Ce livre nous raconte la rencontre improbable mais passionnante de personnages mythiques de la littérature : Oliver Twist, Peter Pan, le Capitaine Crochet, H.G. Wells et Jack l’éventreur!
Tout commence, dans ce livre, avec la représentation, au début du vingtième siècle, de la pièce de J. M. Barrie : Peter Pan.
Tout se continue lorsqu’un jeune homme aux longs cheveux blonds vient trouver l‘auteur dans sa loge et réveiller ainsi une mémoire que cet écrivain voulait renier.
Tout, enfin, revient en arrière, dans le temps, dans les années 1880, dans les ruelles d’un Londres victorien où la violence, la misère, la vulgarité et la débrouille sont les réalités premières et essentielles du quotidien de deux enfants qui se rencontrent au fil d’une fuite effrénée : Oliver Twist et Peter Pan.
A partir de cet axiome, celui de donner vie à des héros de papier, de les inscrire dans une réalité historique bien précise, les auteurs de ce livre se lancent dans une histoire sans temps mort, graphiquement et littérairement. Ils nous emmènent à leur suite dans une aventure qui, pour imaginaire et fantastique qu’elle soit, nous parle d’interrogations propres à tout humain.
Parce que la trame de ce premier livre d’une série pleine de promesses, c’est l’enfance… L’enfance qui se refuse à a abandonner ses oripeaux, riches ou pauvres, à s’abandonner aux routes trop sages de l’âge adulte. L’enfance qui n’est éternelle que parce qu’elle continue à rêver à l’impossible. L’enfance qui, surtout, se cherche des racines pour pouvoir oser se croiser aux miroirs du réel.
Les racines, c’est d’ailleurs le point commun de tous les personnages de ce livre : l’absence… L’absence d’une mère, d’un passé capable de les construire.
Même si ces thèmes peuvent paraître lourds, il n’en est rien. Le scénariste, Philippe Pelaez, sait ménager ses effets, il sait aussi donner de la présence, de l’envergure, à tous ses personnages, même les secondaires. Bien sûr, en lisant ce livre, on ne peut pas ne pas penser au sublime Peter Pan de Loisel. Mais l’angle choisi par Pelaez est différent, même s’il est parallèle à celui de Loisel dans sa finalité : démystifier des œuvres de jeunesse dans lesquelles se cachent, finalement, bien des horreurs !…
Et le dessin de Cinzia Di Felice, parfois à la limite du dessin naïf, accompagne parfaitement cette plongée en presque enfance : c’est un dessin qui s’attache aux regards des protagonistes, aux expressions des corps, et qui prend le temps, aussi, d’inscrire ses héros dans un contexte historique graphiquement fouillé. Ses décors nous restituent à la perfection cette époque victorienne aux morales mélangées et toujours douteuses. Grâce à un découpage tantôt vif, tantôt semblant prendre tout son temps, grâce à des plans souvent très cinématographiques, le dessin de Di Felice se révèle très personnel, très attirant…
Et n’oublions pas non plus, surtout, Florent Daniel, le coloriste, qui réussit, avec des couleurs qui ne sont jamais criardes, à créer des ambiances différentes qui rythment réellement le récit de ce livre.
Comment qualifier ce premier volume ?…. Une réussite, voilà ce qu’il est ! Graphiquement, j’ai eu parfois l’impression de plonger un peu dans du Laudy… Mais du Laudy moderne, capable de montrer l’horreur comme la beauté.
Oliver et Peter est une bd adulte. Mais elle est aussi le miroir de toutes nos enfances perdues, irrémédiablement enfouies en des mémoires de pays imaginaires…
Jacques Schraûwen
Oliver et Peter : 1. La Mère de Tous les Maux (scénario : Philippe Pelaez – dessin : Cinzia Di Felice – couleurs : Florent Daniel – éditeur : sandawe.com)