La belle Julie Petit-Clou perdue dans les remous de l’Histoire !
Histoire, fantastique, mystère… Une série qui tient toutes ses promesses! Avec passion, avec humour, avec érotisme aussi, de ci, de là…
Deuxième tome d’une série qui conjugue l’humour, l’imagination, l’Histoire, le fantastique, le progrès, la décadence, la dictature… Deuxième tome d’une série qui a décidé, avec le sourire, de nous faire le portrait, à chaque nouvel album, d’une époque précise, d’un moment où se mélangent une certaine idée du modernisme et un « peuple » qui n’en est que le spectateur. Deuxième aventure pour une jeune femme courtisée par bien des amants en puissance et qui, possédant un don de voyance, devient un élément moteur dans des « enquêtes » passionnantes, passionnées, et, ma foi, passionnelles !
Cette jeune femme est le personnage central du récit, même si l’intrigue, LES intrigues, elles, ne se présentent à elle que par une sorte de hasard sans âme.
Elle ne se met en évidence que grâce à la confrontation de son existence de romanichelle avec quelques « méchants » qui, le plus souvent, se cachent sous des apparences plus que bienveillantes !
Et c’est là la force première du scénario, d’ailleurs, de Jack Manini : nous montrer une héroïne qui, tout compte fait, et malgré sa force et son « don », se révèle d’une émouvante fragilité, et nous révéler également, en même temps, que les bas-fonds de la société ne sont pas toujours là où on les imagine, là où on les attend !
Jack Manini aime varier les plaisirs. Tantôt dessinateur, tantôt scénariste, plus rarement les deux en même temps, il aime les personnages hors du commun, dans le sens premier de cette expression, les êtres humains qui, ballottés par des événements extérieurs ou de manière totalement volontaire, se révèlent et se définissent par leur différence. Et ses scénarios, dès lors, pour tenir la route, comme on dit, se doivent à chaque fois d’être fouillés, tant au niveau du contexte que de la personnalité, tant au niveau littéraire qu’à celui de l’environnement et du décor qui, toujours chez lui, est un personnage à part entière.
C’est encore le cas ici, et il a trouvé en Willem un dessinateur capable à la fois de scènes très intimistes, pour s’approcher au plus près de ses personnages, héros ou anti-héros, et à la fois de grandes fresques graphiques qui restituent, avec un sens du mouvement parfaitement réussi, des lieux, des ambiances, dans toutes leurs diversités plurielles possibles !
Incontestablement, Willem s’est entièrement approprié cette histoire, il l’a faite, graphiquement, totalement sienne. Et le scénario nous montrant, d’album en album, des personnages qui vieillissent, Willem peut montrer toute l’étendue de son talent en se plongeant dans les âges de la vie, en nous montrant, à sa manière, que les années qui passent se marquent dans les attitudes, dans les traits, dans les démarches, dans les apparences, sans pour autant que se perde la beauté originelle. Quelle que soit la forme que prend cette beauté.
Outre son trait enlevé, vif, capable ici de mouvement, là d’observation pure, il faut aussi signaler la superbe mise en couleurs. Tanja Wenish, la coloriste, ne se contente pas de nous montrer des « tableaux », mais, de par son sens de la couleur, jusqu’à une certaine monochromie de temps en temps, de par son sens aigu de la lumière, également, elle nous « raconte » des instants, des moments et des lieux qui, tous, ont leur propre existence, leur propre tonalité, et la construction qui est sienne permet ainsi à l’œil du lecteur de ne jamais se perdre en route, et de toujours partir à la découverte de détails que la lumière, justement, met en évidence.
Cet album, et le précédent de cette série, et les suivants à venir, très certainement, sont des livres d’aventure, certes… Des livres qui s’enfouissent dans des époques historiques bien précises. Et un des plaisirs pris à la lecture de cette fille de l’exposition universelle (des expositions universelles, plutôt) naît du nombre de personnages réels qui émaillent les péripéties des aventures racontées. Il y a le Tsar, il y a des anarchistes, il y a Haussmann et ses travaux à la fois sublimes et extrêmement déshumanisants, il y a l’empereur Napoléon 3… L’Histoire, la grande, reste omniprésente, sans jamais être pesante, et laisse la place, très souvent, à l’humour, tant dans le texte de Manini que dans le dessin de Willem.
Dans cet album, on ne peut que souligner l’intelligence des portraits. Rien n’est tout blanc, rien n’est tout noir, et certainement pas l’empereur Napoléon 3, par exemple, que les auteurs, ici, nous montrent dans toute son ambiguïté.
On ne peut qu’insister également sur la volonté des auteurs de ne pas hésiter à nous montrer l’existence dans tout ce qu’elle peut avoir de sombre, jusqu’à la haine, jusqu’à l’amour détruit, jusqu’à la mort…
Ce qui est remarquable, dans cette série, outre le fait que les personnages vieillissent, c’est la volonté de Manini et Willem de réaliser chaque album comme un vrai one-shot.
La fille de l’exposition universelle est une héroïne à la fois hors du commun et à la fois exceptionnelle, qui ne pourra, j’en suis convaincu, que vous plaire !
Jacques Schraûwen
La Fille De L’Exposition Universelle: Paris 1867 (dessin : Etienne Willem – scénario : Jack Manini – couleur : Tanja Wenish – éditeur : Grandangle)