Bruxelles, ville de la bande dessinée : trois expositions à voir !

Puisque la Belgique est le pays, dit-on, de la bande dessinée, puisque Bruxelles en est la capitale, puisque la culture est de nos jours foulée aux pieds par des pouvoirs qui se veulent absolus, aimons ces lieux qui sont encore ouverts et qui nous permettent de nous évader de dessin en dessin, de découverte en découverte !

Galerie Champaka : rétrospective « Guy Lefranc » par le dessinateur Régric jusqu’au 27 février 2021

C’est en 1952 que Jacques Martin a créé, dans le journal de Tintin, le personnage de Guy Lefranc, un journaliste aventurier vivant dans ces années 50 qui restent encore marquées profondément par la guerre 40-45, et déjà anxieuses de voir se profiler une nouvelle guerre que l’on a dit froide.

Lefranc © Regric

Dès le départ de cette série, il s’est agi de mettre en scène un personnage qui doit beaucoup à Valhardi, un héros pur et dur, ben pensant, dans l’air du temps. C’était de la bande dessinée réaliste dans le style évident de la ligne claire chère à Hergé, ombre tutélaire du magazine Tintin.

Ce personnage ne s’est pas éteint avec son créateur, et différents auteurs se sont attelés à ce que perdurent ses aventures qui le voient affronter des méchants plus vrais que nature !

Depuis, 2009, c’est Régric qui, essentiellement, a repris le flambeau. La caractéristique première de son travail, c’est évidemment de rester fidèle au trait comme au contenu de cette série, de dessiner de façon classique des récits classiques eux aussi.

Lefranc © Regric

Et c’est son travail, minutieux, tout au long de sept de ses albums, que je vous propose de découvrir aux cimaises de la galerie Champaka. J’aime assez, personnellement, la manière dont Régric parvient à ne pas faire uniquement du copier-coller, mais, tout au contraire, à travailler avec délicatesse sur les noirs et les blancs, sur les mouvements, sur les expressions. Et c’est tout cela qui est à découvrir à la rue Ernestd Allard, à Bruxelles, jusqu’au 27 février prochain.

http://www.galeriechampaka.com/

Galerie Huberty & Breyne : Ira Dei, par Ronan Toulhoat, jusqu’au 27 février 2021

Ira Dei, c’est une série historique qui nous immerge dans une Moyen-Âge violent, brutal, aux conflits incessants, aux alliances improbables. C’est aujourd’hui un quatrième tome qui nous dresse le portrait à la fois d’un onzième siècle qui ne correspond pas vraiment à l’image qu’on s’en fait et à la fois de personnages entiers, puissants, ambigus…

Ira Dei © Ronan Toulhoat

Je ferai prochainement, ici, une chronique complète consacrée à ce livre, avec interview du scénariste Vincent Brugeas.

Ira Dei © Ronan Toulhoat

Mais aujourd’hui, je vous invite à aller découvrir le travail époustouflant du dessinateur, dans la galerie Huberty & Breyne, à la place du Châtelain. Vous ne pourrez qu’être éblouis par le talent de cet auteur qui a une maîtrise du Noir et Blanc et de la lumière, et qui, en illustrations ou en planches entières, parvient à rendre vivants, presque palpables les mouvements, dans ce qu’ils peuvent avoir de plus démesuré.

https://www.hubertybreyne.com/fr/expositions/en-cours

Galerie Huberty & Breyne : Bob et Bobette de Willy Vandersteen jusqu’au 20 mars 2021

Cette exposition à laquelle je vous convie aujourd’hui ne retrace pas du tout toute l’étendue de l’œuvre de Vandersteen qui a quand même créé d’autres séries qui ne manquent pas d’intérêt : Bessy, Robert et Bertrand, Le Chevalier Rouge, le Prince Riri, et les excellentes Frasques de monsieur Guignon.

Bob et Bobette © Willy Vandersteen

Elle ne nous montre qu’une période précise des aventures de Bob et Bobette, celle des années 1960, avec des planches originales de quelques livres qui ont continué, après l’époque Tintin, à prouver tout l’éclectisme de Vandersteen, dans ses thèmes comme dans l’évolution de son dessin : Le Sampan mystérieux, Trognika chérie, L’Œuf bourdonnant, entre autres, nous livrent ainsi les secrets de leur création.

Bob et Bobette © Willy Vandersteen

Et c’est une exposition sans apprêts que l’on peut visiter à la Place du Châtelain à Bruxelles. Trois objets emblématiques de l’univers de Bob et Bobette font un pendant tranquille aux planches accrochées aux cimaises de la galerie, et cette exposition est comme une petite flânerie amusée et amusante dans l’imaginaire dessiné d’un artiste qui reste un emblème de la culture belge de langue flamande. Bob et Bobette, ce sont des centaines d’albums, tous ou presque construits comme des fables contemporaines, même quand Vandersteen emmène ses héros dans d’autres époques grâce à la machine du professeur Barabas. Des fables, avec des morales… De la bd tous publics…

Jacques Schraûwen

Angoulême: quelques prix…

Angoulême: quelques prix…

Angoulême, malgré la colère toujours présente de bien des auteurs, a distribué quelques récompenses. En voici quelques-unes !

