La Fille De L’Exposition Universelle: Paris 1867

La Fille De L’Exposition Universelle: Paris 1867

La belle Julie Petit-Clou perdue dans les remous de l’Histoire !

Histoire, fantastique, mystère… Une série qui tient toutes ses promesses! Avec passion, avec humour, avec érotisme aussi, de ci, de là…

La Fille de l’Exposition Universelle © GrandAngle

Deuxième tome d’une série qui conjugue l’humour, l’imagination, l’Histoire, le fantastique, le progrès, la décadence, la dictature… Deuxième tome d’une série qui a décidé, avec le sourire, de nous faire le portrait, à chaque nouvel album, d’une époque précise, d’un moment où se mélangent une certaine idée du modernisme et un « peuple » qui n’en est que le spectateur. Deuxième aventure pour une jeune femme courtisée par bien des amants en puissance et qui, possédant un don de voyance, devient un élément moteur dans des « enquêtes » passionnantes, passionnées, et, ma foi, passionnelles !

Cette jeune femme est le personnage central du récit, même si l’intrigue, LES intrigues, elles, ne se présentent à elle que par une sorte de hasard sans âme.

Elle ne se met en évidence que grâce à la confrontation de son existence de romanichelle avec quelques « méchants » qui, le plus souvent, se cachent sous des apparences plus que bienveillantes !

Et c’est là la force première du scénario, d’ailleurs, de Jack Manini : nous montrer une héroïne qui, tout compte fait, et malgré sa force et son « don », se révèle d’une émouvante fragilité, et nous révéler également, en même temps, que les bas-fonds de la société ne sont pas toujours là où on les imagine, là où on les attend !

La Fille de l’Exposition Universelle © GrandAngle
Jack Manini : l’héroïne
Jack Manini : les méchants

Jack Manini aime varier les plaisirs. Tantôt dessinateur, tantôt scénariste, plus rarement les deux en même temps, il aime les personnages hors du commun, dans le sens premier de cette expression, les êtres humains qui, ballottés par des événements extérieurs ou de manière totalement volontaire, se révèlent et se définissent par leur différence. Et ses scénarios, dès lors, pour tenir la route, comme on dit, se doivent à chaque fois d’être fouillés, tant au niveau du contexte que de la personnalité, tant au niveau littéraire qu’à celui de l’environnement et du décor qui, toujours chez lui, est un personnage à part entière.

C’est encore le cas ici, et il a trouvé en Willem un dessinateur capable à la fois de scènes très intimistes, pour s’approcher au plus près de ses personnages, héros ou anti-héros, et à la fois de grandes fresques graphiques qui restituent, avec un sens du mouvement parfaitement réussi, des lieux, des ambiances, dans toutes leurs diversités plurielles possibles !

La Fille de l’Exposition Universelle © GrandAngle
Jack Manini: Les personnages et le dessin de Willem
Etienne Willem: de la documentation au dessin
Etienne Willem : le décor, la collaboration

Incontestablement, Willem s’est entièrement approprié cette histoire, il l’a faite, graphiquement, totalement sienne. Et le scénario nous montrant, d’album en album, des personnages qui vieillissent, Willem peut montrer toute l’étendue de son talent en se plongeant dans les âges de la vie, en nous montrant, à sa manière, que les années qui passent se marquent dans les attitudes, dans les traits, dans les démarches, dans les apparences, sans pour autant que se perde la beauté originelle. Quelle que soit la forme que prend cette beauté.

Outre son trait enlevé, vif, capable ici de mouvement, là d’observation pure, il faut aussi signaler la superbe mise en couleurs. Tanja Wenish, la coloriste, ne se contente pas de nous montrer des « tableaux », mais, de par son sens de la couleur, jusqu’à une certaine monochromie de temps en temps, de par son sens aigu de la lumière, également, elle nous « raconte » des instants, des moments et des lieux qui, tous, ont leur propre existence, leur propre tonalité, et la construction qui est sienne permet ainsi à l’œil du lecteur de ne jamais se perdre en route, et de toujours partir à la découverte de détails que la lumière, justement, met en évidence.

