The End: une bd d’anticipation signée par ZEP!…

Et si les arbres se révoltaient et décidaient de remettre l’être humain à sa place, un élément vivant parmi d’autres?… Telle est l’idée qui sous-tend ce livre de SF et d’humanisme d’une beauté et d’une efficacité remarquables… Il est dû à l’immense ZEP, interviewé dans cette chronique!…

The End – © Rue de Sèvres

 » The End « , c’est le titre d’une chanson de Jim Morrison qu’un scientifique botaniste, aux fins fonds de la Suède, écoute chaque jour religieusement. Pour l’aider dans ses travaux, un jeune stagiaire arrive, Théodore. Des travaux dont le contenu le surprend, pour le moins, puisque le professeur Frawley cherche à comprendre la communication entre les arbres et l’humain.
Théodore, rapidement, va s’intégrer dans cette équipe de scientifiques qui va à contre-courant de la tradition. Et, en parallèle de ces recherches qui mêlent en quelque sorte la science et la philosophie, l’auteur de ce livre étonnant nous fait découvrir, un peu partout dans le monde, des morts étranges, complètement inexpliquées et inexplicables.
Et ces deux éléments narratifs vont se rejoindre pour former la trame d’un récit pratiquement apocalyptique.
Cet album revêt une certaine forme de nostalgie…. Celle d’un monde disparu dans lequel l’être humain et la nature parvenaient à communiquer. Mais au-delà de cette mélancolie, il y a de la part de Zep une façon de nous questionner, toutes et tous, sur notre place, aujourd’hui, sur la terre qui est nôtre.
Aujourd’hui, et demain… Parce que c’est de science-fiction qu’il s’agit, bien évidemment, une fiction se basant sur des réalités scientifiques… Une science-fiction, aussi, très proche de l’anticipation, tant il est vrai que c’est dans notre monde d’aujourd’hui que nous balade Zep.
Zep , un auteur qui dépasse l’anecdote narrative pour s’enfouir dans la part d’humanité de tout un chacun. Aucune gratuité dans sa construction graphique et littéraire, mais, sans cesse, des interrogations sur le sens à donner à la vie, un sens nourri sans cesse de certitudes et de doutes entremêlés.

Zep: trouver un sens…
Zep: SF

 

The End – © Rue de Sèvres

Zep, c’est l’auteur adulé de Titeuf… C’est aussi, depuis quelques années, un artiste qui s’éloigne de cet univers connu pour nous étonner, de livre en livre, pour s’étonner lui-même aussi, pour nous emmener à sa suite dans des récits qui aiment à multiplier les personnages. Des personnages qui, tous, grâce à son talent, ont une existence réelle, tangible, même si elle n’est qu’éphémère.
Une existence réelle, sans héroïsme, dans l’ordinaire d’une existence à la recherche incessante de ses propres codes, une existence simplement ordinaire confrontée à l’extraordinaire…

Zep: les personnages

 

The End – © Rue de Sèvres

Il y a dans cet album, dans ce  » roman graphique « , autant d’onirisme que de réalisme, et le tout est construit de façon très cinématographique, en séquences qui, chacune, met en évidence une des réalités des acteurs de cette bd. Ce sont un peu, aussi, comme des chapitres qui se suivent, se complètent, et, tous ensemble, créent un univers très personnel.
Pour que cet ensemble de séquences se révèle homogène, pour que le récit que rythment ces chapitres forme un tout qui ne déstabilise pas le lecteur, Zep utilise la colorisation comme un code qui lui est propre. Avec des tonalités monochromes, il parvient à restituer des ambiances très sensuelles, comme la chaleur, le froid, le contact même… Et il le fait en charpentant son récit de telle manière qu’à aucun moment il ne perde de son intensité et de sa lisibilité.

Zep: le dessin et la couleur

 

The end – © Rue de Sèvres

Les arbres communiquent, et l’homme est incapable de les entendre… Mais il se comprennent entre eux, et tissent, tout autour de la planète, une toile qui, un jour, devient comme celle des araignées, et emprisonne les humains, les tue, les détruit, pour sauver la Terre… Les arbres régulent la vie et l’humanité pour se préserver eux-mêmes de la disparition. Mais ils le font en évitant l’apocalypse puisqu’ils décident de garder une communauté humaine qui devrait être capable de ne pas retomber dans les mêmes folies.
Avec un thème pareil, traité tout en douceur, tout en impressions, tout en sensations, l’arbre, graphiquement, se devait d’occuper l’essentiel de l’espace, et c’est bien le cas. Zep, en dessinant les arbres, prend un plaisir évident, un plaisir sensuel, un plaisir, en tout cas, né d’une forme étrange de dialogue avec ces éléments de notre planète que, finalement, nous connaissons très peu encore ! C’est au travers de ces arbres que Zep nous parle de sagesse, de pouvoir, de combat entre l’intelligence et la volonté de dominer…

Zep: les arbres
Zep: dessiner les arbres

Le trait de Zep est reconnaissable entre tous et a fait bien des suiveurs, voire des imitateurs. Le ton de Zep, par contre, n’appartient qu’à lui, et tous ses livres qui s’éloignent des cours de récréation chères à Titeuf ressemblent bien plus, finalement, à des poèmes graphiques qu’à des romans graphiques !
Et notre monde manque cruellement de poésie!…. Merci, donc, de nous offrir de tels livres!…

Jacques Schraûwen
The End (auteur : Zep – éditeur : Rue De Sèvres)