Je continue, personnellement, à penser que les prix, dans quelque domaine que ce soit, ne sont pas vraiment essentiels. Comment quelques « experts » (et on sait, aujourd’hui, ce que sont les compétences des experts de tout poil !) peuvent-ils, avec objectivité, donner un ordre de qualité, presque scolairement, à des œuvres d’art qui, de par la définition du mot « art », parlent différemment à chaque lecteur, à chaque spectateur. Je sais de quoi je parle, d’ailleurs, puisque j’ai participé activement pendant deux années, à la présélection d’un prix BD, assez déconcerté de voir, parmi les autres jurés, la volonté de prouver leur intelligence de lecteur en choisissant des livres ardus, « alternatifs »… C’est mon attitude, sans doute, à l’égard de cette sorte d’intellectualisme qui a fait qu’on ne me demande plus de faire partie de ce jury…

Intellectualisme, voilà le mot lâché, un mot qui me semble depuis bien des années correspondre à la « philosophie » du festival d’Angoulême et d’une grande partie de ses récompenses.

Mais bon, je dois quand même avouer aussi que certains prix, chaque année, à Angoulême et ailleurs, me plaisent, parce qu’ils me semblent couronner des livres qui sont accessibles à tout le monde, et qui, graphiquement et littérairement, ont des réelles qualités. Mais ce n’est là que mon avis, en toute subjectivité assumée !

Et je vais donc sacrifier à mon tour à cette réalité, et vous parler ici, en bref, de quelques-uns de ces trophées. Quelques-uns, oui, pour, comme toujours, ne parler que de ce que j’ai lu et aimé…

A Angoulême, donc…

Le prix des collèges a été accordé au livre « Les Omniscients », un livre pour tous les publics, qui nous met en présence d’un trio d’auteurs (un quatuor même si on prend en compte l’idée originale de Stephen Desberg) en osmose, tous travaillant dans le même sens : créer un album qui parle à tout le monde, le faire sans ostentation, avec plaisir, et donner l’envie aux lecteurs, la dernière page tournée, de vite, vite pouvoir lire la suite de ce récit fabuleux (au premier sens du terme !) ! Un excellent livre, que je vous invite à découvrir dans ma chronique, et à y écouter le scénariste Dugomier.

https://bd-chroniques.be/index.php/2020/08/23/les-omniscients-tome-1/

Le prix du public de France Télévision est largement mérité, pour tout le talent de son auteure, graphiquement et littérairement, pour sa liberté de ton, pour le regard qu’elle porte sur un personnage exceptionnel. Je veux parler de « Anaïs Nin », de Léonie Bischoff, que j’ai eu l’immense plaisir de rencontrer, également.

https://bd-chroniques.be/index.php/2020/08/13/anais-nin-sur-la-mer-des-mensonges/

Le fauve des lycéens couronne un des meilleurs livres de l’année 2020, un scénario de Hubert, bien trop tôt disparu, un dessin de Zanzim plein d’humour, de tendresse et de folie… « Peau d’homme » : un livre qui parle de l’amour, sensuellement, et de la place que masculinité et féminité s’y partagent. Un livre qui a également reçu le prix de la critique ACBD.

https://bd-chroniques.be/index.php/2020/11/11/lire-pour-le-plaisir-chroniques-express-de-trois-livres-de-chez-glenat/

Le fauve de la série souligne le travail simple, sympathique en diable, de Rabagliati, un auteur canadien qui nous raconte quelques quotidiens pleins de surprises. Une série parue chez l’éditeur « La Pastèque ».

Paul à la maison © La Pastèque

Le prix des lycées est remis à un livre qui parle d’aujourd’hui. « Les oiseaux ne se retournent pas », de Nadia Nakhlé, nous montre la rencontre improbable, sur les routes de la migration, d’un soldat et d’une enfant. Un livre au dessin extrêmement intéressant, paru chez Delcourt.

Les Oiseaux ne se retournent pas © Delcourt

D’autres prix ont été remis, également, bien évidemment, et vous en trouverez certainement la liste exhaustive sur le site de la FIBD (https://www.bdangouleme.com/).

Quant à moi, je me suis contenté, ici, de n’épingler que les livres que je trouve, personnellement, intéressants, intelligents, ouverts à toutes les découvertes ! Ce qui ne signifie pas que les autres œuvres couronnées ne sont pas susceptibles de vous intéresser également…

Jacques Schraûwen