La Fille de l’Exposition Universelle © GrandAngle
Etienne Willem : la couleur

Cet album, et le précédent de cette série, et les suivants à venir, très certainement, sont des livres d’aventure, certes… Des livres qui s’enfouissent dans des époques historiques bien précises. Et un des plaisirs pris à la lecture de cette fille de l’exposition universelle (des expositions universelles, plutôt) naît du nombre de personnages réels qui émaillent les péripéties des aventures racontées. Il y a le Tsar, il y a des anarchistes, il y a Haussmann et ses travaux à la fois sublimes et extrêmement déshumanisants, il y a l’empereur Napoléon 3… L’Histoire, la grande, reste omniprésente, sans jamais être pesante, et laisse la place, très souvent, à l’humour, tant dans le texte de Manini que dans le dessin de Willem.

La Fille de l’Exposition Universelle © GrandAngle
Jack Manini et Etienne Willem : l’humour

Dans cet album, on ne peut que souligner l’intelligence des portraits. Rien n’est tout blanc, rien n’est tout noir, et certainement pas l’empereur Napoléon 3, par exemple, que les auteurs, ici, nous montrent dans toute son ambiguïté.

On ne peut qu’insister également sur la volonté des auteurs de ne pas hésiter à nous montrer l’existence dans tout ce qu’elle peut avoir de sombre, jusqu’à la haine, jusqu’à l’amour détruit, jusqu’à la mort…

Ce qui est remarquable, dans cette série, outre le fait que les personnages vieillissent, c’est la volonté de Manini et Willem de réaliser chaque album comme un vrai one-shot.

La fille de l’exposition universelle est une héroïne à la fois hors du commun et à la fois exceptionnelle, qui ne pourra, j’en suis convaincu, que vous plaire !

Jacques Schraûwen

La Fille De L’Exposition Universelle: Paris 1867 (dessin : Etienne Willem – scénario : Jack Manini – couleur : Tanja Wenish – éditeur : Grandangle)

Le Football

Le Football

Le regard analytique et politiquement incorrect d’un dessinateur de bd…

Bastien Vivès, c’est de la bande dessinée… Mais c’est aussi de l’humour, de l’observation, et, dans ce livre-ci, une vision sans concession du football/fric/spectacle ! Il dessine ce que bien des gens pensent tout bas !

le football
le football © Shampoing

A 35 ans, Bastien Vivès est un de ces auteurs qui osent ruer dans les brancards de la routine éditoriale et du  » bien-pensant « , en nous racontant des histoires qui s’écartent résolument des sentiers battus.  » Une Sœur « ,  » Le Chemisier « ,  » Attention Chien Méchant « ,  » Petit Paul « , autant de livres qui, ces dernières années, ont marqué le neuvième art… Des livres qui n’hésitaient pas à s’enfouir dans le monde du désir charnel, de l’érotisme le plus débridé, de la violence la plus répugnante, mais aussi dans le quotidien vécu à taille humaine.

Et donc, ce dessinateur qui est sans doute un des plus doués de sa génération, s’attaque (le mot est bien choisi !…) au football, ce sport qui électrise les foules et crée des gradins remplis de moutons bêlant tous dans la même direction !

le football
le football © Shampoing

C’est de l’humour, bien sûr ! Mais pas seulement ! C’est d’abord un livre fait par quelqu’un qui, incontestablement, connaît et aime le football. Mais quelqu’un, aussi, qui regarde un peu plus loin que le spectacle (de qualité ou pas…) qui se déroule sur le terrain. Avec une méchante subjectivité qui fait bien plaisir!

