tarral, à la fois moderne et précis, Jean-Yves Le Naour réussit un des albums les plus aboutis, peut-être, de cette série.
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Dans ce genre d’ouvrage, on peut penser se trouver en face d’un discours à la fois historique et idéologique. Ce n’est pas le cas avec Jean-Yves Le Naour, loin de là… Au-delà de la « transmission », de l’importance de créer des chemins de mémoire, il nous fait réfléchir, simplement, sur toutes les guerres, quelles qu’elles soient, celles d’aujourd’hui aussi, en faisant des lecteurs, pourrait-on dire, des héritiers capables de choisir de qui, justement, ils héritent, humainement parlant.
Jean-Yves Le Naour
Je ne suis pas, je peux bien le dire, un « fan » des bd guerrières… Surtout de celles qui se contentent de « rendre hommage » à des héros de hasard, à des résistants qui, pour l’occupant, étaient considérés comme des terroristes… Ce n’est pas le cas, ici. On se retrouve dans de la bd historique, sérieusement documentée, sans manichéisme « hollywoodien »… De la bd qui nous parle, d’abord, d’êtres de chair et de sang, tout simplement…
Jacques et Josiane Schraûwen
Les Compagnons De La Libération – Grenoble (dessin : Philippe Tarral – scénario : Jean-Yves Le Naour – éditeur : Grandangle – juin 2024 – 56 pages)
Ce livre date d’il y a presque quinze ans. Je l’ai découvert lors de la fête de la BD, à Bruxelles… Et je pense que cet album mérite de ne pas être oublié, pour plusieurs raisons…
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La première raison, et la plus importante sans doute, c’est son sujet : le suicide ! Oui, cette réalité dont les médias nous parlent, de temps en temps, comme pour se donner l’alibi de la réflexion sociétale et humaniste… Cette réalité qui touche, de nos jours, dans un silence souvent terrible, bien des gens, de toutes les générations, de toutes les origines sociales, cette volonté qu’a un être humain à décider de quitter définitivement le monde des vivants. Un monde dans lequel il ne se sent plus la possibilité d’exister…
copyright centre de prévention du suicide
Edité par le Centre de prévention du suicide, en 2010, cet album n’a pas été destiné à la vente. Il a été, si mes renseignements sont bons, distribué dans des bibliothèques, des centres médicaux, des manifestations publiques. On peut aujourd’hui le retrouver, je pense, en cherchant un peu… Son but était de faire réfléchir, d’ouvrir les yeux, simplement, sans discours moralisateur, sans appel de fonds, sans d’autre ambition que de laisser 13 dessinateurs de bd et un scénariste nous livrer leurs réactions dessinées face au suicide…
copyright centre de prévention du suicide
Quatorze auteurs, oui, qui, chacun à sa manière, se sont interrogés sur ce qu’est ce geste ultime, sur ce qu’il peut représenter, pour eux-mêmes, pour celles et ceux qui l’ont accompli, pour celles et ceux qui s’en sont revenus de ce lieu entre mort et vie, pour celles et ceux qui en ont été les compagnons ou les observateurs. Cela fait une couverture de Schuiten, d’abord, et, ensuite, douze récits rapides, incisifs parfois, poétiques aussi, douze petites histoires dessinées qui sont autant de jalons, non pas pour comprendre le geste du suicide, mais pour en approcher les méandres…
copyright centre de prévention du suicide
Ne cherchez pas dans ce livre un quelconque « message » bien structuré, bien scénarisé… Chaque auteur, et on le sent de page en page, a eu la liberté de nous offrir un propos sans jamais chercher à l’édulcorer… Cela fait des récits positifs, cela fait des récits pleins de regrets, cela fait des récits sombres et puissants, cela fait un livre hétéroclite qui, finalement, nous parle de nous, de nos propres angoisses, de nos propres manques d’attention, aussi, parfois, souvent…
copyright centre de prévention du suicide
Avec un album tel que celui-ci, ouvrant ses pages à plusieurs auteurs, on ne peut, lecteur, qu’apprécier certains chapitres, en aimer moins d’autres, c’est évident. Et c’est aussi la force de ce bouquin, justement, de ne rien imposer comme regard, comme réflexion. Encore moins comme « morale » ou jugement. Cédric Hervan nous décrit le suicide comme un dernier voyage conscient… Dimitri Piot nous raconte la nécessité, presque poétique, de retrouver le bonheur que la mort de l’aimée a effacé… Cédric Manche nous raconte le hasard qui peut arrêter ce qui semble inéluctable… Bernard Swysen construit une sorte d’enquête policière autour d’une mort volontaire… Jean-Marc Dubois, avec un dessin aux somptueux aplats de noir, nous parle de la mémoire peut-être plus forte que la mort… Marianne Duvivier, dans un style poétique qui lui appartient totalement, réussit à faire croire en l’espérance… Johan De Moor s’essaie à l’humour presque potache… Etienne Schréder parle de lui, et de la force de l’écriture, de la lecture… Renaud Collin et Vincent Zabus dessinent et écrivent la nécessité de l’écoute, la simple écoute de l’autre… Xavier Löwenthal réussit à mettre le doigt sur l’indifférence, cette terrible indifférence qui fait de la mémoire une force inutile… Romain Renard, en touches extrêmement sensitives, aborde la thématique des tentatives de suicide. Et l’excellent Maxime De Radiguès clôture ce livre avec la simple nécessité de l’amitié, de contacts réels entre les vivants…
copyright centre de prévention du suicide
Le voyage dans les paysages de la mort volontaire ne m’a pas été douloureux… Il m’a fait comprendre, et qui n’a pas besoin de comprendre, que le suicide est une route qu’on peut emprunter, sans espoir de retour, pour bien des raisons… Il m’a fait réfléchir à mes propres désespérances… A mes propres errances… Au besoin de l’âme de se trouver des raisons d’exister…
Ce livre est important, parce que non moralisateur, seulement ouvert à la réalité que les médias, aveugles tellement souvent, ne rendent visible qu’au travers de chiffres, de statistiques froides et formatées… Le suicide, la mort en général, ce ne sont pas des chiffres… Ce sont des drames, ce sont des volontés, ce sont des départs foudroyants. Ce sont des gestes qui, autour de nous, existent, et qui pourraient être évités, parfois, si nous prenions simplement le temps d’ouvrir les yeux.
D’aimer…
Jacques et Josiane Schraûwen
Vivre ? (album collectif édité en 2010 par « Centre de Prévention du Suicide » – 02 650 08 69 – ligne de crise 0800 32 123