Et il aborde dans ce petit livre des thèmes aussi variés que l’hymne national chanté avant un match international ou que la fabrication des ballons de foot par des enfants-esclaves. Il nous montre aussi, en dessins qui ressemblent à des instantanés, la pauvreté des propos  » sportifs « , qu’ils soient ceux des joueurs ou ceux des journalistes dits spécialisés. Il décortique, avec un humour qui va jusqu’à l’absurde, les négociations entre les agents de joueurs ou les dirigeants de clubs. Sans oublier, bien évidemment, le rôle prépondérant des entraîneurs, coupés du réel, les vrais, sur le bord du terrain, et les milliers d’autres, au bistrot ou dans les gradins !

le football
le football © Shampoing

De tous les sports, le football est devenu, en quelques décennies, un phénomène de société. Un symbole, même, de ce qu’est notre société basée sur la rentabilité, l’argent, le pouvoir, la renommée. La  » prétention « , aussi !

A ce titre, ce Bastien Vivès fait presque œuvre de sociologie… mais toujours avec le sourire au coin des lèvres et du dessin ! Même quand il parle du machisme le plus imbécile qui soit !

L’humour est un chemin de traverse…

Un chemin qui peut faire réfléchir… Un chemin qui peut se révéler plus qu’absurde, totalement surréaliste, comme quand Vivès nous montre, assistant à un match de foot, un père expliquer à son fils que Jésus appartient à la vérité du football !

L’humour de Vivès est un miroir… Dans lequel nous nous reflétons… Et j’ai particulièrement aimé la petite séquence qui met en scène deux amis d’enfance, une star de foot et un copain qui prépare son bac…

le football
le football © Shampoing

Ce que j’aime aussi, et surtout, dans ce livre, c’est que Bastien Vivès se fait l’observateur de la bêtise, de toutes les bêtises, un peu comme Audiard le faisait. Mais sans user du  » mot « , rien qu’en retranscrivant ce qu’il a entendu, ce qu’il a observé, ce qu’il a compris.

Il tire dans tous les coins, et personne n’est épargné, ni les journalistes-journaleux, ni les joueurs, ni les supporters.

Le trait est simple, vif, parfois à peine esquissé, mais d’une efficacité redoutable. Les dialogues sont simples, eux aussi, et toujours totalement plausibles.

L’ensemble, c’est un petit livre qui se lit en riant jaune, surtout quand on aime regarder un bon match de foot!

C’est un livre salutaire… Qui m’a donné l’envie à retrouver chez Desproges et Serre ce qu’ils pensaient, disaient et dessinaient, eux, de ce sport emblématique d’une société aux valeurs de plus en plus sans valeur !

Jacques Schraûwen

Le Football (auteur : Bastien Vivès – éditeur : Delcourt/Shampoing)

Bruxelles 2019 – A l’occasion de la Belgian Pride du 18 mai, trois albums bd à découvrir

Bruxelles 2019 – A l’occasion de la Belgian Pride du 18 mai, trois albums bd à découvrir

C’est en 1996 qu’a eu lieu, pour la première fois à Bruxelles, la Gay Pride. A l’époque, seules quelques petites centaines de militants festifs avaient défilé… Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, loin s’en faut, et, le 18 mai prochain, la foule sera au rendez-vous. L’occasion de découvrir la bd «gay» dans trois de ses aspects…

Un Monde De Différence (auteur : Howard Cruse – éditeur : Vertige Graphic – exposition au Comic Art Factory à Ixelles à partir du 17 mai 2019)

https://www.comicartfactory.com/

A quelque 75 ans, Howard Cruse, fils de prédicateur, est à inscrire dans deux courants artistiques américains complémentaires : d’une part, l’underground, qui osait, à l’instar de Crumb, un langage, tant dessiné que littéraire, opposé à tous les codes du bienséant, et, d’autre part, la tendance initiée par « Mad » et qui osait rire de tout avec un sens de l’absurde qui ne fut pas sans influencer Gotlib de ce côté-ci de l’Atlantique.

Mais pour Howard Cruse, l’important fut très vite de dépasser ces frontières culturelles pour parler, simplement, de la liberté, de toutes les libertés. Et c’est ainsi que, dans « Un monde de différence », c’est un peu lui qu’il dessine sous les traits de Toland Polk, un homme du sud des Etats-Unis cherchant d’abord à nier ses « penchants homosexuels », mais amené, peu à peu, à les accepter, à les revendiquer, et ce dans un monde en changement (comme le disait Bob Dylan). Dans un monde où la marginalité était plurielle, où les différences et leurs revendications se côtoyaient dans ces marginalités. Dans un univers où résister à la pression d’une politique et d’une philosophie de vie déshumanisantes amenait toutes les différences à s’accepter les unes les autres pour un combat de tous les jours destiné à la recherche d’une vraie liberté de vivre et de penser, d’aimer et d’être aimé.

Ce livre raconte la grande Histoire de la lutte Gay, entre autres, il est le récit d’une quête identitaire et initiatique, spirituelle et sexuelle. Avec un dessin extrêmement précis et personnel, Howard Cruse a signé un vrai document important de la société gay… A découvrir jusqu’en juillet dans une galerie bruxelloise, le Comic Art Factory !

Freddie Mercury (auteur : Alfonso Casas – éditeur : Paquet)

Avec ce livre-ci, les éditions Paquet peuvent donner l‘impression de surfer sur le succès cinématographique de ces derniers mois. Mais qu’on ne s’y trompe pas, on ne se trouve pas en présence d’un simple biopic, mais d’une analyse assez fouillée de l’œuvre de Freddie Mercury, illustrée de dessins qui rendent autant hommage à l’artiste qu’il était qu’au contenu de ses chansons et qu’aux combats libertaires que ces chansons représentaient.

Ce livre, ainsi, est destiné à tous les admirateurs de Mercury. Mais son intérêt réside aussi dans la façon dont son auteur dresse un portrait sans avoir l’air d’y toucher, en partant, d’abord et avant tout, de ce qu’était l’essence même de la vie de Mercury : la création, la musique, le spectacle. Et à ce titre, ce « Freddie Mercury » s’adresse vraiment à un public très large !

Les Petites Faveurs (auteure : Colleen Cover – éditeur : Glénat Porn’pop)

Graphiquement entre Wallace Wood et Lucques, voici un livre résolument érotico-pornographique, souriant, inventif, et parlant de femmes qui aiment les femmes, et destiné aux femmes, sans aucun doute ! Aux lesbiennes… Aux autres… Et, ma foi, aux hommes, aussi, désireux de découvrir que l’appartenance sexuelle d’un auteur (homme ou femme) influence d’évidence ses récits et les moteurs intimes qui les sous-tendent, mais n’influence en rien le talent. Et Colleen Coover n’en manque pas, de talent, sans aucun doute possible !

Annie, l’héroïne, n’a pas grand-chose à voir avec son aînée « Little Annie »… Dévergondée, adorant les amusements solitaires, elle se découvre soudain une conscience… Et une gardienne cosmique de sa conscience, la blonde Nibbil. Blonde, inventive, et charnellement torride!

Cela dit, quand on parle de conscience, c’est de conscience de désir, de plaisir, de jouissance, de rires heureux, de bonheurs partagé, de folies fantasmées qu’il s’agit, d’abord et avant tout! !

Oui, c’est une bd lesbienne et pornographique, une bd qui n’est pas sans rappeler que l’« Alice au pays des merveilles » chère à Disney ne manquait pas de symbolismes qui étaient tout sauf sages et bien-pensants !

Une lecture à réserver à un public adulte, donc, avec un dessin vif, enjoué, intelligent, des scénarios qui illustrent de l’amour toutes les fantaisies, voilà ce qu’offre ce livre étonnant aux qualités évidentes !

Une Belgian Pride… Trois bandes dessinées très différentes les unes des autres, qui mènent du militantisme à la biographie, en passant par le plaisir des sens… De quoi, simplement, comprendre par tout un chacun que l’homosexualité est une réalité aux mille talents…

Jacques Schraûwen